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La thématique de René On se limitera ici aux thèmes essentiels d'une œuvre foisonnante, en jetant sur eux un double...

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« La thématique de René On se limitera ici aux thèmes essentiels d'une œuvre foisonnante, en jetant sur eux un double éclairage.

Car il ne s'agira pas seulement de déterminer leur nature, mais de montrer comment le romancier, en les faisant vivre, en les orchestrant, nous livre à travers eux une vision du monde. LES THÈMES ESSENTIELS On peut discerner dans notre roman trois thèmes majeurs : le thème de la solitud(ë), celui du voyage, celui de la mort. La solitude « Un penchant mélancolique l'entraînait au fond des bois; il y passait seul des journées entières.

» Dès la pre­ mière page, le héros apparaît comme un être solitaire. Tour à tour subie ou choisie, la solitude le marque si pro­ fondément qu'il ne saurait y échapper : elle est ce qui le constitue. • René l'orphelin Comme Jean-Jacques Rousseau, René coûte la vie à sa mère en venant au monde.

Comme Chateaubriand lui­ même, on le met en nourrice « loin du toit paternel».

Par sa froideur, le père intimide son fils, et s'il meurt dans les bras du jeune homme, de son vivant celui-ci ne l'aura guère approché.

Très tôt, René se trouve donc condamné à la solitude affective.

Un seul réconfort : sa sœur Amélie, la compagne de son enfance.

Mais il va la perdre, elle aussi : lorsqu'il revient en France après avoir couru le monde pour oublier un peu son deuil, il cherche à la revoir, mais Amélie, qui s'épouvante d'aimer René d'un amour interdit, s'enfermera dans un couvent.

Le voici donc «seul sur la terre 1 ».

Il avait visité seul le manoir de ses ancêtres, il s'embarque seul pour le Nouveau Monde: les êtres chers ont disparu; René, l'orphelin, , largue les amarres. • Épris de solitude jusqu'au vertige René s'est toujours complu dans la solitude.

Tout enfant déjà, il en recherchait les charmes : abandonnant tout à coup ses amis, il allait s'asseoir à l'écart, «pour contempler la nue fugitive, ou entendre la pluie tomber sur les feuillages».

Ce goût qu'il partage avec Amélie, il l'a cultivé pour son propre compte.

Quand il se promène avec elle, il s'isole déjà du monde.

Mais le plus souvent, il est vraiment seul: appuyé sur un tronc à écouter le «pieux murmure» de la cloche lointaine, ou visitant sous la lune les ruines de quelque cité...

La solitude, pour René, c'est la compagne de toujours.

Ainsi, quand les circonstances de sa vie feront de cette solitude une source de souffrance, ne cherchera-t-il pas d'abord à la combattre.

Non content de la subir, il l'accentuera volon­ tairement.

« Dérober sa vie» dans un monastère, telle est sa première pensée lorsque son père disparaît.

Amélie le tient à distance? Il se retire alors dans un faubourg «pour y vivre totalement ignoré».

Et ce n'est pas encore assez: le voici bientôt qui «s'ensevelit» dans la chau­ mière d'un «exil champêtre».

Il y a chez René un vertige de la solitude: celui-là même qui l'attire aux abords du couvent où sa sœur est cloîtrée.

Bien plus que de l'aper­ cevoir derrière une fenêtre, il jouit de contempler ces murailles qui la lui rendent à jamais inaccessible. • La solitude ennoblit La solitude a son charme; la solitude a un sens.

Elle est aux yeux de René ce qui confère un prestige, inconnu des autres hommes.

C'est en effet le privilège du poète qui, seul dans la nuit orageuse, se sent capable de «créer des mondes» (p.

160).

C'est le privilège du contem­ plateur, embrassant du haut de l'Etna l'étendue de notre univers (p.

151 ).

Pour son malheur et pour sa gloire tout ensemble, l'être solitaire est aussi un être d'exception: le Romantisme ne peut concevoir de héros ordinaires. 1.

Page 160.

Ces mots sont, chez Rousseau encore, les tout premiers de la Première Promenade des Reveries ... --------------------~- - - Mais si la solitude révèle et fortifie les grandes âmes, elle creuse en elles un désir qui demande à être comblé : on ne peut éternellement se satisfaire de soi-même. Le voyage Il faut sortir de soi.

