LE MOZAMBIQUE AU XXe SIÈCLE En 1907, Lisbonne décide de déplacer la capitale de sa colonie d’Afrique orientale, l’île de...
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LE MOZAMBIQUE AU XXe SIÈCLE
En 1907, Lisbonne décide de déplacer la capitale de sa colonie d’Afrique
orientale, l’île de Mozambique, en face de l’archipel des Comores, à
Lourenço-Marques (aujourd’hui Maputo), dans l’extrême sud du pays.
Ce choix qui
aura, sur le long terme, des conséquences incalculables, s’explique par la
volonté des colonisateurs de mettre en relation l’économie de leur territoire
avec celle, en plein essor, de l’Union sud-africaine et de la Rhodésie.
Lisbonne
choisissait ainsi de faire du Mozambique une « colonie de services » pour
l’hinterland britannique.
Rupture géographique et socio-historique.
Le changement de capitale matérialise une rupture à la fois géopolitique et
socio-historique : les noyaux « créoles » des vieilles élites locales descendant
souvent du trafic d’esclaves se situaient sur la côte septentrionale, sur le
fleuve Zambèze ou dans les prazos (genre de fiefs) de Zambézia et de la rive
droite du Zambèze jusqu’à Sofala.
Ces milieux sociaux vont être totalement
marginalisés au cours du xxe siècle, par le passage de la colonisation
mercantile au capitalisme colonial des grandes compagnies.
Les nouvelles élites
africaines du Sud restent très faibles du fait du caractère très limité de
l’alphabétisation menée par les missions catholiques (en dépit du concordat de
1940) et de l’arrivée massive de petits colons blancs monopolisant les moindres
niches d’enrichissement.
En 1926, est publié le Statut indigène (instituant l’indigénat), base légale
renouvelée du travail forcé.
En 1930, avec l’Acte colonial, le Mozambique
devient une colonie à la législation distincte (il était jusqu’alors une «
province d’outre-mer »).
Le Portugal ne participant pas à la Seconde Guerre
mondiale, « son » Afrique ne connaît donc pas l’effet modernisateur que ce
conflit aura sur les autres colonisations.
La crise est patente dès 1958, quand les cultures forcées ne parviennent plus à
fournir le coton nécessaire à l’industrie textile métropolitaine cherchant à
exporter vers les autres pays européens.
Quelques réformes sont ébauchées,
brutalement accélérées après le déclenchement des luttes armées dans l’Empire
portugais à partir de 1961.
L’indigénat est supprimé (1961) de même que le Code
du travail indigène (1962), l’Église catholique perd le monopole de
l’enseignement indigène (1964).
Un Code des investissements étrangers (1965)
permet une arrivée massive de capitaux et une timide africanisation des cadres
s’amorce.
Une véritable modernisation économique s’opère, qui s’amplifiera jusqu’à la
récession de 1972-1973 (Lourenço Marques est alors la « ville portugaise » qui
compte la plus grande densité d’automobiles).
Au plan des infrastructures
économiques, le Mozambique n’est pas en retard sur les autres pays de la région
lors de l’indépendance en 1975 (hors Afrique du Sud).
Il reste cependant
socialement archaïque, colonie de peuplement de petits Blancs empêchant l’essor
de cadres africains.
Dix ans de lutte armée de libération.
La lutte armée est engagée à partir de septembre 1964, principalement dirigée
par le Frelimo (Front de libération du Mozambique) sous la présidence d’Eduardo
Mondlane (1920-1969).
Il est le fils d’un chef traditionnel d’ethnie changane
(sud du pays), éduqué par la Mission suisse (presbytérienne), devenu professeur
aux États-Unis et ami de Julius Nyerere (président de la république du
Tanganyika, puis de la Tanzanie), rencontré à l’ONU (Organisation des Nations
unies).
Seul mouvement disposant des cadres nécessaires, le Frelimo se
développe, mais sa direction est principalement sudiste et urbaine, tandis que
la base de la guérilla, dans l’extrême nord frontalier de la Tanzanie, est
d’ethnie maconde.
Même si elle étend ensuite ses zones libérées (environ 15 % du
territoire) et ses actions à d’autres régions, la guérilla ne s´implante
pratiquement pas en Zambézia et à Nampula.
De graves crises éclatent au sein du
Frelimo, sous couvert de divergences politiques qui traduisent aussi, en
réalité, des différences de vécus, d’identités, d’ethnicité et de mondes qui,
dans ce pays sans nation, ne se connaissaient pas.
Globalement, le centre et le
centre-nord du pays restent sous-représentés dans le Front de libération, puis
dans le nouvel État indépendant.
La dynamique de la guerre de libération permet
au Frelimo de survivre à l’assassinat de son premier président, E.
Mondlane, en
février 1969.
Elle permet également la « marxisation » progressive engagée par
les dirigeants politico-militaires entraînés en Algérie, en Union soviétique ou
en Chine, exprimant, par le biais du marxisme tel qu’ils l’avaient appris de
leurs hôtes ou du Parti communiste portugais, un nationalisme de type très
jacobin, très hostile aux cultures populaires et aux identités ethniques,
rejoignant par là les autres courants de modernisation autoritaire et
paternaliste du tiers monde.
Même si politiquement elle lutte contre le
salazarisme, la petite élite qui imagine la nation future subit le poids du
modèle social portugais d’une nation très homogène....
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