La vie affective ■ LE DÉSIR. " Élire les caresses dans le champ bleu de la mémoire ... A ton...
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«
La vie affective
■ LE DÉSIR.
" Élire les caresses dans le champ bleu de la mémoire ...
A ton visage
les mains les feuilles assemblées retrouvent /'instant hésité, la forme qui se
rêve et devient tiède.
Tout est si vrai! Sur les collines éparses les oiseaux
sont complices de la lumière.
Fiori.
Les premiers mots te doivent le jour.
»
1 REPÈRES 1
RÉALITÉ DU DÉSIR ET SIGNIFICATION
EXISTENTIELLE.
• Approche générale.
- Tout être vivant est animé d'un instinct de conservation, qu'on
peut aussi appeler « désir de persévérer dans l'être ».
Quand ce désir
prend conscience de lui-même, il s'appelle tout simplement désir ou
désir d'être (cf.
Spinoza : ...
« le désir se rapporte généralement aux
hommes, en tant qu'ils ont conscience de leurs appétits et peut,
pour cette raison, se définir ainsi : le Désir est I'Appétit avec
conscience de lui-même ».
Éthique, 111, Proposition 9, scolie).
- Différent du besoin (état de tension interne lié à une privation
ressentie par le sujet), le désir implique, pour l'être humain, la repré
sentation d'un objet ou d'une satisfaction, et ceci en liaison avec ce
que Freud appelle une « trace mnésique » laissée par des· expérien
ces antérieures de satisfaction.
Le désir implique donc autrui dans la
mesure où les expériences de satisfaction vécues et stratifiées met
tent en jeu d'autres personnes.
- Il faut en outre préciser que pour l'homme, en tant qu'être de
culture, besoin et désir sont historiquement déterminés, et peuvent
varier dans le!fl contenu comme dans leur diversification.
Cf.
sur ce
point Marx : « La forme différente que prend la vie matérielle est
chaque fois dépendante des besoins déjà développés, et la produc
tion des besoins, tout comme leur satisfaction, est elle-même un
processus historique que nous ne trouvons jamais chez un mouton
ou chez un chien » (L 'Idéologie allemande, première partie, Éditions
Sociales, page 98).
• Quelques aspects éthiques du problème.
- S'il est vrai qu'en visant autrui et sa reconnaissance, le moi ne
cherche en fait que « l'unité avec lui-même », on débouche sur l'im
passe de l'individualisme.
Kant notait (Fondements de la métaphysi
que des mœurs) que le désir singulier, lorsqu'il prétend réduire autrui
à un simple moyen, compromet l'humanité en tant que telle.
Si je
veux être reconnu dans ma qualité d'homme, je dois reconnaître
aussi autrui en tant que tel, c'est-à-dire comme une fin en soi, et
pas seulement comme un moyen.
Ainsi, le « règne des fins ».
fondé
sur la reconnaissance réciproque des êtres, donne-t-il à J'acte moral
tout son prix, et annonce-t-il une relation d'un type nouveau entre la
moralité et le bonheur : pour que le bonheur ne contredise pas la
moralité, il ne doit pas en être le but explicite (comme dans le cas
de l'action calculée et intéressée) ; il en est bien plutôt un résultat,
puisque considérant autrui comme une fin en soi, je dois aussi être
traité comme tel.
Il y a donc dépassement de la singularité du désir
individualiste, et accès à un type de satisfaction où ce qui vaut pour
autrui vaut aussi pour moi.
Le désir implique l'autre non comme
rencontre obligée, mais comme terme à part entière dans un jeu
mutuel de gratification, voire d'amour.
- Une telle perspective suppose un dépassement du désir pre
mier.
Pas plus qu'un pouvoir non reconnu ne peut se perpétuer assu
rément, un désir strictement individualiste ne peut être viable très
longtemps.
Rechercher ce qui a du prix pour autrui, et pas seulement
pour moi-même, c'est en fait chercher à échapper à une précarité
que rien, sinon, ne me permet de supprimer.
