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Le diable et le mal Le diable n'est pas uniquement un personnage fantas­ tique pour Gogol. Comme en témoignent les...

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« Le diable et le mal Le diable n'est pas uniquement un personnage fantas­ tique pour Gogol.

Comme en témoignent les lettres de celui-ci et d'autres témoignages sur sa vie1 , Gogol, chré­ tien orthodoxe, croyait en l'existence de Satan comme en celle de Dieu et en leur action dans le monde.

Cette foi en Satan et l'angoisse qui en résulte chez Gogol ont amené certains critiques à interpréter les Nouvelles de Pétersbourg comme les illustrations d'un combat contre le diable.

En effet, la présence et les représentations du diable, ses modes d'action, dans les Nouvelles de Pétersbourg, peu­ vent être interprétés comme les expressions d'une vision du mal et du monde chez l'auteur. PRÉSENCE ET REPRÉSENTATIONS DU DIABLE Seul « Le Portrait» se caractérise par une omniprésence· du diable dans son récit.

Dans les autres nouvelles, le diable est nommé de loin en loin.

Peut-être sa présence n'en est-elle pas moins effective. Une incarnation du diable : l'usurier du « Portrait » La seconde partie de cette nouvelle explique clairement le récit fantastique de la première partie.

Elle apprend au lecteur la malédiction qui s'est attachée au portrait et dont le peintre Tchartkov a été la victime.

À cet égard, la parole du portraitiste, avant même qu'il ne représente le vieil usu­ rier, n'est pas une simple métaphore.

Il s'écrie : « C'est 1.

Comme les Passages choisis d'une correspondance avec mes amis (1846). le diable, le diable incarné ! » (p.

150.) La suite du récit montre que cette impression correspond bien à une croyance chez le peintre, animé par « la foi ardente et naïve de ses ancêtres » (p.

152).

Cette foi est confirmée à la fin du récit, dans le discours du peintre à son fils : « Il semblait vraiment une incarnation du diable.

Je le sais, le monde nie l'existence du démon.

Je me tairai donc sur son compte» (p.

161-162). L'artiste est fasciné par l'aspect ténébreux de l'usurier, attribut traditionnel du diable : « Quelle force diabolique ! se répétait mon père.

Si j'arrive à la rendre, ne fût-ce qu'à moitié, tous mes saints, tous mes anges pâliront devant ce visage» (p.

153). Dans la première partie du« Portrait», la première vision du vieillard représenté par le tableau rappelle au lecteur deux caractéristiques courantes dans les représentations de Satan, I' « agitation convulsive» des traits et I' « étrange vivacité» des yeux (p.

99).

Ces deux traits reviendront de façon obsédante par la suite.

Au moment où Tchartkov rêve de gloire et d'argent, il sent, comme sortant du tableau, « un visage convulsé», « deux yeux prêts à le dévorer» (p.

104). Dans la seconde' partie, une première description de l'usurier vivant exprime l'aspect insolite et effrayant du personnage : « Sa taille quasi gigantesque, son visage hâve, noiraud, calciné, d'une couleur hideuse, indescriptible, ses grands yeux, animés d'un feu extraordinaire, ses sourcils touffus» (p.

145).

Le gigantisme, la noirceur du visage, les poils, les yeux enflammés rappellent les représentations médiévales du diable. Une deuxième description rapproche plus explicitement l'usurier du diable.

Elle est préparée par des images de feu (« l'argent qu'il prêtait avait un pouvoir incendiaire», p.

150) et par l'idée de damnation (« on trouvait même des vieilles mortes de faim, qui s'étaient laissées périr plutôt que de risquer la damnation», p.

150).

Cette description part d'une impression globale : « Son aspect hétéroclite aurait suffi à lui faire attribuer par chacun une existence surnaturelle» (p.

150).

Elle est nettement liée à l'enfer par les images du « teint de bronze en fusion » puis du bouillonnement des passions (p.

150). Le diable, force sans visage Dans les quatre autres nouvelles, le diable n'est pas représenté mais il lui arrive d'être nommé.

C'est le cas dans « La Perspective Nevski».

Le peintre Piskariov n'a aucune vision du diable comme personnage.

Mais, de même qu'il invoque Dieu lorsqu'il s'exclame devant la beauté d'une jeune inconnue : «Dieu! quels traits divins! » (p.

55), de même il attribue au diable la déchéance de la jeune femme.

