LE GOUVERNEMENT D'UNION NATIONALE EN GRANDE-BRETAGNE (24 août 1931) On a aussi suggéré que le Roi avait exercé une influence...
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LE GOUVERNEMENT D'UNION NATIONALE
EN GRANDE-BRETAGNE
(24 août 1931)
On a aussi suggéré que le Roi avait exercé une influence illégitime
pour le persuader (MacDonald) de former un Gouvernement national.
Tout ce que j'ai entendu à l'époque démentait cette suggestion.
Pendant toute la crise, le Roi exerça ses devoirs constitutionnels avec
5 une précision méticuleuse.
Il n'était ni pour ni contre un type parti
culier de gouvernement.
Le devoir constitutionnel qu'il accomplit
scrupuleusement consistait à veiller à ce qu'il y eût un cabinet pour
affronter la crise, et à prendre conseil quant à sa composition.
Ce fut
sur le conseil du Premier ministre qu'il consulta les leaders conser10 valeur et libéral, et il le fit pour la raison irréfutable qu'ils étaient seuls
à pouvoir garantir une majorité à la Chambre des Communes.
Mac
Donald, bien qu'il parlât encore de démission, avait déjà décidé en
faveur d'un Gouvernement national avant même de voir le Roi.
Le
Roi, en un même temps, accepta son conseil et lui donna, comme
15 il l'aurait donné à n'importe quel Premier ministre, son soutien moral
pour procéder à sa constitution...
En un laps de temps remarqùablement court, les formalités furent
accomplies et le Gouvernement Triparti, le premier dans l'histoire
de la Grande-Bretagne, dûment mis sur pied.
Ce n'était pas une
20 coalition au plein sens du mot.
Créé à l'unique fin d'équilibrer le
budget et de rétablir la stabilité, son programme était strictement
limité, et l'on n'entreprenait pas de construire une plate-forme com
mune de politique générale.
Son origine conditionna toute son exis
tence.
C'était la crise financière qui avait rassemblé MacDonald,
25 Baldwin et Samuel, et le redressement financier était l'unique objectif
en vue duquel eux et leurs partisans avaientfait une alliance.
Il fallait
équilibrer le budget et imposer de sévères économies, quelle que
pût être la nature des sacrifices qu'impliquait une politique de défla
tion rigoureuse.
Le cabinet restreint de onze ministres (MacDonald,
30 Sankey, Snowden et Thomas pour le Labour Party, Baldwin, Cham
berlain, .
Cunlifte Lister et moi-même pour les Conservateurs, et
Samuel, Reading et Maclean pour les Libéraux) devait être un Comité
de Salut Public pour cas d'urgence, destiné à traiter une crise
immédiate.
Vicomte TEMPLEWOOD (sir Samuel HOARE),
Nine Troubled Years, Londres, 1954, p.
22-23.
Commentaire
Ce texte évoque un des moments les plus sombres de l'histoirè de la
Grande-Bretagne entre les deux Guerres mondiales.
Nous sommes
en août 1931; la Grande Crise accable l'économie britannique déjà
marquée par de sérieuses difficultés structurelles.
Pour tenter de
faire face, il est constitué un Gouvernement d'Union nationale, qui
regroupe les partis traditionnellement opposés au Parlement, comme
on a fait pendant la Guerre.
Mais, en dehors de la Dépression, qui est
au centre du sujet, le récit nous fait entrevoir les institutions politiques
anglaises et les hommes qui les font fonctionner.
Le narrateur joue un rôle personnel dans les événements; député
conservateur depuis 1910, sir Samuel Hoare, plus tard vicomte
Templewood, accède en août 1931, à 51 ans, à son premier poste
ministériel.
li devait rester au gouvernement jusqu'en 1940, et s'y
révéler un partisan résolu de la politique d'appeasement envers les
dictatures, donc un adversaire de Churchill et Eden.
C'est ainsi qu'il
prépara avec le Français Pierre Laval un plan de règlement de l'af
faire éthiopienne si généreux pour Mussolini que l'opinion anglaise
se cabra et le contraignit à démissionner du Foreign Office en
décembre 1935; cependant, Neville Chamberlain le reprit en mai 1937
dans son cabinet, où, avec Lord Halifax et le Premier ministre lui
même, il porta la responsabilité d'une politique sans énergie à l'égard
de Hitler, en particulier au moment de Munich.
Le premier alinéa met en scène la personne du Roi, et surtout le rôle
constitutionnel du monarque (lignes 1-16).