- Le désir en lui-même peut-il être maîtrisé, et l'individu peut-il
se donner les moyens, par là même, d'échapper à l'emprise d'au
trui ? La morale stoïcienne, en minimisant les biens qu'on a l'habi
tude de mettre en avant (la santé, la richesse, le pouvoir, etc.),
s'efforçait de définir un domaine où la volonté du sage peut garder
son emprise : celui des désirs et de l'affectivité.
Les biens de ce
monde ne sont que des « préférables» (Cicéron, De finibus bonorum
et malorum, Ill) c'est-à-dire qu'ils ne peuvent être considérés comme
des valeurs fondamentales (l'idéal du sage stoïcien reste, rappe
lons-le, de vivre en harmonie avec la nature).
■
LES PASSIONS.
REPÈRES
QUELQUES ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION.
- De prime abord, le sens de la passion fait problème : il y a
bien en elle un aspect passif, que suggère l'étymologie; mais il y a
aussi une dynamique de la passion, qui se manifeste dans l'activité
la plus soutenue en faveur d'une cause ou d'un projet.
Leibniz écrit :
« On n'a point l'esprit libre quand il est occupé d'une grande pas
sion.
» Mais Hegel déclare : « Rien de grand ne s'est accompli dans
le monde sans passion.
» Deux « constats » qui ne sont peut-être
pas contradictoires.
- En son sens premier, la passion est bien ce qui s'impose à
l'être « de l'extérieur», du fait d'une cause adventice, et en l'ab
sence de toute initiative de la volonté.
Patior : je subis.
La
conscience, percevant une douleur liée par exemple à une blessure,
ou à une brûlure, subit.
La perception interne de la douleur peut être
plus ou moins maîtrisée, et laisse des « traces » plus ou moins dura- bles.
En passant du propre au figuré, la passion recouvre ce que
l'âme (ou la conscience) subit quand un événement (ce qui arrive)
l'affecte, que l'affection soit morale ou physique.
Ce premier sens du
mot passion (grec : pathos) est pointé par Aristote, qui en fait une
des dix catégories par lesquelles on peut caractériser un être et sa
situation.
Aucune connotation négative ne s"attache alors au mot,
qui recouvre simplement le fait qu'un être peut subir une action
(comme il peut aussi en accomplir une).
- L'approche normative intervient dès lors que l'on considère la
passion comme ce qui peut troubler l'équilibre intérieur d'un être
humain, notamment en prenant une place excessive, et ce, au détri
ment des autres fonctions.
Pour Aristote lui-même, l'homme est
essentiellement être raisonnable, ce qui signifie que la passion, en
lui, ne doit exister que sous le contrôle de l'instance par laquelle
s'accomplit l'activité réflexive qui doit assurer maîtrise de soi et maî
trise de l'existence.
Une extériorisation périodique des passions (ca
tharsis) permet à la raison d'échapper à la « pression» qui sinon
s'exercerait sur elle et nuirait à son fonctionnement.
L'éthique grec
que définit un art de vivre où la passion doit être contrôlée de diver
ses manières : l'ataraxie (absence de trouble) permet à l'homme de
vivre en harmonie avec sa nature, qui l'incite à se conserver en
excluant tout ce qui pourrait lui nuire.
La pensée cartésienne, dans
une perspective un peu différente, valorise la passion, mais disquali
fie son excès.
La fonction naturelle des passions est pour Descartes
d'inciter « l'âme à vouloir les choses que la nature dicte nous être
utiles et à persister dans cette volonté» (Passions, 52).
- En voulant faire coïncider le dualisme (harmonieux et pas for
cément conflictuel) raisons/passions avec l'opposition de l'âme et du
corps, une certaine théologie chrétienne a abouti à la disqualification
pure et simple de la passion, assimilée à la servitude qui advient à
l'âme en raison de son union avec le corps.
Dépeindre le malheur de
l'homme en proie à ses passions peut dès lors relever de deux pro
blématiques différentes : l'une, celle du rationalisme classique et
dans une certaine mesure de l'éthique grecque, ne conteste pas le
rôle de la passion dans la vie affective, mais l'apprécie dans le cadre
d'une exigence d'équilibre, condition de la maîtrise de soi.
