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Le m'élange des genres et des tons Combler le fossé que la tradition classique du xv11 8 siècle avait creusé...

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« Le m'élange des genres et des tons Combler le fossé que la tradition classique du xv11 8 siècle avait creusé en France entre l'esthétique de la tragédie et celle de la comédie, opérer un véritable mélange de su­ blime et de bouffon, d'idéalisme et de réalisme, de tris­ tesse et de gaieté, de manière à donner au.

théâtre une image plus fidèle de la vie: tel était le principe fondateur que Hugo assignait au drame romantique dans la Préface de Cromwell.

Fidèle à cette idée-force, le même auteur écrit: · dans la Préface de Ruy Blas, dix ans plus tard: ·· De ·cette_'faço�.

les deux électricités·opposées de la comédie et de la tragédie se rencontrent et l'étincelle qui en jaillit, c'est le drame. Il faut.donc, pour saisir la spécificité du drame roman­ tique dans Hernani, Lorenzaccio et Ruy Blas, en cerner les éléments empruntés,à la tradition tragique, puis dégager ce qui, à l'inverse, relève du ton comique; enfin, il importe d'analyser le choc entre ces deux registres, ou, pour re­ prendre l'im,fge de Hugo, «l'étincelle» qui naît de leur en­ chevêtrement dans ces pièces. LA DÜVIENSION TRAGIQUE D'après Hugo, toujours dans la Préface de Ruy,Blas, « le drame tient de la .tragédie par la peinture des passions». Est-ce à dire que la passion et le comique sont incompa­ tibles? Tôùt dépend du sens que l'on donne au mot «pas­ sion >>.

Certes, on peut dire que Monsieur :Jourdain a la _ passion de la noblesse, et Harpagon celle de l'argent.

Mais la passion au sens tragique exclut le ridicule: elle peut être destructive, voire criminelle, comme chez les personnages de Racine, mais elle s'exprime toujours dans·une langue noble, et elle.grandit toujours le personnage qui la porte, même en causant sa perte.

Ainsi.

la Phèdre de Racine est détruite par son amour coupable pour Hippolyte, mais ejle est sublime dans son malheur.

D'après Aristote, la tragédie nous inspire les deux sentiments de pitié et de peur;, peur devant la catastrophe finale qui engloutit le personnage, et pitié pour lui, à moins qu'il ne s'agisse d'un monstre, comme Néron dans Britannicus, de Racine. L'univers tragique, enfin, est placé sous le signe de la fatalité: un destin funeste s'acharne sur les héros-victimes, dont la volonté demeure impuissante contre cette force supérieure.

Voyons comment le drame romantique intègre ces éléments. Le ravage des passions - Parmi les passions, l'amour est celle qui est le plus souvent mise en scène au théâtre.

Ainsi.

l'amour de dona Sol pour Hernani la conduit inexorablement à partager le destin du bandit jusque· dans la mort: elle préfère se s_uicider plutôt que de survivre à Hernani, et boit la fiole de ~poison qu'elle lui arrache des mains (V, 6).

Mais l'une des caractéristiques du drame romantique est d'avoir su donner de toutes les passions une représentation magistrale: la haine chez don Salluste dans Ruy Blas.

l'ambition politique chez le cardinal Cibo, le désespoir chez Philippe Strozzi dans Lorenzaccio.

Le propre de la passion tragique est qu'elle dévore entièrement le personnage qu'elle habite, au point de devenir sa personnalité même.

Il est clair, par exemple, que l'ignoble don Salluste est quasiment une personnification de la haine: celle qu'il éprouve pour la reine, et qui motive son implacable-vengeance, est pratiquement semblable à une passion amoureuse, mais inversée.

De même que Ruy Blas ne vit que pour faire le bonheur de la reine, qu'il adore, don-Salluste ne vit que pour faire son malheur.

. Dans Lorenzaccio, nous voyons l'ambition dévorante du cardinal Cibo le pousser à jeter sa propre belle-sœur dans les bras du duc, qu'il espère ainsi pouvoir manipuler.

La violence de cette ambition le consume: on le voit très bien à travers la rage impuissante qui le sâisit lorsque sa bellesœur fait mine de résister à ses projets.

Celle-ci s'étonne. de le voir partir « en serrant les poings, les yeux enflam- més de colère» (If, 3).

Quant au malheureux Philippe Strozzi, il apparaît bien comme un personnage tragique, frappé de tous les malheurs: son désespoir, en définitive, lui ôte toute énergie, et l'empêche de jouer le rôle indispensable dè leader que les conjurés républicains attendaient de lui. Il est d'ailleurs durement renié pour cette raison par son fils Pierre, qui le traite « d'inexorable faiseur de sentences» (IV, 7).

C'est la passion, sous toutes ses formes, qui détermine Ja vie de ces personnages.

Comme chez Racine, la passion s'identifie donc à une sorte de fatalité. ' , La fatalité tragique - \., ';. ., ' Comme dans la tragédie classique, un destin négatif semble frapper les personnages.

