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La tempête A son retour d'Amérique, Chateaubriand essuie, aux abords des îles Anglonormandes, une terrible tempête. En mettant la tête...

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« La tempête A son retour d'Amérique, Chateaubriand essuie, aux abords des îles Anglonormandes, une terrible tempête. En mettant la tête hors de l'entrepont, je fus frappé d'un spectacle sublime.

Le bâtiment avait essayé de virer de bord; mais n'ayant pu y parvenir, il s'était affalé sous le vent.

A la lueur de la lune écornée, qui émergeait des nuages pour sy replonger aussitôt, on découvrait 5 sur les deux bords du navire, à travers une brume jaune, des côtes hérissées de rochers.

La mer boursouflait ses flots comme des monts dans le canal où nous nous trouvions engouffrés; tantôt ils s'épanouissaient en écumes et en étincelles, tantôt ils n'offraient qu'une surface huileuse et vitreuse, marbrée de taches noires, cuivrées, ver10 dâtres, selon la couleur des bas-fonds sur lesquels ils mugissaient. Pendant deux ou trois minutes, les vagissements de l'abîme et ceux du vent étaient confondus; l'instant d'après, on distinguait le détaler des courants, le sijjlement des récifs, la voix de la lame lointaine.

De la concavité du bâtîment sortaient des bruits qui faisaient battre le cœur 15 aux plus intrépides matelots.

La proue du navire tranchait la masse épaisse des vagues avec un froissement affreux, et au gouvernail, des torrents d'eau s'écoulaient en tourbillonnant, comme à l'échappée d'une écluse.

Au milieu de ce fracas, rien n'était aussi alarmant qu'un certain murmure sourd, pareil à celui d'un vase qui se remplit. 20 Eclairés d'un falot et contenus sous des plombs, des portulans, des cartes, des journaux de route étaient déployés sur une cage à poulets.

Dans l'habitacle de la boussole, une rafale avait éteint la lampe.

Chacun parlait diversement de la terre.

Nous étions entrés dans la Manche, sans nous en apercevoir: le vaisseau, bronchant à 25 chaque vague, courait en dérive entre l'île de Guernesey et celle d'Aurigny.

Le naufrage parut inévitable et les passagers serrèrent ce qu'ils avaient de plus précieux afin de le sauver. In Mémoires d'Outre-tombe, VII, 7. ------QUESTIONS-----1 - Relevez des expressions qui montrent que Chateaubriand porte sur la tempête un regard de peintre. Dès les lignes 1 et 2, on découvre que le regard porté par l'auteur sur la tempête est celui d'un peintre ; il se dit en effet "frappé d'un spectacle sublime".

De la ligne 4 à la ligne 10 on trouve en outre des indications de couleur ("brume jaune", "taches noires, cuivrées, verdâtres") de lumière ("la lueur de la lune") et de formes ("écornée", "hérissées") qui confèrent à son évocation le climat d'une gravure romantique. 2 - Observez les lignes 1 à 13; par quels moyens Chateaubriand crée-t-il ici un climat fantastique ? Un climat fantastique est ici créé par deux moyens principaux ; le premier est l'exagération ou hyperbole, le second est la personnification.

Comme exemple d'hyperbole on peut citer "la mer boursouflait ses flots comme des monts" ou "des torrents d'eau s'écoulaient en tourbillonnant".

Les personnifications sont plus nombreuses ; elles consistent à prêter de la vie aux éléments déchaînés : les flots "mugissaient", les "vagissements de l'abîme", "le sifflement des récifs", "la voix de la lame" en sont de bonnes illustrations. - - - - COMMENTAIRE COMPOSÉ - - - Introduction Rentrant d'Amérique du Nord en décembre 1791, l'écrivain Chateaubriand faillit être victime d'un naufrage aux abords des iles anglo-normandes.

n retrace cet épisode mouvementé, trente et un ans plus tard, dans - Présentation du texte -Annonce du plan I - Une atmosphère dramatique 1 - La lumière 2 - Les bruits - la vie des éléments - le navire en danger ses Mémoires d'Outre-tombe, en écrivant une page où la situation du navire exposé à la furie des flots est présentée sous un jour à la fois dramatique et grandiose.

n sera intéressant d'examiner successivement ces deux aspects du texte. Pour constituer une atmosphère dramatique, Chateaubriand a d'abord placé la scène sous un éclairage propre à engendrer un climat inquiétant ; il s'agit de "la lueur de la lune" dont il nous est précisé qu'elle est "écornée", ce qui laisse entendre qu'il ne s'agit que d'un croissant dont la clarté est intermittente, puisqu'il "émergeait des nuages pour s'y replonger aussitôt".

Un tel éclairage a pour résultat de plonger la scène dans une sorte de "clair-obscur" qui communique aux éléments du décor un aspect et des couleurs peu engageants : c'est ainsi qu'une "brune jaune" apparaît sur les deux bords du navire, tandis que les dangereux "bas-fonds", sous la surface "huileuse et vitreuse" des vagues, transparaissent sous la forme de "taches noires, cuivrées, verdâtres", couleurs ordinairement peu associées à un climat de joie ou de sécurité. Aux effets' de la lumière, qui rappellent l'atmosphère de certaines gravures, s'ajoutent ceux du bruit car l'oreille est d'autant plus sollicitée dans ce récit que l'éclairage est pauvre.

L'évocation des bruits est d'abord caractérisée par l'appel à un vocabulaire propre à prêter de la vie aux éléments déchaînés; on n'entend pas en effet se déplacer des masses d'eau ou d'air mais au contraire "les mugissements" des flots, ainsi mués en monstres, "les vagissements de l'abîme" - curieux détournement d'un terme employé pour les cris des nouveau-nés, qui a pour effet d'évoquer une détresse élémentaireO). Dans le même ordre d'idées, le "détaler des courants", "le sifflement des récifs", "la voix de la lame" rendent la description d'autant plus effrayante que des forces malignes semblent se jouer du vaisseau et de ses passagers. D'autres bruits, enfin, relatifs à la lutte du navire, amplifient le sentiment de peur : ainsi en est-il du "frois- (1) - Le vagissement désigne aussi le cri des grands sauriens. sement affreux" engendré par la proue, et surtout de bruits moins forts que les intermittences de la tempête permettent d'entendre.

Ces "bruits qui faisaien battre le cœur aux plus intrépides matelots", sont perçus par des hommes immergés dans un "fracas" mais que l'imminence du danger a rendus sensibles au moindre signe ; témoigne particulièrement de ce subtil effet de dramatisation une indication comme celle-ci : "rien n'était aussi alarmant qu'un certain murmure" car Chateaubriand, jouant du contraste et chargeant de menace l'indéfini "certain", excelle à souligner ici l'angoisse générale. 3 - Le comporteDernier élément concourant au caractère dramament des tique de cette page, la présentation des hommes : hommes dépourvue de tout pathétique,,cette évocation tire essentiellement son atmosphère pesante de la sobriété dont use ici Chateaubriand.

Tandis, en effet, que l'équipage a recouru, dans le désastre, à des installations de fortune ("des cartes ...

étaient déployées sur une cage à poulets"), des phrases courtes, presque.... »

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