Il y a peu à dire sur
George V, qui est un homme de bon sens, pourvu de grandes vertus
pnvees, accomplissant scrupuleusement son devoir; les Anglais ne
lui tiennent pas rigueur d'un certain manque d'imagination, et appré
cient la parfaite dignité d'un règne déjà long (depuis 1910).
illustré
par la victoire de 1918 et l'apogée de l'Empire.
En revanche on peut s'attarder sur une accusation que Sir Samuel
veut réfuter : le Roi aurait-il excédé ses pouvoirs lors de la formation
du Cabinet d'Union Nationale? Mais d'abord, quels sont les pouvoirs
constitutionnels du souverain, étant bien entendu qu'il n'y a pas
Outre-Manche de "constitution" écrite, et que l'usage en cette matière
est sorti de la pratique coutumière? Deux principes se dégagent
quant à la désignation du Premier ministre : c'est au souverain seul
qu'elle incombe; mais, comme le nouveau cabinet devra recueillir
une majorité (ligne 11) à la Chambre des Communes, et que les partis
sont organisés sous la direction de leaders officiellement reconnus,
le Roi ne peut choisir que le leader du parti capable de réunir cette
majorité.
Dans un cas cependant, le monarque peut faire un choix
qui ne lui soit pas dicté, et jouer ainsi un rôle personnel : c'est le cas
qui nous occupe ici, celui d'un gouvernement de coalition.
Sans doute
n'use-t-il que rarement de cette possibilité, mais cela ne signifie pas
qu'elle soit abusive, d'autant que la tradition reconnaît au souverain,
le cabinet une fois formé, le droit de lui donner de discrets avis, dont
les ministres ne sont certes pas obligés de tenir compte.
Dans ces
conditions, il ne semble pas nécessaire, pour le défendre, de laisser
entendre que MacDonald lui aurait quelque peu forcé la main
(lignes 11-13).
Ramsay MacDonald, leader du Parti travailliste, a été deux fois
Premier ministre, et s'apprête donc à l'être une troisième fois.
C'est
un Écossais de très humble origine, qui a joué au début du siècle
un rôle prépondérant dans la fondation de son parti.
Pendant la Grande
Guerre, il a pris une attitude pacifiste qui l'a passagèrement écarté
des premiers rôles.
Mais dès 1924 il a formé le premier et éphémère
cabinet travailliste, et tenté de mettre en œuvre une politique de
détente internationale et de désarmement proche de celle du Cartel
et de Herriot.
Revenu à Downing Street en mai 1929 avec ses amis
travaillistes, il.subit le choc de la Grande Crise, et, dans l'été de 1931,
il se trouve en désaccord avec la plupart de ses ministres, ainsi
qu'avec les dirigeants des Trade Unions (syndicats britanniques).
Ses projets déflationnistes sont en effet fort voisins de ceux des
milieux d'affaires, et certains pensent que, depuis son mariage avec
une femme de la haute bourgeoisie, il s'est singulièrement rapproché
des classes possédantes! En conflit avec là majorité de son propre
parti, MacDonald doit logiquement chercher appui auprès des deux
autres, ce qui s'accorde bien avec les sympathies discrètes du Roi
pour les Conservateurs, et aussi avec l'engagement politique du
narrateur lui-même.
Le second alinéa nous présente ce Gouvernement d'Union nationale.
Nous apprenons d'abord qu'il a été vite mis sur pied (lignes 17-18)
effectivement, dès le 13 août 1931, le conflit est apparu entre Mac
Donald et les syndicats, ces derniers soutenus par neuf ministres;
le 22, le Roi est rentré de Balmoral, le 23 il a reçu MacDonald et les
leaders des deux autres partis (cf.
lignes 9-10); et le 24 a vu, à
quelques heures d'intervalle, la démission de MacDonald et la forma
tion du nouveau cabinet, dont il restait le ·chef.
C'est très rapide,
même pour le Royaume-Uni, où les crises ministérielles sont généra
lement plus brèves qu'en France.
De là certaines critiques (car,
nous le verrons, tout le monde n'est pas d'accord).
qui disent que
l'affaire a été préparée à l'avance.
Sir Samuel ajoute une autre remarque : nous avons là le premier
Gouvernement Triparti de la Grande-Bretagne (ligne 18).
Ce n'est
pas tout à fait exact, puisque, de 1915 à 1917, le travailliste Arthur
Henderson a siégé dans les cabinets Asquith et Lloyd George aux
côtés des ministres libéraux et conservateurs; mais il reste vrai
qu'en 1931, pour la première fois, les trois partis vont être à égalité
par ie nombre des ministres.
En revanche, le narrateur oublie de dire
qu'en....
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