Lamartine: Méditations poétiques (1820) En 1820, la publication des Méditations poétiques est un évé nement littéraire. Lamartine apporte à la...
Extrait du document
«
Lamartine: Méditations poétiques (1820)
En 1820, la publication des Méditations poétiques est un évé
nement littéraire.
Lamartine apporte à la poésie un ton nou
veau, fait de lyrisme* et d'harmonie.
Le poète s'efforce de
cerner et d'exprimer ses états d'âme, fugitifs et évanescents.
Le« moi», la nature et le temps constituent ainsi les thè
mes privilégiés de cette inspiration très représentative du
romantisme.
M
Le Vallon
on cœur, lassé de tout, même de l'espérance,
N'ira plus de ses vœux importuner le sort;
Prêtez-moi seulement, vallon de mon enfance,
Un asile d'un jour pour attendre la mort.
5
10
Voici l'étroit sentier de l'obscure vallée:
Du flanc de ces coteaux pendent des bois épais,
Qui, courbant sur mon front leur ombre entremêlée,
Me couv,:ent tout entier de silence et de paix.
Là, deux ruisseaux cachés sous des ponts de verdure
Tracent en serpentant les contours du vallon ;
Ils mêlent un moment leur onde et l!eur murmure,
Et non loin de leur source ils se perdent sans nom.
La source de mes jours comme eux s'est écoulée;
Elle a passé sans bruit, sans nom et sans retour;
15 Mais leur onde est limpide, et mon âme troublée
N'aura pas rifléchi les clartés d'un beau jour.
20
La.fraîcheur de leurs lits, l'ombre qui les col{,ronne,
M'enchaînent,tout le jour sur les bords des ruisseaux;
Comme un enfant bercé par un chant monotone,
Mon âme s'assoupit au murmure des eaux.
Ah! c'est là qu'entouré d'un rempart de verdure,
D'un horizon borné qui suffit à mes yeux,
J'aime à.fixer mes pas, et, seul dans la nature,
À n'entendre que l'onde, à ne voir que les cieux.
25
J'ai trop vu, trop senti, trop aimé dans la vie.
Je viens chercher vivant le calme du Léthé 1 •
Beaux lieux, soyez pour moi ces bords où l'on oublie:
L'oubli seul désormais est ma félicité.
Alphonse de Lamartine, Méditations poétiques, « le Vallon» (1820),
Sept premières strophes d'un poème qui en compte seize.
Idée directrice
Les sept premiers quatrains du poème intitulé« le Vallon»
sont consacrés à la célébration d'un lieu cher au cœur du
poète.
Il y trouve un refuge et un remède à son amertume
et au sentiment douloureux de la fuite du temps.
L' écriture poétique et la musique lamartinienne font de ce texte
une illustration de l'inspiration élégiaque*.
Celle-ci compte
parmi ses thèmes de prédilection l'analyse du« moi» désenchanté.
On pourra donc étudier le texte selon les trois axes
suivants:
- l'expression du désenchantement ;
- la célébration du vallon ;
- la musicalité lamartinienne.
PISTES DE LECTURE
A.
L'expression du désenchantement
La lassitude est la dominante du premier quatrain, qui
donne le ton par l'affirmation du manque d'espoir et de
la mort proche.
Le même sentiment réapparaît dans le texte
essentiellement aux strophes 4 et 7.
• Dans le premier quatrain
La tonalité du texte est donnée dès les quatre premiers
1.
Le Léthé est, dans la mythologie antique, un des fleuves des Enfers.
On lui attribue le pouvoir d'apporter l'oubli.
20
alexandrins, qui suggèrent que le poète est arrivé à la fin
de sa vie.
L'emploi du futur négatif et le choix de la négation« ne ...
plus» (v.
2) confèrent à l'affirmation un caractère définitif aggravé par le pronom indéfini« tout» (v.
1).
Les mots clés qui permettent de cerner l'état d'âme du poète
sont mis en relief par leur situation dans les vers du premier quatrain : « cœur ».
ouvre le premier alexandrin et
constitue le premier nom de tout le texte ; « lassé ,; est valorisé par sa place juste derrière une coupe* forte au second
pied : « Mon cœur /lassé de tout » ; « espérance » et « mort »
sont à la rime du premier et du dernier vers du quatrain.
• Dans les quatrains 4 et 7
Le désenchantement vient aussi de l'amertume du temps
qui passe, exprimée dans les quatrains 4 et 7: l'utilisation
répétée du passé composé souligne le passage irréversible
du temps (« s'est écoulée», v.
13; « a passé», v.
14).
Le
groupe ternaire: «J'ai trop vu, trop senti, trop aimé»
(v.
25) insiste sur un bilan peut-être_ riche (répétition de
«trop») mais aussi sur une certaine lassitude; c'est aussi
ce que suggère, aux vers 15 et 16, la métaphore* qui associe, de manière négative, la vie au miroir de l'eau:
« Mais leur onde est limpide, et mon âme troublée »
A l'eau claire, le poète oppose une âme« troublée», image
d'une vie peut-être marquée par les passions et par les
orages.
Le désenchantement se marque enfin par le souhait de
l'oubli, exprimé sous trois formes différentes.
Le« calme
du Léthé» (v.
26) est une périphrase qui fait allusion au
fleuve mythologique de l'oubli.
L'idée est encore exprimée
par le verbe« oublier»(« ces bords où l'on oublie», v.
27)
et par le nom qui le reprend en écho au début du vers 28
(« L'oubli seul est ma félicité»).
Ainsi l'analyse que le poète fait de ses propres sentiments
met en relief une certaine amertume de la vie, mais souligne aussi l'agrément d'une relation consolatrice avec des
lieux....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