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Le comique en dehors de la comédie Le comique n'est pas le privilège de la comédie. Tous les genres littéraires...

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« Le comique en dehors de la comédie Le comique n'est pas le privilège de la comédie.

Tous les genres littéraires peuvent l'exploiter et jouer des tonalités humoristique, iro­ nique ou burlesque.

Toutefois, le registre comique ne se limite pas à ces tonalités, même si ce sont les plus courantes.

La satire, la cari­ cature et la parodie en font également partie. LA SATIRE Jusqu"au xvne siècle, la satire appartient au domaine poétique, comme le montrent les Satires de Mathurin Régnier (1573-1613) ou celles de Nicolas Boileau (1636-1711), qui sont rédigées en alexan­ drins.

Depuis le xvme siècle, elle peut emprunter la forme de la prose. Mais qu'elle soit en vers ou en prose, la satire est toujours un texte à visée railleuse, critique, avec une intention moralisatrice plus ou moins affectée. La satire recourt au registre comique pour dénoncer les excès, les comportements répréhensibles ou les ridicules.

Ses thèmes et ses cibles sont infinis : comme on peut rire de tout, on peut faire la satire de tout. La satire se distingue toutefois du libelle, qui met violemment en cause un individu précis, souvent de manière injurieuse et diffama­ toire.

Elle se différencie aussi du pamphlet, qui est un écrit polémique sur un sujet d'actualité. La satire fait rire parce qu'elle fustige une anormalité, un écart par rapport à un idéal ou au bon sens.

Par le rire, elle tend à susciter une prise de conscience. Ainsi cette dénonciation des « embarras » de Paris, qui repose implicitement sur la nostalgie d'une vie calme et paisible : En quelque endroit que j'aille, il faut fendre la presse D'un peuple d'importuns qui fourmillent sans cesse ; IJun me heurte d'un ais [planche], dont je suis tout froissé : Je vois d'un autre coup mon chapeau renversé. Là d'un enterrement la funèbre ordonnance, D'un pas lugubre et lent vers l'église s'avance, Et plus loin des laquais, l'un l'autre s'agaçant, Font aboyer les chiens, et jurer les passants. Des paveurs en ce lieu me bouchent le passage. Là je trouve une croix de funeste présage : Et des couvreurs grimpés au toit d'une maison, En font pleuvoir l'ardoise et la tuile à foison. Là sur une charrette une poutre branlante Vient menaçant de loin la foule qu'elle augmente, Six chevaux attelés à ce fardeau pesant, Ont peine à l'émouvoir sur le pavé glissant. D'un carrosse en tournant il accroche une roue ; Et du choc le renverse en un grand tas de boue. O!rand un autre à l'instant s'efforçant de passer, Dans le même embarras se vient embarrasser. Vingt carrosses bientôt arrivant à la file Y sont en moins de rien suivis de plus de mille, Et pour surcroît de maux, un sort malencontreux Conduit en cet endroit un grand troupeau de bœufs. Chacun prétend passer; l'un mugit, l'autre jure ;. Des mulets en sonnant augmentent le murmure. Aussitôt cent chevaux dans la foule appelés, De l'embarras qui croît ferment les défilés, Et partout des passants enchaînant les brigades [groupes], Au milieu de la paix font voir les barricades. On n'entend que des cris poussés confusément Dieu, pour s'y faire ouïr, tonnerait vainement. (Boileau, Satire T1I, v.

31-62.) Les procédés d'accumulation et d'amplification, la récurrence des verbes d'action, les champs lexicaux du bruit et de la foule, l'actualisation par l'emploi de l'indicatif présent : tout concourt, jusqu'aux réactions du narrateur, à faire de ce tableau de la vie parisienne une scène plaisante et légèrement féroce. La satire peut se révéler une arme redoutable dans la critique des institutions et de la société.

Dans ses Lettres persanes (1721), Montesquieu imagine que deux Persans, Usbeck et Rica, visitent la France.

Étrangers à nos mœurs, à notre système politique et à notre LA COMÉDIE 127 civilisation, ils portent un regard étonné, naïf, sur les Français et leur régime politique.

Leur naïveté fait sourire.

Elle leur permet d'énoncer des vérités premières et dérangeantes - comme à propos de ce portrait faussement ingénu de Louis XIV : Le roi de France est le plus puissant prince de l'Europe.

Il n'a point de mines d'or comme le roi d'Espagne, son voisin ; mais il a plus de richesses que lui, parce qu'il les tire de la vanité de ses sujets, plus inépuisable que les mines.

On lui a vu entreprendre ou soutenir de grandes guerres, n'ayant d'autres fonds que des titres d'honneur à vendre, et, par un prodige de l'orgueil humain, ses troupes se .trouvaient payées, ses places munies, et ses flottes équipées. D'ailleurs ce roi est un grand magicien : il exerce son empire sur l'esprit même de ses sujets; il les fait penser comme il veut.

