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L'a·mour courtois !.:expression« amour courtois» n'existe pas au Moyen Age. Il s'agit d'un concept forgé par la critique littéraire du...

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« L'a·mour courtois !.:expression« amour courtois» n'existe pas au Moyen Age. Il s'agit d'un concept forgé par la critique littéraire du XIX6 siècle.

En revanche, l'expression« fin'amor» est médiévale. A la fin du Xl6 siècle, se développe au sud de la France, en pays d'oc, une poésie lyrique centrée sur le motif de l'amour.

Cette poésie, écrite et chantée par les troubadours, exprime un amour d'exception, porté à son plus haut degré de perfection: la fin'amor.

Il s'agit presque toujours d'un amour impossible entre un amant déchiré par la passion et une dame absente et inaccessible. Au x11e siècle, les contacts se multiplient entre le sud et le nord de la France ; les chansons des troubadours vont alors se répandre au nord de la France, en pays d'o"rl, où elles sont adaptées et réécrites par les trouvères1 • L'.héritage de cette poésie lyrique va également se transmettre au roman, qui en exploitera les thèmes et les motifs. Dans quelle mesure Le Chevalier de la charrette hérite-t-il de cette tradition? Rappelons qu'il a été commandé par Marie de Champagne, qui donne à Chrétien de Troyes la mission d'adapter la fin'amor au roman2• Nous montrerons comment le romancier s'acquitte de cette tâche, en faisant de Lancelot et Guenièvre un couple d'amants courtois.

Mais Chrétien de Troyes assume-t-il totalement la thématique de la fin'amor? Ne joue-t-il pas plutôt avec les lieux communs de la poésie lyrique courtoise? 1.

Le terme «trouvère» désigne les poètes du nord de la France, «troubadour», ceux du sud de la France. 2.

Le célèbre Traité de l'amour courtois a été rédigé en 1186 par un auteur qui fréquenta la cour de Champagne : André le Chapelain. Son ouvrage se fait l'écho des discussions sur l'amour qui avaient lieu dans l'entourage de Marie de Champagne ou de sa mère Aliénor d'Aquitaine.

Les nobles dames rendaient des «jugements d'amour» inspirés des règles de la fin'amor. LES RÈGLES DE L'AMOUR COURTOIS L'amant-vassal La tradition courtoise qualifie l'amant d'homme lige, c'està-dire de vassal de la dame qu'il aime.

La féodalité fournit un cadre formel à l'amour.

Comme le vassal jure de servir son seigneur, le chevalier amoureux promet d'obéir à sa suzeraine.

L'amour est pensé sur le mode de l'hommage vassalique. Dans Le Chevalier de la charrette, Lancelot se voue au service de la reine, la plus haute des dames.

Sa soumission est entière et ne doit pas se démentir un seul instant: Guenièvre lui reprochera d'avoir hésité quelques secondes avant de monter sur la charrette! Le service d'amour suppose obéissance et fidélité.

Lors du premier combat contre Méléagant, la reine - sur les prières de Bademagu demande à Lancelot d'arrêter de frapper son adversaire, ce qu'il fait aussitôt car Celui qui aime sait obéir. Il fait bien vite et de bonne grâce ce qui doit plaire à son amie s'il aime d'un cœur entier. (v.

3798-3801). Au tournoi de Noauz, Lancelot obéira de même aux ordres et aux contrordres de la reine.

En outre, son amour est exclusif.

Guenièvre le sait et ne s'inquiète pas lorsque les spectatrices du tournoi souhaitent s'attacher Lancelot. De fait, Lancelot résiste aux charmes de la demoiselle entreprenante car le chevalier n'a qu'un cœur, et encore n'est-il pas à lui, il l'a déjà confié à autrui (v.

1228-1230). Le contrat courtois est donc plus exigeant que le contrat vassalique, car un vassal peut d'une part rompre son engagement si les conditions en sont trop dures et d'autre part servir plusieurs seigneurs. La dame lointaine La dame servie par le chevalier est inaccessible.

Dans la poésie lyrique occitane, au sud de la France, les troubadours chantent I' « amour de loin», l'absence de la dame et l'impos­ sibilité d'atteindre l'être aimé. Dans le roman, on retrouve cet éloignement spatial puisque la reine a été enlevée par Méléagant et conduite dans l'Autre Monde.

Lancelot part à sa recherche et, à plusieurs reprises, il va se rapprocher de sa dame, mais la séparation prend alors une autre forme: les tours, du haut desquelles Guenièvre observe Lancelot, introduisent une distance ver­ ticale entre les deux amants. Le caractère inaccessible de la femme aimée est lié aussi au statut social de Guenièvre.

En aimant la reine, Lancelot est déloyal envers son seigneur et roi.

Toutefois, au regard de la morale courtoise, cet obstacle n'est pas essentiel. L'amour courtois ne peut en effet se concevoir et se vivre que dans l'adultère, dans l'interdit.

Cela suppose un climat de secret mais aussi de jalousie et de dénonciation1.

Guenièvre invite ainsi Lancelot à se méfier, lorsqu'il viendra la rejoindre à sa fenêtre Et prenez garde en venant Que personne ne soit là à vous épier. (v.

4526-4527). Les amants doivent veiller à garder le mystère de leur amour, pour espérer la réalisation secrète de leur désir amoureux. LES LOIS DU DÉSIR L:'adoration de la dame Chrétien de Troyes, au vers 3962, qualifie son héros de « parfait amant»(« fin amant», en ancien français).

Lancelot agit effectivement en parfait amant courtois.

Il subit l'épreuve 1.

Dans la poésie lyrique, il existe une figure de dénonciateur, le « losengier », c'est-à-dire celui qui épie et trahit les amants. du désir et de l'attente selon les règles héritées de la poésie lyrique occitane.

Son attitude et ses gestes obéissent à un rituel fondé sur l'adoration de la dame.

Deux épisodes du roman illustrent ce motif: la découverte du peigne et la nuit d'amour. Sur le chemin de la quête, Lancelot parvient à une fon­ taine, où il découvre, sur la margelle, un peigne auquel sont encore accrochés des.... »

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