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Le comique En prenant l'avarice comme thème pour une comédie, Molière a-t-il joué à l'apprenti sorcier? A-t-il été entraîné malgré...

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« Le comique En prenant l'avarice comme thème pour une comédie, Molière a-t-il joué à l'apprenti sorcier? A-t-il été entraîné malgré lui loin de son but � faire rire ? Au contraire, il a réussi « à faire rire de tout ce nœud de vipères par la force même des situations comiques1 ». PLUSIEURS TYPES DE COMIQUES Pour le philosophe Bergson, le comique naît de l'impression de « mécanique plaqué sur du vivant2».

C'est à ce côté mécanique que la caricature doit sa force comique ; or, presque tout, dans L'Avare, est excès. Le comique immédiat : décors et acteurs Le lecteur de L'Avare rit peu, car il est difficile de« découvrir dans la leéiïireroütîè1eitd-Û théâtre3»; pour rire franchement, il faut devenir spectateur.

En effet, le mettéÙr en-sèèn� peut jouer sur lesdéêÔrs : on imaginerait facilement la maison d'Harpagon bardée de serrures et garnie de meubles branlants ou vermoulus (Dullin, pour sa part, imagine un « mur épais et hérissé de défenses» et, à la porte, un judas).

Pour les costu­ mes, Molière lui-même donne des indications : Harpagon est f vêtu de facorirîdîëûïé anaêh-ronique; les larges ·trousy�t la tache d'huilë'qÜ(déÎpii'rêi-ï°t"lês liv�é�s de ses domestiques (Ill, 1) sont des marques concrètes de grossissement comique.

On e 1.

P.-A.

Touchard, Théâtre de Molière, Club des Libraires de France, Collection «Théâtre».

1958, Tome IV, p.

457. 2.

Bergson ( 1859-1941).

Essai sur le Rire. 3.

Molière.

Préface à l'Amour médecin.

1665. peut aussi tirer parti du physique même des acteurs : un Maître Jacques ridiculërriênf grœ- ou au contraîrè excessivement maigre-.

un Harpagon laid, à la barbiche minuscule (comme celle qu'arborait J.

Vilar).

aux cheveux rares et tout raides.

qui ',e pavane quand Frosine lui parle d'un « beau vieillard avec une barbe majestueuse» (Il.

5), un La Flèche boitant et louchant à l'excès (comme Béjart) provoquent le rire avant même de parler, par leur présence même. La bouffonnerie d'une farce L'Avare abonde en procédés de farce qui réjouissaient les publics les plus variés.

La fa;ce mettait ·en scène des personnages bouffons - sortes de marionnettes ou de mécaniques humaines-tels que Pantalon ou Arlequin.

qui multipliaient les lazzis (acrobaties et pitreries) qui déchaînaient un bon rire franc. • Des airs de marionnettes humaines / / l ' Presqu~~~~ ee2:~onna_g~ç!eJ~,11@I~m..oment ou à un autre, se comporten!1lD,.g,aDJ:LQt,, mais c'est Harpagon qui, presq~êtouloui-s.'do~'n~ le plus rim_p~~§jç,n d'~gjr_c_omme un pantin, dont le ressort serait son idée fixe : l'avarice.

Voilà poG;-quoi le personnagê'~qüiêfevrait"r1~aîtr~ le plus angoissant nous fait rire le plus: quand il s'éclipse subitement po_ur un ~eti! tour _vers sa cassette, ~ous penson~ à ces petits suJets qw d1spara1ssent ou apparaissent au gre des heures dans les pendules à coucous.

Son ceNeau? Une machine à calculer qui inscrit à tout moment les chiffres des taux d'intérêt (1.

4). Tous les traits d'Harpagon sont tellement grossis qu'au lieu d' effrayër.-fls exèèsdans r a'gri:ation~a_ çolère. dans~f"egôisme..i~conscient; exèès"aans la folie - «·pathologie comiqueïi: selon Dullin-- qui culmine" daKns son monologue (IV, 7) ; excès c!,i;lrlSJ?_ ;!~~té (il faut voir comme il gobe les compliments de Frosine, Il, 5) ; excès danê 1~ galanterie burlesque (Ill, 5) ; en[n_excès dans la cruauté et rïnsensibilité . réjouisse~t: ..,.~...-:;-~e-n,~-~~~n~ • Les marionnettes et les gestes - Dans la farce, lors des épisodes muets, tout le comique reposait sur les gestes et les mimiques ; une marionnette n'est-elle pas.

avant tout.

mouvement? Ainsi.

dans L'Avare, le mime rendrait compte d'une bonne part du comique : les coups de bâton (1, 3; Ill, 1 ; Ill, 2), même s'ils ne sont quïmminents (IV, 3), les chutes g~~ues (Harpagon. bousculé par La Merluche, s'éfalêlâmëntablement: Ill, 9).

les courses fébriles du vieillard (l'agitation perpétuelle.

le« tourbillon» qûêsf11arpagÔn.

ne tiennent même plus compte des réalités physiologiques de son §rand âge...

). L'Avare comporte bien d'autres lazzis: le« gag» des autres mains (1, 3) (il faut supposer que La Flèche cache à nouveau sesmains derrière son dos pour être en mesure d'en montrer « d'autres » ou présente les paumes.

puis le dessus de ses mains.

et il faut y voir non pas un détail « lourd et inintelligible1 ».

mais un jeu de scène cocasse parce qu'absurde) ; l'alternance« visage sévère»/« air gai» (Il.

