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LE BOUDDHISME CHINOIS PRÉSENTATION A première vue rien ne devait sembler plus étranger à la pensée chinoise et à l'ordre...

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« LE BOUDDHISME CHINOIS PRÉSENTATION A première vue rien ne devait sembler plus étranger à la pensée chinoise et à l'ordre social et cosmique qui l'inspire et la légitime, comme aussi à sa langue et à son écriture, que le bouddhisme, sauf à considérer celui-ci comme un avatar du taoïsme.

Comme si se matérialisait la légende de Laozi s'enfonçant dans l'Ouest barbare et faisant retour au pays par le truche­ ment de sages indiens qui, ayant reçu son enseigne­ ment, l'ont poursuivi à leur manière, quelque peu étrange mais, pour l'essentiel, traditionnelle.

Et c'est cette fable qui eut cours avant qu'on ne s'aperçût du côté chinois - et cela prit quelque temps - qu'il s'agissait d'une doctrine très différente et qui visait un but radicalement nouveau : le salut, la délivrance totale. Ce bouddhisme missionnaire et mahâyâniste péné­ tra en Chine par vagues successives.

Textes et prédi­ cateurs, d'origine et d'écoles diverses, s'adressant à des publics différents, lettrés ou populaires, furent à l'origine des grandes Ecoles chinoises. Un trait remarquable de cette transmission à la Chine du bouddhisme mahâyâniste est qu'il n'existe plus pour certains sûtras d'origine indienne que leur version chinoise (souvent aussi tibétaine). Ainsi, par exemple, le «Sûtra du grand nirvâna» (Mahâparinirvânasûtra) ainsi que l'Enseignement de Vimalakîrti (Vimalakîrtinirdesha), n'existent plus que dans leur version chinoise.

Ce qui s'explique, d'une part, par l'extinction du bouddhisme en Inde, et, d'autre part, par l'importance qu'eurent ces textes mahâyânistes pour le bouddhisme chinois (et ensuite japonais).

Le caractère quelque peu «hétérodoxe» de ces deux ouvrages et des commentaires de ceux-ci par des lettrés bouddhistes chinois explique aussi l'intérêt qu'ils n'ont cessé de susciter.

L'Enseignement de Vima­ lakîrti, dont l'original perdu daterait du ne s.

de notre ère, a été traduit en chinois par le grand traducteur des textes sanskrits bouddhiques, Kumârajîva (344-413). Ce texte présente les thèmes majeurs du Mahâyâna (la vacuité, la non-dualité, la compassion ...

) sous une forme vivante, littéraire et théâtralisée dont n'est absente ni la dérision, ni le franc-parler, ni la critique tous azimuts de son principal personnage, Vimalakîrti, qui, riche marchand, buveur et lutineur à ses heures, n'en suit pas moins, quoique vivant dans le monde, la voie d'un bodhisattva.

Sans parler du caractère mer­ veilleux et extraordinaire de nombreux passages qui ne pouvait qu'enchanter les lecteurs. Quant au Sûtra du grand parinirvâna, ce qui devait plaire à son public chinois, populaire ou lettré, est bien son caractère hétérodoxe, puisqu'il est probablement un des.

seuls textes mahâyânistes présentant Ja déli- vrance (le nirvâna) comme un état pur et agréable, permanent et personnel. La bouddhéité.

étant en nous, il suffit d'en être conscient.

L'éveil consiste précisément en cette saisie subite d'une «positivité» inexprimable qui conjoint à la fois le samsâra et le nirvâna.

Ce qui, tout en restant jusqu'à un certain point du mahâyânisme «classique», s'en écarte pourtant par une tendance certaine à une certaine substantialisation, plutôt concrète qu'abstraite, du moi comme du nirvâna lui-même. Quoi qu'il en soit, il semble bien que même lors­ qu'il n'est pas que populaire, autrement dit dévotion­ nel, religieux, «merveilleux», le bouddhisme chinois se distingue du bouddhisme indien par un souci du concret, fut-il cosmique, dans tous ses aspects chan­ geants et une méfiance envers toute abstraction for­ melle qui dualiserait la pensée de façon statique au lieu d'en laisser jouer la «dualité» complémentaire, totalisante et donc finalement non-duelle. Par ailleurs, si dans leurs «dérivés» religieux, confu­ cianisme, taoïsme et bouddhisme font bon ménage, au point qu'on parle volontiers de la religion des Chinois comme d'une religion triple, au plan philosophique ou des doctrines, leur «coexistence distanciée» n'ignore ni emprunts, ni adoption d'idées que l'on adapte, ou des siennes que l'on réajuste. Il convient néanmoins de nuancer quelque peu cette coexistence des doctrines.

