Le contexte historique et littéraire Gogol appartient à l'âge d'or de la littérature russe. Cette période va du premier grand...
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«
Le contexte
historique
et littéraire
Gogol appartient à l'âge d'or de la littérature russe.
Cette
période va du premier grand poème de Pouchkine.
Rous/an et Lioudmila (1820) au dernier grand roman de
Dostoïevski, Les Frères Karamazov (1879).
Pouchkine est considéré comme le véritable fondateur
de la poésie russe.
Gogol, dont les Nouvelles de Pétersbourg
sont échelonnées entre 1835 et 1843, apparaît, quant à lui,
comme le fondateur de la prose russe.
En 1824, Pouchkine posait ce diagnostic : « Si l'on
excepte ceux qui s'intéressent à la poésie, la langue russe
est incapable d'exercer une attraction suffisante sur qui
que ce soit - nous n'avons encore ni littérature ni livres.
Toutes nos connaissances, toutes nos idées nous les·
avons puisées depuis notre enfance dans des livres étran
gers, nous nous sommes habitués à penser en langue
étrangère [...] 1.
»
En effet, l'évolution de la langue et de la littérature russes
avait été retardée par l'évolution politique complexe du
pays et était tiraillée, comme le pays, entre deux héritages.
Quant au contexte du début du xIx6 siècle, s'il fut défavo
rable politiquement, il se révéla stimulant culturellement.
UN DOUBLE HÉRITAGE
La vieille Russie
La Russie, née au x0 siècle à Kiev (capitale de l'actuelle
Ukraine), connut une civilisation prometteuse jusqu'au
X1116 siècle.
Les historiens mettent en évidence le rôle du
1.
Œuvres complètes, Paris, Bonne, 1958, t.111, p.91.
prince Vladimir qui, par son baptême en 988, imposa à son
peuple la foi orthodoxe (le christianisme professé à Byzance,
qui refusait l'autorité du pape).
La religion orthodoxe fut un
facteur d'unité et de civilisation.
Elle apporta avec elle une
écriture, l'alphabet cyrillique, et une langue, le slavon.
Naît
une littérature écrite, essentiellement religieuse, mais
aussi historique (avec les Annales du temps passé en
1115 et le Dit de la bataille d'Igor, retrouvé en 1800).
La « Kiévie» entretient de bonnes relations avec l'Europe
occidentale, comme avec Byzance.
Mais, en 1240, une invasion des Tatars vient briser ces
élans.
Les destructions de villes et de populations sont
suivies d'une période de stagnation appelée « le Joug
tatar».
La Russie prend deux siècles de retard.
C'est en 1480 que les Russes s'émancipent de la domi
nation tatare, grâce à un prince de Moscou, Ivan Ill.
Moscou devient la capitale de la Russie.
Ivan IV, dit Ivan le
Terrible, tsar de 1533 à 1584, inaugura une époque de
conquêtes.
Il étendit l'Empire russe jusqu'à l'océan
Pacifique.
Il régna en souverain absolu.
Sa priorité fut de
soumettre l'aristocratie.
Le sort des paysans s'aggrave.
En
même temps, Ivan le Terrible développe des échanges
commerciaux avec l'Europe occidentale, sortant un peu la
Russie de son isolement.
Pendant cette période (qui correspond à celle de la
Renaissance en Europe occidentale), la production litté
raire est peu abondante.
Elle reste partagée entre des
œuvres religieuses (le pays se couvrant aussi d'églises et
de monastères) et des récits historiques.
Après la mort d'lvan (1584), la Russie subit de nou
veaux retards.
Au début du xvu e siècle, c'est « le temps
des troubles», période de rivalités entre seigneurs, de
révoltes paysannes, de famine et d'invasion polonaise
(1611).
La Rùssie est délivrée par les troupes de Minine
et Pojarski et un nouveau tsar est élu en 1613, Michel
Romanov.
Avec lui, le servage devient une institution en
1649 : c'est une évolution inverse de celle qu'a connue
l'Europe occidentale.