5) d'H?m§.ggn au rythme des répliques de Frosine a le même effet comique que le sketcf'îêf1:i"êèîêôremlmè"~M"aréeâû~ qui.

passant sa main sur son visage.

fait se succéder un masque triste à l'expression désespérée et un masque comique hilare : Molière.

au visage si mobile.

n'hésitait vraisemblablement pas à accentuer cette transformation rapide et burlesque.

Lorsque Harpagon « met son chapeau au-devant de son pourpoint.

pour montrer à Brindavoine comment il doit faire pour cacher la tache d'huile» (Ill, 1).

lorsque.

plus loin (IV.

7).

il se prend le bras, croyant tenir son voleur.

ces jeux de scène déclenchent le rire. • Les marionnettes et les mots De muet.

le lazzi est devenu dialogue ; ainsi le langage des personnages de L'Avare reflète souvent cÜmiqÜëmént· leur côté rnècâi'iiêjué.-L.ès"Tiês·-verbau)l:· tl'Harpàgon.

ses· 'injures répétéesfnTàssâblement - miroirs de ses obsessions :«pendard ».«êocjûlnî;:~ - font rire comme un mécanisme bien remonté.

Le« sans dot» (1, 5).

déjà amusant en lui-même.

le devient encmepÎuspar sa répétition.

On s· amuse aussi du pouvoir presque magique de ces mots que nous avons appelés les « mots-déclics » : il suffit que La Flèche murmure les mots« voler».« avarice».« avaricieux» (1, 3), que Maître Jacques (IV, 1) ou Frosine (Il, 5) parle d'« argent» pour qu'Harpagon sursaute; à l'inverse, les compliments ou les 1.

Arnavon, Notes sur /'interprétation de Molière, p.

217. chiffres le font aussitôt frétiller d'aise.

Qu'on puisse à volonté déclencher.

par un simple mot.

des réactions extrêmes.

voilà qui est comique. Enfin.

les mots amusent aussi par leur excès : les hyperboles (ou exagérations:« je suis mort.

je suis assassiné».

IV.

7).

les injures.

les compliments outrés (de Frosine à Harpagon: Il.

5; d'Harpagon à Mariane: Ill.

5) réjouissent comme une caricature bouffonne du langage. Un comique plus fin L'Avare comporte aussi un comique moins franc.

un sourire qui le rattache aux « grandes comédies».

le Misanthrope, Tartuffe, Dom Juan. Molière.

dans L'Avare.

s'amuse souvent à parodier.

c·està-dire à imiter pour s'en moquer sans méchanceté.

les romans précieux qui charmaient ses contemporains : Cléante et même Valère s'expriment parfois comme des héros du Grand Cyrus ou de L'Astrée 1 où abondaient enlèvements.

fugues.

déguisements...

A ce comique élaboré de parodie.

on peut rattacher les passages où Valère imite.

en sa présence.

le propre langage d'Harpagon qui « n·y voit que du feu». Le spectateur entre dans le jeu des discours à double entente.

comme les déclarations passionnées de Cléante à Mariane.

à la barbe d'Harpagon (Ill.

7) (voir aussi fin de L 5. et Cléante.

début de 111.

1). Certains traits.

dans les caractères.

ont un côté plaisant moins appuyé que dans les farces : on sourit de l'enthousiasme communicatif avec lequel Cléante dépeint Marianne (1.

2).

de la naïveté de Maître Jacques (Ill, 1).

de l'indignation pleine de vivacité de Valère (V.

5) ..

_ Certaines répliques d'Harpagon ne manquent pas d'humour involontaire : que sont les« sueurs» dont il parle à Cléante (celles d'un usurier... IL 2)? Quelles sont les «leçons» qu'il a su donner à Élise (V, 4)? Enfin.

le dénouvement.

avec ses joyeux rebondissements. met le spectateur dans l'euphorie. 1.

Mlle de Scudéry, Le Grand Cyrus (1649-1653): H.

d'Urfê. L'Astrée (1607-1624). QUELQUES PROCÉDÉS COMIQUES L'acteur Michel Bouquet nous parlait de Molière comme d'un grand «architecte» et de L'Avare comme d'une « merveille de la mécanique du rire» (Correspondance personnelle). Il faut retenir de ces affirmations l'idée d'une technique que Molière possédait à fond ; au rythme des voyages de 11llustre Théâtre.

au contact d'un public varié.

Molière a reconnu et éprouvé les procédés comiques qui font immanquablement rire. L'accumulation Le caractère machinal de l'énumération ou de l'accumulation d'éléments d'un même ordre.

poursuivie au-delà de ce qu'on attendrait fait à coup sûr.

naître le rire.

On en trouve, \ dans L'Avare, différents exemples : la galerie de portraits ~ mythologiques mentionnés par Frosine (Il.

5) montre qu'il -D n'est pas nécessaire d'allonger indéfiniment une liste pour faire sourire : « Des Adonis ? des Céphales...

» Cependant lorsque le procédé prend de rampleur.

son effet comique en est renforcé d'autant ; deux comparaisons le confirment : d'abord. celle de la version originale de la scène 1 de l'acte Ill et de l'édition de 1734 : la première ne comportait pas la liste complète des plats proposés par Maître Jacques.

qu'on trouve dans la seconde.

Or la présence de l'accumulation rend la scène bien plus comiqueê'Cfoiri dëTalourdirJui évite.

selon Dullin.

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(par le rire libérateur) ; elle rend également les réactions d'Harpagon.... »

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