S'il n'a qu'un million d'écus dans son trésor, et qu'il en ait besoin de deux, il n'a qu'à leur persuader qu'un écu en vaut deux, et ils le croient. S'il a une guerre difficile à soutenir, et qu'il n'ait point d'argent, il n'a qu'à leur mettre dans la tête qu'un morceau de papier est de l'argent, et ils en sont aussitôt convaincus.

Il va même jusqu'à leur faire croire qu'il les guérit de toutes sortes de maux en les touchant, tant est grande la force et la puissance qu'il a sur les esprits. (Montesquieu, Les Lettres persanes, XXIV.) L'étonnement de Rica fustige en fait les supercheries du pouvoir royal. LA CARICATURE La caricature n'appartient pas seulement aux dessins et aux arts graphiques : on peut caricaturer avec des mots. Quel que soit son mode d'expression, il s'agit toujours d'une charge qui exagère jusqu'à l'outrance certains détails, physiques ou moraux, pour révéler l'essentiel d'une scène ou d'une personnalité. C'est le cas dans cette satire de 1a·mode parisienne, qui, par ses , successions d'hyperboles et ses formules tendant à la bouffonnerie, vire à la caricature : Je trouve les caprices de la mode, chez les Français, étonnants.

Ils ont oublié comment ils étaient habillés cet été ; ils ignorent encore plus comment ils le seront cet hiver.

Mais, surtout, on ne saurait croire 128 LA COMÉDIE combien il en coûte à un mari pour mettre sa femme à la mode. Qy.e me servirait de te faire une description exacte de leur habillement et de leurs parures ? Une mode nouvelle viendrait détruire tout mon ouvrage, comme celui de leurs ouvriers, et, avant que tu eusses reçu ma lettre, tout serait changé. Une femme qui quitte Paris pour aller passer six mois à la campagne en revient aussi antique que si elle s'y était oubliée trente ans. Le fils méconnaît le portrait de sa mère, tant l'habit avec lequel elle est peinte lui paraît étranger ; il s'imagine que c'est quelque Américaine qui y est représentée, ou que le peintre a voulu exprimer quelqu'une de ses fantaisies. Qy.elquefois, les coiffures montent insensiblement, et une révolution les fait descendre tout à coup.

Il a été un temps que leur hauteur immense mettait le visage d'une femme au milieu d'elle-même. Dans un autre, c'étaient les pieds qui occupaient cette place : les talons faisaient un piédestal qui les tenait en l'air.

Qui pourrait le croire ? Les architectes ont été souvent obligés de hausser, de baisser et d'élargir leurs portes, selon que les parures des femmes exigeaient d'eux ce changement, et les règles de leur art ont été asservies à ces caprices.

On voit quelquefois sur un visage une quantité prodigieuse de mouches, et elles disparaissent toutes le lendemain. Autrefois, les femmes avaient de la taille et des dents ; aujourd'hui, il n'en est pas question.

Dans cette changeante nation, quoi qu'en disent les mauvais plaisants, les filles se trouvent autrement faites que leurs mères. (Montesquieu, Les Lettres persanes, XCIX.) LA PARODIE La parodie est l'imitation ou le détournement grotesque d'un texte déjà existant et célèbre.

Pour atteindre son but, elle réclame donc la complicité du lecteur, qui doit connaître le texte parodié.

Plusieurs cas de figure sont possibles. ITransposition d'une citation dans un contexte inadéquat 1 Quel qu'il soit, tout énoncé dépend pour son sens précis du contexte dans lequel il se trouve.

Modifier le contexte aboutit à donner à l'énoncé une coloration différente, généralement comique. C'est une première façon de parodier. LA COMÉDIE 129 Par exemple, dans Sertorius (1662), Corneille prête ces mots à Pompée, un général romain : Je suis maître, je parle : allez, obéissez (Sertorius, V, 6, v.

1868). L'ordre est clair, et implicitement menaçant. Molière reprend ce vers pour le mettre dans la bouche d'Arnolphe, dans /.:École des femmes (Il, 5, v.

642).

Mais la situation n'a plus rien de tragique.

Arnolphe est un vieux barbon qui tente de faire taire la jeune Agnès et de lui imposer son autorité.

Cette proclamation abusive de puissance est ridicule. Le lecteur qui connaît la tragédie de Corneille, ne peut que sourire de cette transposition littéraire. 1Détournement de citation La citation est légèrement modifiée pour obtenir un effet différent, souvent inverse, de celui qu'elle possède dans son état original. Chantre de l'amour brisé, Lamartine a écrit l'un des plus beaux vers du.... »

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