Sous son règne comme sous celui de
ses successeurs, l'État et l'Église orthodoxe se partagent
le pouvoir.
L'État s'appuie sur une noblesse terrienne
jouant en même temps un rôle économique et commercial.
La bourgeoisie est très peu développée.
Le clergé met un
frein aux nouveautés littéraires.
Toutefois, à côté d'une
littérature en langue savante (le slavon) commencent à
s'imposer une poésie populaire et un théâtre sur des
sujets religieux.
Le génie d'un tsar allait réduire cette accumulation de
retards.
La Russie moderne : l'c:euvre
de Pierre le Grand ('1694-'1725)
Pierre prit la direction de l'État russe en 1694, sous le
nom de Pierre Ier.
Doué d'une grande énergie et d'une
curiosité peu commune, il avait voyagé en Occident pour
ses études.
Il y apprit la navigation, la géométrie et
d'autres techniques modernes et s'initia aux mœurs occi
dentales.
Comme le rappelle l'historien Nicholas
Riasanovsky, «à son retour d'Occident, le tsar commençà
par exiger des courtisans, des fonctionnaires, des mili
taires, qu'ils se fassent couper la barbe et portent des
vêtements à l'occidentale1 ».
Ces exigences, en apparence
superficielles, inaugurent un programme plus profond de
modernisation et d'européanisation de la Russie.
En 1703, après une guerre contre la Suède, Pierre fonde
Saint-Pétersbourg.
La ville2, bâtie à l'occidentale, et véri
_table «fenêtre sur l'Europe» devient en 1712 la nouvelle
capitale de la Russie.
Pierre commence une série de
réformes institutionnelles.
En 1711, il crée le Sénat chargé
des affaires judiciaires, financières et administratives et
des «collèges» (futurs ministères).
Il institue le Saint
Synode, assemblée de douze prêtres qui permet le
contrôle de l'État sur l'Église.
Mais Pierre ne réussit pas à faire appliquer des réformes
locales dans son vaste Empire.
Il ne supprima pas non
plus la féodalité ni l'institution du servage.
Sa réforme administrative la plus importante fut la
«table des rangs», qui permettait à des roturiers d'accé
der à la noblesse et donc à des privilèges, pour services
1.
Histoire de la Russie, Laffont, coll.
«Bouquins», Paris, 1987,
p.
243.
2.
Voir le chapitre 2.
rendus à l'État.
C'était reconnaître le mérite et pas la seule
noblesse dite« de souche1 ».
Sur le plan économique, Pierre le Grand crée une industrie textile, développe les mines et la métallurgie.
Il fait
creuser des canaux et construit une marine marchande.
Il
était adepte du « mercantilisme» ..
Mais c'est dans le domaine culturel que ses réformes furent
les plus durables.
De ce point de vue, selon Riasanovski,
son règne marqua même « une rupture radicale avec le
passé moscovite 2 ».
Par décrets, il importe les manières, les usages occidentaux; mais surtout une culture fondée sur les «lumières»
de la raison.
L'orthodoxie, du moins dans les classes cultivées, ne régissait plus toute la vie, comme avant.
Certes, les paysans conservaient les coutumes de la
vieille Russie.
Et, comme le dit encore Riasanovski, « la
culture russe moderne fut avant tout celle de la noblesse,
et elle garda ce caractère pendant une bonne partie du
x1xe siècle.
C'était la civilisation d'une élite aristocratique,
instruite, sachant le français, tenant salon3 [.
..
]» ,(p.
314).
Mais le processus était enclenché.
Pierre le Grand contribua aux progrès de l'instruction en
ouvrant des écoles de mathématiques, de navigation, de
médecine, de langues.
Il fonda à Saint-Pétersbourg un
musée des sciences, une bibliothèque publique et surtout
l'Académie des Sciences, comprenant des sections de
mathématiques, de physique, d'histoire et de beaux-arts.
En
1702, il avait fondé le premier journal russe, les Nouvelles.
Pierre le Grand s'intéressait plus aux sciences qu'à la littérature.
Néanmoins, il contribua à l'essor de celle-ci en
élaborant....
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