LE NÉO-CONFUCIANISME Face au «nihilisme» bouddhique comme aussi, mais dans une mesure moindre, au « quiétisme» néo taoïste, une réaction...
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LE NÉO-CONFUCIANISME
Face au «nihilisme» bouddhique comme aussi,
mais dans une mesure moindre, au « quiétisme» néo
taoïste, une réaction des milieux lettrés « confucéens»
comme en général de tous les défenseurs d'un ordre
humaniste mais hiérarchique à la chinoise, celui de la
« piété filiale» familiale et «étatique», était prévi
sible.
Et elle eut lieu, à la fois comme réaction anti
bouddhique et comme retour aux Classiques, mais non
sans que l'apport bouddhique, le néo-taoïsme et le
chan n'influent sur ce retour au tuf chinois, au classi
cisme chinois.
En effet, l'Etat chinois avait de plus en
plus de mal à tolérer, d'une part, que l'enrichissement
de l'Eglise bouddhique, en domaine comme en «per
sonnel», ponctionnât la terre et les forces laborieuses
et militaires chinoises, sans bénéfice aucun pour
l'Etat 1, et, d'autre part, à ce que soient pratiquement
bafoués la famille et le service de l'Etat, du souverain,
notions cardinales complémentaires de la véritable
piété filiale régissant le «bon ordre».
1.
L'Eglise ne payait aucune taxe, mais obtenait tout par privi
lège.
Un monachisme galopant, et parfois même de pure complai
sance, dégarnissait le réservoir humain dans lequel l'Etat avait de
plus en plus de peine à recruter un personnel de fonctionnement,
comme aussi des soldats.
En 842-845 furent donc démantelés de très nom
breux monastères, proscrits de nombreuses familles
bouddhistes influentes, réduites à l'état laïc des cen
taines de milliers de moines et de nonnes.
A partir de cette date, l'Eglise bouddhique cessa
d'être un «Etat dans l'Etat».
Une certaine xénophobie
envers la pensée étrangère (indienne) s'accompagna
donc tout naturellement d'un discours «nationaliste»,
vantant les mérites des véritables valeurs autochtones.
Mais ce retour aux valeurs ancestrales ne pouvait
jeter par-dessus bord, en tout cas ne l'a pas voulu ou
pas pu, tout ce qui avait enrichi, dans le même temps
que bouleversé, la pensée chinoise au cours de ces
quatre siècles de cohabitation et de confrontation
avec la haute métaphysique et la haute intellectualité
indie1mes, via le bouddhisme mahâyâniste.
Il fallait à la fois réconcilier politique - avec ce que
cela implique de notion d'ordre, de hiérarchie, de
devoirs - et culture
avec ce que cela suppose de
détachement, de«liberté», de spontanéité créatrice-,
et pour ce faire formuler une sorte de doctrine unitaire
où morale et réalisme puissent avoir un fondement
commun.
On «compléta» donc Confucius et Mengzi en pro
curant à leur pensée l'armature métaphysique qui leur
manquait 1, armature que fournirent les idées boud
dhiques d'absolu, de réalité suprême, d'illumination
(idée chaniste aJJssi) ainsi que le système yin-yang dans
la perspective ésotérique être-non-être du néo-taoïsme.
1.
Elle ne leur «manquait» pas tant que d'office rejetée.
Rap
pelons, en effet, que èonfucîus se refusait à entrer en métaphy
sique, considérant, non sans à propos réellement humaniste, qu'il y
a suffisamment à faire pour établir un ordre humain pour n'avoir
pas à se préoccuper de spéculations vaines, inutiles et prétentieuses.
C'est à ce courant d'un syncrétisme complexe, qui
eut lieu sous les Song (960-1280), qu'on donna le nom
de néo-confucianisme, alors qu'en chinois il est connu
sous le nom combien révélateur de Daoxue (l'étude
ou science du Dao) et qu'il couvre au moins deux
tendances : un courant «idéaliste-réaliste» (Lixue l'étude (ou science) de la Raison (d'être) et un courant
intuitionniste (Xinxue - l'étude (ou science) du
«cœurn, c'est-à-dire de l'esprit universel intérieur et
extérieur).