Au retour de chez elle (une maison de prostitution), Piskariov oppose à Dieu son rival : « mais hélas! quelque affreux décret d'un esprit infernal, acharné à détruire l'harmonie de la vie, l'avait en ricanant jetée au fond de son gouffre» (p.

60-61).

Ici apparaît un trait traditionnel de l'image du diable : le ricanement. Sans non plus attribuer à Satan de visage ni de forme, le major Kovaliov, héros du «Nez», incrimine à deux reprises le diable de l'avoir privé de son nez.

« C'est le diable, sans doute, qui m'a joué ce beau tour!» (p.

215), dit-il à l'employé du bureau des annonces.

Plus loin, après que ses soupçons envers Mme Podotchine ont été dissipés, il s'exclame : « Mais alors, comment cela est-il arrivé? Le diable seul pourrait débrouiller l'affaire! » (p.

228.) Ici, le diable est réduit à un farceur, comme, cette fois précisément, dans les farces médiévales. MODES D'ACTION DU DIABLE Gogol reprend des constantes du mythe de Satan.

Il l'enrichit en même temps de variantes qui suggèrent une stratégie de plus en plus insidieuse de la part du diable et donc du mal. Le diable tentateur Le mode d'action le plus anciennement attesté du diable, selon la tradition biblique, est la tentation.

Il a tenté Ève, il a tenté le Christ lui-même1 • Ce mode d'action se 1.

Évangile selon Matthieu, chapitre IV. manifeste dans« La Perspective Nevski», « Le Portrait» et « Le Manteau». • « La Perspective Nevski» Dans cette nouvelle, le peintre Piskariov, artiste et rêveur, apparaît comme doublement tenté.

Il l'est par la beauté inhabituelle d'une femme: «J'ai vu, meNeilleuse, absolument la Bianca du Pérugin» (p.

52).

li l'est aussi par les apparences d'un certain rang et d'une certaine richesse, par des accessoires : « Ce doit être une dame de très haut rang, [ ...

] rien que le manteau qu'elle porte vaut au moins quatre-vingts roubles» (p.

52) L'expression « manteau chatoyant» (p.

52) peut laisser deviner que toute l'apparence de la jeune femme est un leurre. Peu après, le narrateur note finement quelques éclairs de lucidité chez Piskariov.

Ainsi, dans la rue, celui-ci croit qu'elle lui sourit, puis il constate : « Non, c'était un réverbère dont la lumière trompeuse avait jeté sur les traits de la jeune femme l'apparence d'un sourire» (p.

56).

Cette notation prendra toute sa valeur à la fin de la nouvelle dans les injonctions de l'auteur aux lecteurs pétersbourgeois : « Fuyez, pour Dieu, fuyez au loin le réverbère !>> (p.

91 ).

Le réverbère devient le lien entre la femme et le démon dont est rappelé un autre rôle, celui de père du mensonge. • « Le Portrait» Dans « Le Portrait», ce n'est pas la femme qui devient l'objet de la tentation, ce sont la gloire rapide et l'argent. Ces biens terrestres étaient les enjeux courants des pactes avec le diable qu'évoquaient le folklore et la littérature depuis le Moyen Âge.

Le diable, incarné en un usurier, a tenté Tchartkov par l'or qui est sorti du tableau où cet usurier était représenté : « Le rouleau, semblable en tous points à ceux qu'il avait vus en rêve, contenait exactement mille ducats, flambant neufs et brûlants comme du feu» (p.

115). · L'or est lié clairement aux flammes infernales. • « Le Manteau» Dans « Le Manteau», la tentation diabolique est moins explicite.

Toutefois, si le lecteur rapproche le portrait dutailleur Pétrovitch de ceux de l'usurier (dans« Le Portrait») et du Persan vendeur d'opium (dans « La Perspective Nevski»),·il peut percevoir en ce tailleur un agent du diable tentateur.

Pétrovitch., qui apparaît à Akaki comme « pos­ sédé du démon» (p.

251) convainc le petit fonctionnaire d'acheter un manteau neuf et l'amène à en faire son unique raison de vivre. Le diable, menteur et père du mensonge Il est clair que, dans « Le Portrait», le diable ment et trompe les hommes en se faisant passer pour un usurier : il joue un rôle traditionnel d'imposteur.

Ce rôle est plus insidieux dans les autres nouvelles..... »

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