L'autre,
celle du spiritualisme chrétien, réfère le débordement passionnel ou
« mal radical» qui dès l'origine s'inscrit dans la finitude humaine.
- Un point de vue original: celui de Spinoza.
L'auteur de !'Éthi
que propose l'abandon de tout point de vue normatif sur la passion
et l'affectivité humaine en général.
Il rejette le pur et simple volonta
risme de la maîtrise de soi tel que l'enseignaient les Stoïciens.
L'homme n'est pas « un empire dans l'empire» et les déterminismes
qui règlent l'ensemble de la nature règlent aussi le fonctionnement
de l'affectivité (cf.
le préambule du Livre Ill de I'Éthique, ainsi que les
paragraphes 1 à 5 du Traité Politique : « on ne saurait douter en
effet (...
) que les hommes sont nécessairement en proie aux affec
tions»).
- Le romantisme, et certains philosophes du xv111• siècle ou du
x1x• siècle, redéfinissent en fait la nature et le rôle de la passion.
Rousseau.
notamment, s'applique à contester le rationalisme classi
que et à réévaluer le statut de la passion, notamment dans ses
théories de l'éducation (cf.
Émile) et dans sa conception de l'origine
des langues (cf.
Discours sur /'origine des langues).
Principe antérieur
à la raison, la passion n'est pas forcément mauvaise ni génératrice
de servitude.
C'est le devenir social tel qu'il s'est déroulé qui a fait
naître les « passions mauvaises », notamment en instaurant entre les
hommes duplicité et exploitation.
Dans une perspective un peu diffé
rente, on pourra aussi se référer à la conception hégélienne de /'his
toire, qui fait une place non négligeable à la passion (cf.
La Raison
dans /'histoire, collection 10-18).
La passion y apparaît comme un
mode d'accomplissement, de réalisation, de la Raison (la « ruse de la
Raison »), avec toutefois une particularité : elle constitue un « mo
ment » dans l'extériorisation de I' Esprit humain (sa manifestation) ;
moment où l'extériorisation, non consciente d'elle-même, ne se saisit
pas comme telle, moment « d'aliénation », pour reprendre la distinc
tion qu'effectue Hegel entre l'extériorisation consciente d'elle-même
et l'extériorisation non consciente d'elle-même.
- Avec la psychanalyse, la représentation habituelle du psy
chisme est bouleversée.
D'abord, l'idéal classique de la « maîtrise de
soi » est référé par Freud à « l'illusion de la conscience » : celle-ci
n'est pas le tout du psychisme, elle n'en est qu'un effet, duquel
aucun point de vue objectif sur la vie psychique ne peut se dégager.
(Cf.
sur ce point Freud.
Essais de psychanalyse appliquée.
« Une
difficulté de la psychanalyse », Éditions Gallimard, collection
« Idées ».) Selon Freud, il n'y a pas une instance psychologique maî
tresse (le moi, la conscience) qui serait plus ou moins « assaillie » par
des désirs et des forces de tous ordres, mais un tout complexe du
psychisme dont la conscience n'est qu'une différenciation souvent
marginale.
Que le moi se sente fort ou faible, débordé ou maître de
lui-même, n'est qu'un épiphénomène d'un certain rapport d'équilibre
ou de déséquilibre entre des exigences dont il est chargé de faire le
compromis (cf.
Freud.
Nouvelles conférences sur la psychanalyse,
troisième conférence : les diverses instances de la personnalité psy
chique, Éditions Gallimard, collection « Idées », page 78).
Ainsi, une
angoisse non maîtrisée résulte de l'intensité de culpabilisations liées
à ce que Freud appelle les « traces mnésiques » laissées par certai
nes expériences relationnelles infantiles.
Il reste que la conception
freudienne, si elle prétend évacuer la « théorie des facultés », ne peut
sans doute pas faire totalement l'économie d'une théorie du sujet,
qui doit « advenir » dans la conciliation réussie entre les exigences
pulsionnelles et la vie sociale.
