Le langage des objets Fin de partie comporte ou mentionne de nombreux objets. Comme les dialogues ou les didascalies, ceux-ci...
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Le langage des objets
Fin de partie comporte ou mentionne de nombreux objets.
Comme les dialogues ou les didascalies, ceux-ci sont un élément
du langage dramatique.
lis appartiennent à ce qu'on appelle tra
ditionnellement le langage paraverbal, c'est-à-dire tout ce qui ne
relève pas des mots eux-mêmes, comme les gestes, le bruitage, le
décor...
Lors d'une représentation théâtrale, tout devient en effet
signe et fait sens.
C'est pourquoi il importe de les étudier avec
d'autant plus d'attention que, chez Beckett, les objets prennent
une importance considérable 1•
Tous ne sont pas à mettre sur le même plan.
Aussi leurs fonc
tions sont-elles différentes, comme d'ailleurs leurs significations,
qui sont elles-mêmes multiples.
LES DIFFÉRENTES SORTES D'OBJETS
Certains objets sont des éléments essentiels du décor, tandis
que d'autres sont de simples accessoires et d'autres encore sont
seulement mentionnés dans les dialogues entre Clov et Hamm.
1 Les objets du décor
Ce sont les plus importants parce qu'ils sont immédiatement et
constamment visibles par le spectateur.
Si l'intérieur du refuge est
« sans meubles», ainsi que l'indique une didascalie (p.
11), les murs ne
1.
Les objets sont également nombreux dans En attendant Godot (1952).
autre pièce
fort célèbre de Beckett.
sont pas, eux, totalement dénudés.
Des« rideaux » masquent les fenêtres, et un tableau «retourné» est accroché près de la porte (p.
11).
Il y a surtout les deux poubelles dans lesquelles logent Nagg et
Nell, ainsi que le « fauteuil à roulettes
»
de Hamm (p.
11).
Sans la
présence de ces objets, la pièce perd sa cohérence et son intérêt,
rendant même toute représentation impossible.
1Les accessoires
Par définition, leur utilité est moindre que les objets du décor,
mais ils restent indispensables à une bonne compréhension de
l'œuvre.
On peut les classer en trois catégories:
- les accessoires vestimentaires: le mouchoir dont Hamm se
couvre le visage, son plaid, sa robe de chambre, sa
«
calotte en
feutre» (p.
13), ses « lunettes noires» (p.
14), les «brodequins»
de Clov (p.
77), son
«
parapluie » ou son « panama 1
»
(p.
108);
- les instruments et ustensiles de la vie courante: un escabeau, une
lunette, un sifflet, une « gaffe 2 » (p.
60), un réveil (p.
64), une valise
(p.
108);
- un jouet: un chien en peluche (p.
55).
1Les objets mentionnés
Leur liste est longue et très diverse, très hétéroclite: deux roues
de bicyclette, un buffet (p.
20), un cathéter (p.
38), un fanal (p.
45),
un radeau (p.
50), une burette d'huile (p.
60), une masse (p.
99).
Ils
ne sont pas matériellement présents sur scène, mais leur évocation
récurrente leur donne comme une existence virtuelle.
Bien que le
spectateur ne les voie pas, ils sont là: aux alentours du refuge, à
l'intérieur, dans la cuisine ou dans les rêves des personnages.
1.
Panama: chapeau d'été, large et souple, souvent en paille.
2.
Gaffe: perche munie d'une pointe servant à la manœuvre d'une embarcation.
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PROBLÉMATIQUES ESSENTIELLES
LES DIFFÉRENTES FONCTIONS
DES OBJETS
Tous ces objets n'ont pas pour but de créer une illusion réaliste:
ils ne sont pas là pour faire vrai ou vraisemblable, encore moins
pour remplir une fonction strictement utilitaire.
Ils ont une fonction
métaphorique, parfois comique, et dramaturgique.
1Une fonction métaphorique
Comment exprimer, traduire la paralysie, sinon par un fauteuil à
roulettes? Et comment suggérer la cécité, sinon par des lunettes
noires? Les poubelles suggèrent la déchéance physique et montrent à quel point Nagg et Nell sont réduits à des déchets.
Toute la
«
dégoûtation » (p.
100) que la vie inspire à Clov et à Nell se trouve
ainsi matérialisée avec une force qui touche vite à l'intolérable ou
à l'insupportable.
Les objets disent ici plus que ce que les mots
pourraient dire.
Il est impossible de ne pas les voir.
1Une fonction comique
A l'opposé,
1
l'escabeau permet à Clov d'effectuer des panto-
mimes2 dignes d'un clown et d'un numéro de cirque.
Le voici
qui monte dessus, en redescend parce qu'il a laissé tomber sa
«
lunette », et remonte.
Quelques instants plus tard, il ne sait
plus où il a mis l'escabeau, le cherche, demande à Hamm, qui
est aveugle, s'il ne l'a pas
«
vu » (p.
94) et le trouve enfin sous la
fenêtre de gauche.
Gestes répétitifs, maladresses et comique de
l'absurde ne sont rendus possibles que par l'escabeau.
La« lunette » est également à l'origine d'un jeu comique.
Il arrive
qu'à l'opéra ou au théâtre des spectateurs aient avec eux de petites
jumelles pour mieux observer les comédiens.
Avec Clov, ce n'est
plus le public qui regarde les acteurs, mais l'acteur qui observe le
1.
➔ PROBLÉMATIQUE 7.
2.
Voir note 1, p.
94.
PROBLÉMATIQUES
ESSENTIELLES
113
public.
Il inverse le procédé, en braquant sa lunette« sur la salle»:
« Je vois ...
une foule en délire», déclare-t-il (p.
43).
1Une fonction dramaturgique
1
Les objets peuvent enfin être à l'origine de la situation ou de
l'action.
C'était déjà un peu le cas avec l'escabeau sans lequel il
n'y aurait pas de pantomime, ni d'observation du monde extérieur.
Mais c'est encore plus évident avec le buffet, qui est simplement
mentionné et qu'on ne voit donc pas parce qu'il se trouve dans la
cuisine.
Il explique en effet la longue cohabitation....
»
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