Lorsque le même Philippe Strozzi demande, après la mort subite èle sa fille Louise: « Dieu de Justice! Dieu de justice! que t'ai-je fait?» (Ill, 7), ceci rappelle les cris déchirants des héros tragiques de I' Antiquité, déplorant la cruauté des puissances divines, qui font pleuvoir les malheurs sur leur tête. On retrouve cette même veine tragique dans Le Rot Lear, la pièce la plus tragique de Shakespeare, où l'un des personnages déclare que « nous [les hommes] sommes pour les Dieux comme des mouches pour des garnements: ils nous tuent pour s'amuser.» Notons d'ailleurs que la jeuneLouise Strozzi est la victime innocente, elle aussi, de la fatalité tragique.

En effet, son frère Pierre, dans sa passion vengeresse aveugle, avait.

contre les conseils de prudence de son père, attaqué Salviati, lequel poursuivait Louise de ses assiduités.

Or Salviati est un ami du duc: l'empoisonnement de Louise est donc une mesure de représailles. Chez Hugo, les deux héros dont chacune des pièces porte le nom sont explicitement tragiques.

Hernani se voit lui-même marqué par une sombre fatalité, « agent aveugle et sourd de mystères funèbres» (Ill, 4 v.

993).

Quant à Ruy Blas, c'est en lui que la fatalité se manifeste de la façon la plus éclatante.

C'est une fatalité sociologique: homme du peuple, laquais, il porte en lui des sentiments et des aspirations très au-dessus de sa condition.

Son amour pour une femme inaccessible, la reine, symbolise tout son destin: il est, comme il le dit si bien lw-même, un « ver de terre amoureux d'une étoile» (Il, 2 v.

798). Le style noble Enfin, la dimension tragique ne saurait 'exister sans un langage approprié.

Le style et le ton tragique sont nécessairement élevés, majest-ueux: à l'origine, la séparation entre tragédie et comédie n'était P!3S seulement de nature philosophico-morale, mais également sociale.

Le monde , de la comédie était celui des paysans et des marchands, celui de la tragédie appartenait au~ gr_ands de ce,monde. Les personnages de la tragédie classique sont des princes et des nobles: ils s'expriment donc conformément à leur rang, même pour dire des horreurs.

Ainsi, Ruy Blas, qui a, comme il le dit lui-mêmê « sous l'habit d'un laquais, les passions d'un roi» (1, 3 .v: 440), en a aussi l'éloquence, lorsqu'il expose, dans une tirade enflammée, les malheurs de l'Espagne aux ministres corrompus (Ill, 2).

Du reste, les longues tirades ou les monologues, qui sont nombreux dans les trois drames romantiques que nous étudions,,. sont par excellence des morceaux de bravoure, où les auteurs déploient tous les procédés rhétoriques du style noble, à la fois lyrique et épique, propre à la tragédie: - L'apostrophe, qui prend à témoin un mort illustre, comme don Carlos invoquant Charlemagne dans le long monologue de l'acte IV, scène 2, d' Hernani, ou bien' s'adressant à une entité personnifiée, comme les bannis qui font leurs adieux à la ville de Florence (L, 1; 6) - Les multiples exclamations et ïnterrogations rhétoriques, qui traduisent la violence des sentiments, et le pathétique des situations.

C'est ainsi que Philippe Strozzi rappelle le vieux don Diègue du Cid de Corneille, lorsqu'il . se lamente sur sa vieillesse, qui l'empêche d'accomplir luimême sa vengeance: ;; Allons, mes bras, remuez ! et toi, vieux corps ...

redresse-toi pour l'action!» (L,111, 3).

Quant , aux interrogations rhétorique's, ce sont des questions qui n'attendent pas de réponse, et qu'un personnage lance pour clamer son désespoir, comme Ruy Blas demandant à Charles Quint ce qu'il fait dans sa tombe (111, 2), alors que · ses héritiers laissent piller impunément son empire.

· · - Les métaphores, comparaisons et hyperboles, qui amplifient ·les idées ou les sentiments, et leur donnent une résonance tragique.

Lorsque Lorenzo confie à Philippe Strozzi, que « pendant vingt ans de silence, la foudre s'est amon0 celée dans [sl a poitrine» (L, Ill, 3), cette image, où la métaphore s'allie à l'hyperbole, exprime mieux qu'un long discours la force des résolutions vengeressés du personnage. LA DIMENSION COMIQUE Si elles se réduisaient aux seules composantes que nous venons de décrire, les pièces de Hugo et de Musset ne seraient que des tragédies modernes.

Mais elles comportent aussi une dimension comique essentielle.

Analysons les ._trois niveaux du comique dans ces drames romantiques: le comique de langage, de situation, de caractère. Le comique verbal Ce niveau.

du comique réside dans les calembours, jeux· de.... »

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