Quant à la cure psychanalytique, n'a-t
elle pas pour objet, non de supprimer ou de modifier certains conte
nus psychiques, mais de permettre leur réappropriation maîtrisée par
le sujet conscient ? Il s'agit de faire en sorte que la vie psychique ne
soit plus subie (dans la modalité pathogène de l'inconscient) mais
maîtrisée, ce qui rejoint dans une certaine mesure l'idéal de lucidité
du rationalisme classique (cf.
sur ce point la Correspondance de Des
cartes avec Élisabeth, et son Traité des passions).
\
POLYNÉSIE B]
l
Dégagez l'intérét philosophique de ce texte en procédant à son étude
brdonnée:
« Quoi qu'en disent les moralistes, l'entendement humain doit beau
oup aux passions, qui, d'un commun aveu, lui doivent beaucoup aussi
1
c'est par leur activité que notre raison se perfectionne; nous ne cherchons
à connaître que parce que nous désirons de jouir, et il n'est pas possible
de concevoir pourquoi celui qui n'aurait ni désirs ni craintes se donnerait
la peine de raisonner.
Les passions, à leur tour, tirent leur origine de nos
besoins, et leur progrès de nos connaissances; car on ne peut désirer ou
craindre les choses que sur les idées qu'on en peut avoir, ou par la simple
impulsion de la nature ; et l'homme sauvage, privé de toutes sortes de
lumières, n'éprouve que les passions de cette dernière espèce; ses désirs
ne passent pas ses besoins physiques : les seuls biens qu'il connaisse dans
l'univers sont la nourriture, une femelle et le repos; les seuls maux qu'il
craigne sont la douleur et la faim; je dis la douleur et non la mort; car
jamais l'animal ne saura ce que c'est que mourir, et la connaissance de
la mort, et de ses terreurs, est une des premières acquisitions que
l'homme ait faites, en s'éloignant de la condition animale ».
ROUSSEAU
[AMIENS B]
Est-ce parce qu'ils sont ignorants que les hommes sont sujets à des
passions?
[ROUEN CDE)
La passion est-elle une erreur?
[TOULOUSE A]
Dégagez l'intérél philosophique de ce texte en procédant à son étude
ordonnée:
« Une passion est une existence primitive, ou, si vous le voulez, un
mode primitif d'existence et elle ne contient aucune qualité représentative
qui en fasse une copie d'une autre existence ou d'un autre mode.
Quand
je suis en colère, je suis actuellement dominé par cette passion, et dans
cette émotion, je n'ai pas plus de référence à un autre objet que lorsque
je suis assoiffé, malade ou haut de cinq pieds.
Il est donc impossible que
cette passion puisse être combattue par la vérité et la raison ou qu'elle
puisse les contredire; car la contradiction consiste dans le désaccord des
idées, considérées comme des copies, avec les objets qu'elles représen
tent.
»
HUME
[GRENOBLE A]
Suis-je dans mon corps « comme un pilote dans son navire » ?
CORRIGÉ
DISSERTATION ENTIÈREMENT RÉDIGÉE
• Introduction.
Alors même que j'avais décidé de ne « rien laisser paraî
tre », le tremblement de mes lèvres ou de ma voix trahit
nlon émotion.
Singulière expérience des limites de ma vo
l 1nté, ou plutôt des limites de son pouvoir : ne suis-je pas
pable de maîtriser totalement mes réactions corporelles ?
«décalage» ainsi éprouvé donne à réfléchir lorsque j'envi
par ailleurs les cas où mon corps «exécute» parfaite
l ent ma décision d'agir de telle ou telle façon : j'ai décidé
de quitter cette pièce, je me lève, et je sors...
Tantôt réalité
a9paremment autonome qui produit ses effets à l'insu de ma
v lonté, tantôt fidèle «instrument» de mes décisions, mon
c ïrps est-il en mon pouvoir, et dans quelle mesure ? Suis-je
d , ns mon corps «comme un pilote dans son navire» ?
•1
Développement : p,emlè,e partie (analyse du sujet),
1 En envisageant, de façon problématisée, une telle analogie
(ffféditations métaphysiques, VI), Descartes esquissait l'ana
lv1>e du difficile problème > (ou corps
sujet) prend toute sa signification.
Mon corps ne se dit pas
dans le même sens que mon navire, ne serait-ce que parce....
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