L'ANGOISSE Nature,.rlèn de toi nem'émeut, ni les champs Nourriciers, ni• l'écho vermeil des pastorales Siciliennes, ni les pompes aurorales, Ni...
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L'ANGOISSE
Nature,.rlèn de toi nem'émeut, ni les champs
Nourriciers, ni• l'écho vermeil des pastorales
Siciliennes, ni les pompes aurorales,
Ni la solennité dolente des couchants.
...
Je ris de l'Art, je ris de l'Homme.
aussi, des chants,
Des.vers, ·des,temples grecs et des tours en spirales
Qu'étirent dans le :ciel :vide les cathédrales,
Et je•vois•du même œil les bons et lés méchants.
Je Iie ctois pas en Dieu, j'abjure et je renie
Toute·pensée, et quant·à la vieille irliilosoph;ie : rien sur la vie socialé, sur le travail
par exemple,..
D'où cette première .et.
assez banale sompie toute·
co.nst,itation que npµs avons· à faire à la vision du monde d'µi;t
intellectuelqui ne.
s'intéresse qu'à ce à qu_oi-il est, personnellement
confronté.
On ne peut.cependant manquer d'être frappé par le fait
que _ces questions corresppndent- à peu près ex.actement .à celles
sur lesquelles a pris position dans les années .18.60-1865.un groupe
de p.oètes:;_ les .Parnassiens.
La :!iature, l'Art, l'Homme, la
F.l.eligion, a.utant de notiorui figées derrière leurs majuscules -qui
ont servi à constituer le « bréviaire » parnassien.
On peut donc
dire que dans le simple choix des questions qui vont lui permettre
de définir sa vision du monde - et peu importe ici encore ce qu'il
pense de ces notions.
- Verlaine est surdéterminé par les
catégories parnassiennes: il voit le mondeà travers les catégories
du Pàrnasse.
Pour autant Verlaine reprend-il à son compte le
contenu de ces notions?
Le poème s'ouvre sur une apostropheà la nature:
« Nature, rien de toi ne m'émeut...
1>
C'est toute une métaphysique qui passe dans ce qu'on aurait tort
de réduireà la figure rhétorique de l'apostrophe.
« S'adresser »à la
nature, cela suppose en effet qu'elle soit un c objet homogène 1),
placéà distance du sujet qui l'observe.
Cela suppose que le sujet
soit un observateur toujours à même de s'effacer dans la pure
relation d'une observationà laquelle il ne prendrait point part.
Le
problème n'est pas po·ur nous ici de faire grief à Verlaine de se
fairé l'écho d'une théorie idéaliste de la connaissance, mais de bien
souligner que.
cette.
théorie, exprimée telle quelle, fut celle des
Parnassiens pour lesquels le sujet est placé devant la nature
comme deux potiches l'une en face.
de l'autre sur une cheminée.
La.recherche de l'impassibilité en poésie, prônée par Leconte de
Ûsle est directement issue de ces principes philosophiques.
C'est
bien à cela que nous renvoie le « Nature, rien.
de toi ne
m'émeut ...
& de Verlaine: l'homme, le poète est faceà_face avec la
nature comme un o)Jservateur lointain et indifférent, objectif
dirait Leconte de Lisle.
La nature est un décor inerte dans'Je fond
de la scène, « .•• la Nature est vide...
» lisons-nous dans les Poèmes
Antiques, ou encore dans les Poèmes Barbares :
c La Nature se rit des souffrances humaines.
1)
-Et c'est précisément cette conception de la nature comme décor
inerte •qüi va condùire Verlaine à présenter dans le premier
quatrafn lè « spectacle & de la nature comme une suite de
tableaux.
Évoquer la nature, ici pour Verlaine, c)est, comme pour
les pa'rnassiens, présenter une- succession d'images closes sur elles
mêmes, figées comme celles des lanternes magiques, è'e'st énûmë
rer une série de « clichés ».
Et par clichés entendons aussi bien
image morte qu'image banale parce que trop souvent utilisée.
