Le 23 mars 1990, jour de la fête nationale pakistanaise, le Premier ministre, Benazir Bhutto, le président, Ghulam Ishaq Khan,...
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Le 23 mars 1990, jour de la fête nationale pakistanaise, le Premier ministre,
Benazir Bhutto, le président, Ghulam Ishaq Khan, et le chef d'état-major de
l'armée, le général Mirza Aslam Beg, assistaient côte à côte au défilé
militaire.
Ce spectacle tendait à convaincre les observateurs politiques qu'un
new deal était intervenu entre les responsables de la troïka qui dirige le
Pakistan.
Non que la confiance régnait totalement, mais chacun avait sans doute
réalisé que la vie commune suppose des concessions.
Depuis son accession au pouvoir, en novembre 1988, B.
Bhutto, en effet, n'a
cessé de batailler, à la fois contre un président à qui la Constitution accorde
d'importants pouvoirs, et contre le chef de l'opposition (l'Alliance
démocratique islamique, IDA), Nawaz Sharif.
De plus, elle a été obligée de
ménager l'armée et les ulémas, ces derniers continuant à enflammer les mosquées
avec une idée simple: un gouvernement dirigé par une femme est anti-islamique.
Un an avant, une trêve politique était intervenue.
Le Premier ministre et Nawaz
Sharif, qui est aussi chef-ministre de la puissante province du Pendjab (60% de
la population), étaient tombés d'accord pour "coopérer" et éviter les
"provocations".
Mais l'accord ne fut qu'un feu de paille.
La "guérilla" devint
multiforme.
Le chef de l'opposition n'hésita pas à faire arrêter des
fonctionnaires fédéraux, le gouvernement du PPP (Parti du peuple pakistanais)
répliquant par des mesures de rétorsion contre les intérêts financiers privés de
N.
Sharif.
Celui-ci multiplia les manoeuvres pour laminer l'assise parlementaire
du Premier ministre.
Cette tactique faillit être la bonne, puisque les quatorze
députés du MOM, ce mouvement qui regroupe les Mohadjirs (anciens immigrés de
l'Inde, de langue ourdou), quittèrent le PPP pour rejoindre l'IDA.
Le 1er
novembre 1989, une motion de censure recueillit 107 voix lors d'un vote de
confiance à l'Assemblée nationale.
La majorité de B.
Bhutto passa de 148 à 128
députés, une marge très courte au Pakistan, où un siège parlementaire s'achète
aisément.
Dans plusieurs régions du pays, le PPP s'est, par ailleurs, fait tailler des
croupières.
Dans la province du Nord-Ouest (NWFP), un autre mouvement, l'ANP
(Parti national awami) de Wali Khan, est passé à l'opposition, rendant
vulnérable le gouvernement local du PPP.
Dans le Balouchistan, la coalition
dirigée par Nawab Bugti lui est devenue résolument hostile, depuis que le
Premier ministre a vainement tenté de provoquer une crise en dissolvant
l'assemblée locale.
Épreuve de force avec le président
Parallèlement, l'épreuve de force institutionnelle entre B.
Bhutto et le
président, qui s'est développée tout au long de l'année 1989, n'a pas tourné à
l'avantage de celle-ci.
Grâce au huitième amendement de la Constitution, Ghulam
Ishaq Khan peut procéder à des nominations militaires et judiciaires, voire même
démettre le Premier ministre.
A plusieurs reprises, le chef de l'État a montré
qu'il entendait profiter de ses prérogatives.
Celles-ci résultent de
dispositions constitutionnelles qui ne peuvent être annulées que par une
majorité des deux tiers des deux chambres du Parlement.
Or le Sénat, en
1989-1990, était majoritairement favorable à l'opposition.
Cette paralysie
politique de B.
Bhutto explique en partie pourquoi le bilan législatif du
gouvernement, pendant cette période, était quasi inexistant.
Compte tenu d'une
situation économique qui est demeurée difficile, ce blocage a peut-être permis
de justifier l'absence de réformes (notamment fiscale et foncière) mais, à
terme, le risque est grand de provoquer des mécontents au sein de la majorité
populaire qui soutient B.
Bhutto, et qui attend toujours plus de justice
sociale.
Sur le plan social et ethnique, le bilan n'est pas franchement positif.
La
condition des plus pauvres et celle des femmes n'a été que faiblement améliorée.
Dans le Sind, région du sud du pays qui est le fief du PPP et celui de la
famille Bhutto, les troubles n'ont cessé de se multiplier, une situation
anarchique prévalant au début de l'année 1990.
Sindhi, Mohadjirs, Pendjabi,
Baloutch et Pathan forment un véritable "bouillon de culture" ethnique et les
affrontements meurtriers sont devenus cycliques.
La situation s'est détériorée
avec l'apparition d'un terrorisme quotidien qui désorganise l'activité du port
de Karachi, capitale du Sind et véritable "poumon économique" du Pakistan.
En
avril 1990, le général M.A.
Beg lançait un avertissement solennel: si le
gouvernement n'est pas capable de rétablir l'ordre, l'armée ne restera pas
inactive.
Le poids de l'armée
Jusque-là, les relations avec les chefs militaires sont restées bonnes, le
rapport de forces ne jouant pas en faveur de....
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