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Le désir peut-il être désintéressé ? COUP DE POUCE ■ Analyse du sujet - La question peut surprendre, car le...

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« Le désir peut-il être désintéressé ? COUP DE POUCE ■ Analyse du sujet - La question peut surprendre, car le désir est en général conçu comme devant apporter une satisfaction: cette dernière implique un intérêt. - On doit alors s'interroger sur la nature des désirs tournés vers autrui: que signifie, par exemple, désirer le bonheur de quelqu'un? et le sujet n'y trouve-t-il pas malgré tout un intérêt? - On peut alors étudier la question de savoir si le désir d'un bien qui puisse échoir à autrui ne dissimule pas un intérêt du sujet désirant. ■ Pièges à éviter - Inutile de passer en revue toutes les conceptions classiques du désir, pour reposer à chaque fois la question : un tel plan n'aboutirait pas à grand-chose. - Il n'est pas non plus nécessaire de reprendre l'opposition tradition­ nelle entre désir-manque et désir-production. - Prendre le terme d'intérêt dans un sens large : il n'y a pas que les intérêts immédiats correspondant par exemple au besoin, il y a aussi des intérêts plus symboliques et cachés... CORRIGÉ [Introduction] Le désir est une réalité riche en paradoxes, sinon en contradictions : il est bien recherche d'une satisfaction - et paraît impliquer un manque ou une souffrance tant qu'il n'est pas satisfait - mais il ne se contente pas, par ailleurs, de ce qu'il obtient : à peine satisfait, il se reforme à propos d'un autre objet.

S'il quête la satisfaction, c'est parce que le sujet désirant y trouve son intérêt, ne serait-ce que dans l'espoir (même s'il est fugace) de combler le manque initial, mais certains désirs, apparemment plus «nobles» qu'à l'ordinaire, semblent susceptibles de concerner des valeurs supérieures, ou des personnes autres, de telle sorte qu'ils pour­ raient être d'une certaine façon désintéressés, puisque leur réalisation ne toucherait pas directement le sujet qui les ressent.

Reste à savoir si ce désintérêt apparent correspond bien à la réalité, ou s'il n'est qu'un leurre, capable de masquer un intérêt plus profond ou secret du sujet. [I.

Le désir dans sa version la plus haute] Lorsque Platon retrace, dans Le Banquet, l'origine mythique d'Éros, c'est pour en faire le fils de Pénia (Pauvreté) et de Poros (Richesse) : le désir est ainsi lancé dans une recherche qui hésite ou se situe entre le dénuement et la plénitude.

S'il consent à trouver ses satisfactions dans le monde sensible, il bascule du côté d'une insatisfaction répétée : c'est Pénia qui l'emporte.

Aussi le désir doit-il s'orienter, pour mieux répondre à son hérédité«paternelle», très au-delà des corps érotisés et de la beauté physique, vers l'idée du Beau: c'est pour lui la seule manière d'atteindre une plénitude toute spirituelle, en se réalisant dans la contemplation. De manière plus générale, le désir peut en effet avoir des buts qui paraissent bien éloignés de l'intérêt immédiat du sujet.

On peut légitime­ ment évoquer, de ce point de vue, l'existence du désir de vérité ou de sagesse qui anime, dit-on volontiers, le philosophe, ou d'un désir de com­ préhension qui suscite la vocation du scientifique.

La satisfaction de tels désirs, loin d'être rapide, semble condamner celui qui les ressent à un tra­ jet difficile et complexe, car la vérité (philosophique ou scientifique) ne se livre pas sans mal.

Quant à la sagesse elle-même, peut-être constitue-t-elle en elle-même un but impossible à atteindre...

Ainsi la satisfaction du désir serait-elle cette fois toujours différée, l'intérêt du sujet paraissant en conséquence hors de cause. À ceci près néanmoins que, dès la version platonicienne de ces désirs ·orientés vers de hautes valeurs, le sujet trouve un intérêt supérieur à se consacrer au Beau, au Vrai, et Bien, etc., puisqu'il y va de sa propre réali­ sation en tant qu'esprit, et du choix qui doit diriger sa vie : le spirituel plutôt que le corporel.

Et le désir qui anime la quête philosophique ou scientifique - si dégagée s'affirme-t-elle des intérêts médiocres -, n'est peut-être pas réellement désintéressé: ce qui s'y trouve aussi en jeu, c'est la satisfaction éprouvée à se sentir du nombre de ceux qui symbolisent la version la plus noble de la vie humaine. Il convient ici de rappeler les sarcasmes que Nietzsche à réservés à tous ceux qui, sous prétexte de réaliser en eux les valeurs les plus subtiles et les plus raffinées, obéissent en fait à un ressentiment profond et défendent 1 "'- en fait les intérêts de la faiblesse.

Le désir du spirituel ou de l'intellectuel pourrait n'être que la conséquence d'une lutte hypocrite contre les valeurs de la vie dans ce qu'elle a de plus effervescent.

Dans ce cas, la prétention des esprits purs à n'obéir qu'à des désirs désintéressés ne serait rien d'autre qu'un masque dissimulant la réalité des intérêts les plus vils... [Il.

Désirer pour autrui] La mère de famille qui désire la réussite pour ses enfants, l'amoureux qui désire le bonheur de l'être aimé, sont-ils eux aussi des hypocrites de ce genre? En apparence, ils se soucient peu des valeurs de l'esprit, et se cantonnent à désirer une réussite matérielle, ou un bonheur quotidien, dans lequel le confort acquis peut venir seconder le sentiment. On peut remarquer que de tels désirs obéissent à leur manière au même principe que le désir tourné vers soi : ils sont pris dans une sorte de fuite en avant, toute réussite dans leur avancée n'apparaissant que comme par­ cellaire et exigeant la relance immédiate de la recherche d'une autre satis­ faction, d'un indice supplémentaire de réussite ou de bonheur.

La mère (ou le père) a le sentiment de n'en avoir jamais fait assez, l'amant craint inlassablement ne pas être suffisamment attentionné.

En sorte qu'ils sont bien engagés dans une alternance de joies et de déceptions, et que la somme des attentions et des efforts qu'ils déploient a aussi pour objet, sinon de les rassurer, du moins de confirmer leur endurance.

Leur éven­ tuelle inquiétude mène à une suractivité, mais cela indique que cette der­ nière, quelle que soit son efficacité réelle, a aussi pour but de calmer leur inquiétude: se dépenser pour l'autre et son bonheur, c'est combler un sen­ timent de semi-culpabilité ou d'indignité.

C'est du même.coup répondre à un intérêt du sujet, même (surtout?) s'il n'en a pas conscience. Il n'est pas nécessaire d'être La Rochefoucauld pour deviner que faire le bonheur de l'autre est satisfaisant pour soi-même.

Le dévouement répond à ce qui est ressenti comme un « devoir » (parental, d'amitié ou amoureux).

Il autorise la bonne conscience, sinon la possibilité de reven­ diquer une responsabilité.... »

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