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Le moulin tourne au fond du soir, très lentement, Sur un ciel de tristesse et de mélancolie, Il tourne et...

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« Le moulin tourne au fond du soir, très lentement, Sur un ciel de tristesse et de mélancolie, Il tourne et tourne, et sa voile, couleur de lie, Est triste et faible et lourde et lasse, infiniment. Depuis l'aube, ses bras, comme des bras de plainte, Se sont tendus et sont tombés ; et les voici Qui retombent encor, là-bas, dans l'air noirci Et le silence entier de la nature éteinte. Un jour souffrant d'hiver sur les hameaux s'endort, Les nuages sont las de leurs voyages sombres, Et le long des taillis qui ramassent leurs ombres, Les ornières s'en vont vers un horizon mort. Autour d'un vieil étang, quelques huttes de hêtre Très misérablement sont assises en rond ; Une lampe de cuivre éclaire leur plafond Et glisse une lueur aux coins de leur fenêtre. Et dans la plaine immense, au bord du flot dormeur, Ces torpides maisons, sous le ciel bas, regardent, Avec les yeux fendus de leurs vitres hagardes, Le vieux moulin qui tourne et, las, qui tourne et meurt. Emile Verhaeren (1855-1916), Les soirs explication linéaire Dans un premier temps, on procède à une explication linéaire en ayant soin de noter au fur et à mesure les regroupements possibles.

Le commentaire composé se présente, en effet, sous une forme ordonnée. • «Le moulin tourne au fond du soir, très lentement.

» Le titre du poème, le premier vers posent le thème.

L'article défini souligne qu'il s'agit — soit d'un élément connu de l'auteur (né en Belgique, il chante fréquemment les paysages de Flandre) — soit d'un symbole représentant tous les moulins de ces pays. L'action décrite caractérise le moulin, elle renvoie aussi à une répétition, comme nous le verrons par la suite. Le soir : période incertaine, la lumière baisse.

Le groupe prépositionnel accentue peutêtre l'impression de ténèbres.

Enfin, l'adverbe, au superlatif, rejeté à la fin du vers entre deux virgules, porte l'accent de la rime. • « Sur un ciel de tristesse et de mélancolie.

» Il faut tout d'abord remarquer que les deux noms reprennent la même notion, donnent la même impression.

La longueur du mot « mélancolie » accroît la lenteur que nous avons vue dans le premier vers.

Notons l'emploi de la préposition «sur».

Pour créer l'impression de tristesse, on aurait plutôt attendu «sous», d'autant que le rappel vocalique de «moulin» et «tourne» s'y prêtait. Mais la préposition «sur» crée, sans doute, un effet plus pictural, moins sensible : le lecteur a l'impression que le moulin se découpe, se détache sur le ciel.

L'utilisation des compléments de nom (pas des adjectifs) a tendance à généraliser l'impression.

Elle n'est pas une simple teinte qui détermine le ciel, elle devient le caractère même de toute chose. • «Il tourne et tourne, et sa voile, couleur de lie, Est triste et faible, et lourde et lasse, infiniment.

» Comme dans le premier vers, on remarque que l'adverbe est rejeté à la fin et porte l'accent.

La durée, abordée avec « très lentement » atteint maintenant son paroxysme. D'une certaine manière, ces deux vers rappellent les deux premiers : d'abord le mouvement uniforme puis la tristesse.

On a simplement l'impression que la phrase se décompose et insiste : vers 1 : «tourne» (un mot); vers 3 : «tourne et tourne» (2 mots); vers 2 : «tristesse et mélancolie» (2 mots); vers 4 : «triste et faible, et lourde et lasse » (4 mots).

Les répétitions, les allitérations en / créent un rythme lourd.

En outre, la reprise par cinq fois de la préposition « et * semble accompagner la rotation des ailes du moulin comme si, inlassablement, la phrase se lançait et retombait.

L'utilisation par deux fois de «tourne» pourrait donner l'impression de vitesse, mais elle souligne simplement la répétition. La voile, symbole du départ, de la légèreté, devient pesante.

«Faible» et «lourde» voisinent curieusement, bien qu'une indication «couleur de lie» explique en partie cette association.

Pour ce qui doit être aérien le poids devient une faiblesse. Nous avons rapproché, du point de vue sémantique, les deux premiers vers et les deux vers suivants.

Mais le rythme des alexandrins diffère totalement.

Là, une césure très peu marquée, une coupe forte au huitième pied, puis un vers ample et classique.

Ici, des rythmes ternaires : «Il tourne et tourne, et sa voile, couleur de lie 444 Est triste et faible, et lourde et lasse, infiniment.

» 444 Ces deux alexandrins ont donc une structure parallèle avec, de plus, l'élision du e muet. Le procédé donne une certaine fluidité aux vers qui atténue ce que la relance des «et» aurait de trop dur.

Le mouvement du texte s'accentue grâce à l'enjambement. Enfin, la lie désigne le dépôt que laisse un liquide, particulièrement du vin.

Il indique aussi ce qui est vil et bas, renforçant la tristesse, la fatigue de l'ensemble. • Deuxième quatrain.

«Depuis», les formes passées des verbes permettent un bref retour en arrière qui décrit la longue journée.

«L'aube» donne la mesure du «soir» (premier vers). On notera l'emploi par deux fois du mot «bras» qui appartient d'ordinaire à un1 être humain.

L'animation rend plus pathétique l'effort et l'échec.

La comparaison a ceci de particulier qu'elle semble, à priori, renvoyer du même au même.

Seul le terme «plainte» est ainsi dégagé; comme pour «tristesse et mélancolie», la substantivation accentue la généralité du propos. Le contre-rejet «et les voici» (où le présentatif est encore souligné par la conjonction) permet d'anticiper la fin du vers à «sont tombés», le mettant en relief.

Ce contre-rejet souligne au vers suivant «qui retombent encor».

Le procédé rappelle ce que nous disions pour le verbe «tourne».

En outre, l'adverbe renchérit sur le préfixe. L'effet d'éloignement, suggéré avec «sur le ciel», est bien mis en évidence par l'adverbe «là-bas» à la rime.

De même que « la lie », « l'air noirci » soulignent la saleté, l'usure. Tous deux sont d'ailleurs à la rime.

On peut penser «aux villes tentaculaires», aux industries qui «éteignent la nature».

L'impression de désolation s'accentue encore par «le silence entier» et par l'absence des bruits de la nature. • Troisième quatrain.

La saison choisie évoque bien évidemment le sommeil et la mort de la nature.

En outre, l'antéposition du complément de lieu rejette le verbe à la fin du vers et permet la rime sémantique «s'endort/mort».

De même, la postposition de l'adjectif « sombres » appelle la rime sémantique « ombres » qui gagne ainsi en valeur expressive. La nature est à l'unisson puisque les nuages eux-mêmes n'ont plus la force de quitter le pays.

On note là l'opposition entre le mouvement circulaire et le mouvement linéaire. L'évasion est impossible puisque même l'horizon est «mort».

Les seules lignes de fuite des ornières, avec ce que cela suppose de boue et d'enlisement, n'aboutissent donc à rien.

D'ailleurs, le poète souligne le repli sur goi avec «les taillis ramassent leurs ombres».

On remarquera la voyelle grave a dans le second vers, le o nasillé et le son èr qui tente une sorte d'échappée. • Quatrième quatrain.

Nous venons de relever l'impression de repli.

Or, « Autour» commence ce quatrain.

L'eau stagnante de l'étang intensifie le manque de perspective, souligné encore par « en rond »..... »

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