La solitude vous enferme, et l'on en vient à rêver d'un ailleurs - à rêver de voyages. • Nul port d'attache « Heureux ceux qui ont fini leur voyage sans avoir quitté le port», soupire notre héros (p.

147).

C'est qu'ils trouvaient dans ce port de quoi les fixer à jamais.

Peut-être avaient-ils cet amour des autres dont Amélie témoignera en sacrifiant sa vie pour la communauté des religieuses. René, lui, n'est pas un être social.

Même chez les Natchez, dont il envie pourtant l'existence harmonieuse, il se tient à l'écart.

Il n'a pas non plus trouvé l'âme sœur, cet autre port d'attache.

Amélie est inaccessible, la Sylphide de ses fantasmes exaspère son désir au lieu de le satisfaire (p.

157) et son mariage indien n'est que de pure forme 1 • Nulle part, René n'a rencontré l'Autre: c'est !'Ailleurs qui va le solliciter. • Du voyage immobile à l'exploration du monde C'est d'abord dans la rêverie que notre héros s'évade. Pour amorcer ce voyage immobile, qui est un voyage en esprit, il suffit de si peu de chose! Une feuille séchée que le vent chasse devant lui, la fumée d'une cabane, un étang désert où le jonc murmure 2 ••• Suivre des yeux les vols des oiseaux de passage, c'est déjà les accompagner.

Il n'est que de s'égarer sur les grandes bruyères, et l'esprit s'égare à son tour, exalté par les tempêtes: «J'aurais voulu être un de ces guerriers errants au milieu des vents, des nuages et des fantômes ...

» Car il y a dans la rêverie une puissance dynamique : bientôt, rêver ne suffit plus, on veut faire de vrais voyages. René a l'âme vagabonde.

Et le monde pour lui n'est pas l'univers arrêté des continents: c'est un «orageux océan».

Le parcourir comme il le fait, c'est donc se laisser entraîner par lui.

D'un pays à l'autre, cela va de soi, et des civilisations mortes aux civilisations vivantes.

Mais ce 1.

Cf.

résumé de René, p.

31. 2.

Cf.

p.

159. 44 ~ qui passionne René, c'est qu'il accomplit surtout un voyage dans le temps.

En retrouvant les monuments de Rome et de la Grèce, il fait surgir à ses côtés « le Génie des Souvenirs».

En écoutant chanter le barde sur les monts de Calédonie, il plonge avec lui dans un passé héroïque et païen.

En visitant « la riante Italie», le voici qui ressuscite d'un regard les chefs-d'œuvre d'une culture séculaire.

L'Ailleurs est aussi un Hier.

Mais hier ne saurait combler le désir d'aujourd'hui : quand il regagne sa patrie, le voyageur demeure insatisfait. • La migration spirituelle « L'œil de la pénitente était attaché sur la poussière de ce monde, et son âme était dans le ciel» : ainsi René dépeint-il Amélie au moment où elle s'apprête à pro­ noncer ses vœux.

Cette aspiration vers un au-delà, c'est bien souvent la sienne propre.

Du fond même de la solitude, il aspire à s'élever.

Nous l'avons vu sur les mon­ tagnes « embrasser dans les vents» le fantôme d'une Femme idéale, et l'imaginer dans les astres.

Mais cet amour même est encore trop charnel: la flèche d'un clocher solitaire inspire bientôt à René un désir tout spi­ rituel - celui d'accomplir, avec les oiseaux, sa migration vers « les espaces d'une autre vie». « Anywhere out of the world ! » s'écriera Baudelaire dans Le Spleen de Paris: n'importe où, pourvu que ce soit hors du monde! Un demi-siècle plus tôt, c'était déjà le vœu secret du héros de Chateaubriand, à la recherche de ce « bien inconnu dont l'instinct [le] poursuit». La mort Oui voyage en ce monde y voyage sans fin : sans cesse l'horizon recule, et cela d'abord nous enivre.

Mais l'ivresse bientôt se mue en désespoir: l'univers se dérobe à nos prises.

Ainsi René ne peut-il trouver de quoi combler « l'abîme de [son] existence».... »

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