Tout le ·décor conventionnel de la nature est ainsi convoqué: de
l'aube au couchant en passant-par les champs cultivés, évoquésà
travers le poncif de la fécondité ·• naturelle » de la terre qui permet
de passer sous silence la réalité du travail agricole, de même que le
inonde des campagnes disparait derrière cette trés parnassiennè
ètranspo•sition d'art ..
qu'est l'évocation musicale-et bucolique-des
c pastorales-siciliennes •·
II est important de remarquer que l'environnement littéraire
qui permet à Verlaine de représen�r la nature comme.
un
ensemble bien répertorié 'de petits tableau�.
foi fait aussi.
adopter
certains« tics» d'écriture caractéristiques du:mouvement parnassien.
Dans l'éclat des voyelles:oi:ales i:Iu.vers 2::.
« ....l'écho vermeil des 1mstorales»,
dans la richesse des rimes: pastorales/aurorales, dans l'usage des
assonances internes:
·« ••• la solennité dolente des coticliants»; •.
dans le goût pour les enjambements·...,_ ainsi: champs/nourriciers
aux vers 1 et 2; ainsi: pastorales/siciliennes.
aux vers: 2 et 3 -,
dans le goût des mots rares - ·ainsi: cet.adjectif
.
« auroral » que
Verlaine ·a sinon-.créé-du moins utilisé parmi les premiers·- c:est
bien le ton même de la poésie parnassienne que nous entendons;
Quant· à la religion, cet autre.
thèlJle '.11ous.-;J_'.avons yu, ·qui
contribue à définir la vision du monqe que._nous présente Verlaine,
on sait bien que celle qu.'admit Leconte,-de :Lisle fut celle .de
l'Art.
Point .n'est besoin d'évoquer en-détail cette gr.aride· révolte
contre les- dieux que constitue l'ensemble de « Qaïri » dans les
Poèmes· Barbares; relisons seulement .
ces- deux vers
· · dti recueil
· .\
posthume Derniers Poèmes :
; Là sont· tous· les Pieux mort!?, anciens:songes de· l'homme,
Qu'il a conçus,.
créés;- adorés et maudits.
» , ·
A ce « .charnier ,divin» fait .
écho:· èfiè� :Yerlaine le premier
· ·
hémistiche du.vers_-8:
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« Je ne cro�s pas en:Diena:.
;»,.
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' :
• ' : � (....
:;-· '
La transformation .négatï,vei de· ;la,-.
premi�re.
,phrase, du..:Ci:edo
catholique inél.ique.assez-à.q"'e1'Di�u pênsè Verlaine.
En même
·temps sa prise ·de.,position.acquiert une violence ·extrême.
..
N'est-ce pas aussi la conception religieuse de d'art qu'exprimait
Leconte de ·Lisle·d;ms· un article.idt! Nain J�.u{le, _n'est;ce pas .
ce
fanatisme de.l'art-cogçu •comme la \'.�]l}üf_snpx�me i_ndép�ndante
i
du v.rai; de l'utile et du· bien qui pe,rm_ettènt'à'.Yerlàine' d'aff r)ner.:
« Et je, vois- du7 même-œiUes ·bons et les méchants: �? 'Gardôn&
nous ici de tout contrese11s et.
n'ignoi'ons' pas qifü' 'VeÎ:'lairii ::vient ·
d:amrmer·.:1 « Je, ris :·-de :l'Art.s, »-•· Pom:, autant · -il; convenait' de·
souligner l'existence de rapports - soutei:rains dans le texte ....:_
,entre l'art et· la-morale, de remarquer: que .si Verlaine.
peut être
amené à prendre .position sur ;là.' niora)e:aprês ravqir fait .p\mr l'art
c'est_ qu0'ici encore ile_st_ïlu'rqéterminé par,:Iès màd�l�� ��,réfle:'ton
, compare .avec _ce vers qu�-�pus.venops de citer,
parnassiens.
Qu ·on
ce quatrain de Sagessè- 'ét .l'on verra ·la.
distance immense' qui
sépare une remaJqu'e produite- ·par la· logique interne' d'une
-·
réflexion constîtuée « ailleu_rs», et l'§veu déc!liré d'un_e expérience
vécue�
• .Je ·ne vois plus rien
Je perds la m�oir�
Du mal ·et du bien ...
0 la triste histoire! »
Convenons donc• que cette vision du monde que nqus présente
Verla_ine est profondéme�t dépendante des conceptions parnas
siennes.
Mais s_i ce monde est celui du décor, de l'impassibilité, du....
»
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