Si, entre confucianisme et taoïsme, fut toujours perceptible un état de tension doctrinal et existentiel, il n'en demeure pas moins que, d'une part, il s'agit d'une tension interne à la pensée chinoise elle-même, et que, d'autre part, étant donné l'esprit inclusif et synthétique chinois, le lettré accom­ pli était à la longue devenu confucéen «à l'extérieur» pour ce qui concernait la vie publique, familiale, sociale, rituelle - et peu ou prou taoïste - en ce qui relevait de sa liberté spirituelle, de sa «spontanéité». Le bouddhisme, lui, en tant que doctrine étran­ gère, bousculait cette complémentarité, où d'ailleurs le confucianisme avait la part du lion.

Il lui a donc fallu se faire accepter et ne pas «abuser». Accepter, il y est parvenu de deux façons.

D'une part, grâce à tout ce qui dans le bouddhisme faisait pen­ ser au taoïsme; d'autant que les premières traductions du sanskrit en chinois utilisaient des mots ou expres­ sions taoïstes (ou taoïsantes) pour rendre compte des concepts ou des représentations imagées bouddhiques. D'autre part, étant donné le caractère plus mystique que dogmatique du bouddhisme mahâyâniste, les let­ trés bouddhistes ou bouddhistes lettrés ont pu sini­ ser, acculturer comme on dirait aujourd'hui, la pensée bouddhiste, l'adopter en l'adaptant. Reste que les coups de semonce des milieux confu­ céens et «n·ationalistes» n'ont pas manqué, d'autant que l'Eglise bouddhiste était devenue un Etat dans l'Etat grâce à la puissance de ses monastères.

L'Etat mit donc le holà à cet «abus», à ce danger, en suppri­ mant l'état monacal et la richesse des monastères, sans que pour autant on ne touchât ni aux laïcs ni au boud­ dhisme en tant que tel. Si donc le bouddhisme a pu s'acclimater en Chine, et pendant quatre siècles (du Jye au VIIIe s.) y être très florissant et très prestigieux, c'est à la fois parce que, sur le plan des idées, il «consonnait» avec le néo­ taoïsme ou l'Ecole des Mystères et qu'il correspondait à la soif d'espoir et de salut d'un peuple et d'une société désenchantés par la dureté des temps.

Se pliant aux conditions sociales de l'époque en vue d'obtenir le patronage dont il avait besoin pour son expansion, il sut, en Chine du nord, passer par le pouvoir central, c'est-à-dire l'empereur et sa cours, et, en Chine du sud, passer par celui de l'aristocratie locale. Le bouddhisme devint ainsi une Eglise puissante et privilégiée qui, quoique en conflit plus ou moins larvé avec l'Etat et avec les lettrés confucéens et « nationa­ listes», dans le même temps qu'il introduisit en Chine des notions religieuses nouvelles (rétribution future, renaissance, valeur magique de la prière répétitive ...

) réussit à devenir en quelque sorte un Etat dans l'Etat tout en assurant une action de bienfaisance sociale non négligeable (monastères hospitaliers, construction de routes (pèlerinages), d'écoles, etc.). Quoi qu'il en soit de tout cet aspect proprement reli­ gieux que nous ne pouvons que mentionner, signalons tout de même que la réaction anti-bouddhique d'Etat du IXe s.

mit fin, en 842-845 (proscriptions et persécu­ tions), aux privilèges et à la puissance de l'Eglise bouddhique et que c'est à partir de cette époque qu'on peut dater son déclin.

Non sans que ne continue son impact majeur dans la religion populaire ainsi que sou­ terrainement sari influence dans les sociétés secrètes et les insurrections populaires, non sans que le néo­ confucianisme des Song (XI-XIIIe s.) n'en subisse l'as­ cendant philosophique. A part l'influence religieuse énorme qu'eurent cer­ tains bodhisattvas I dans la ferveur religieuse du temps, toutes les.... »

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