Comme souvent en Chine où l'axe Nord-Sud ne
délimite pas seulement deux ensembles géographiques
et historiques mais encore presque deux modes d'ap
préhension différents, ce néo-confucianisme eut des
accents et des colorations diverses selon qu'il eut pour
cadre la Chine du nord, d'abord, la Chine du sud, ensuite.
Comme il nous est impossible de passer en revue
les étapes complexes de la formation du néo-confucia
nisme et de la lutte entre les deux courants évoqués
plus haut, «réaliste-idéaliste» et «intuitionniste»,
nous limiterons notre maigre présentation aux figures
et pensées de Zhu Xi (1130-1200) et de Lu Jiuyuan
(1139-1193).
Si Zhu Xi est sans conteste le plus grand des philo
sophes néo-confucianistes, à tout le moins par l'am
pleur de son œuvre et l'importance qu'on lui accorde
par la suite, il n'empêche que son contemporain et
honorable contradicteur Jiu yuan, chef de file du cou
rant«intuitionniste» représente peut-être un confucia
nisme qui, pour être mêlé de taoïsme et de chanisme,
Le Bouddha Gautama, à sa manière, n'était pas loin de partager un
même sentiment.
Leurs successeurs ont eu plus d'ambition intellectuelle, certes,
mais sans doute moins de sagesse.
n'en est pas moins plus fidèle à l'esprit du Confucius
des Entretiens.
Zhu Xi fut l'initiateur d'une nouvelle « ortho
doxie» qui inspira · les « absolutismes éclairés» des
Dynasties Ming (1368-1644) et Qing (1644-1911).
Toutefois, précisément parce que orthodoxe, le néo
confucianisme se sclérosa finalement en conformisme
moralisant et puritain, d'une part, pour avoir assez vite
tourné le dos aux spéculations idéalistes et métaphy
siques de Zhu Xi et, pour s'être contenté, d'autre part,
de ne retenir de sa grandiose synthèse que ses Com
mentaires des Classiques, plus prisés pour ce qu'ils
contenaient de sérieux et de gravité, à utilisation sociale
immédiate, que pour ce qu'ils donnaient à penser dans
une perspective intellectuelle beaucoup plus vaste.
ZHUXI
(1130-1200)
Il naquit en Chine du sud dans le Fujian.
Son père
était un fonctionnaire provincial, c'est dire aussi un
lettré.
Il était encore un tout jeune adolescent quand
son père mourut, mais trois amis de celui-ci s'occupè
rent de son éducation.
Remarquablement doué pour
les études et .
aidé par ce trio pédagogique, Zhu Xi
réussit, à peine âgé de dix-neuf ans, à passer les exa
mens du concours triennal.
Devenu fonctionnaire, il sera toujours en poste
dans la fonction publique, mais refusa d'y faire car
rière, préférant les études à un cursus honorum.
Selon
!'habitude des lettrés il adressa parfois à ! 'Empereur
des pétitions, et une fois même pris position contre la
politique suivie par l'un de ses ministres.
Il fut d'abord séduit par le bouddhisme qu'esti
maient fort ses premiers mentors, mais ensuite fut ini
tié au néo-confucianisme de son temps, celui de lettrés
de la Chine du nord.
Il porta le néo-confucianisme à un tel niveau de syn
thèse et d'élaboration qu'il s'attira de très nombreux
disciples, ce qui ne manqua pas de susciter quelque
envie et l'occasion d'intrigues pour le perdre.
Accusé
de bouleverser les esprits, il fut, âgé de soixante-dix
ans, démis de son poste et de ses titres et mis à la
retraite.
Il décida quatre ans plus tard de dysenterie.
Sa
renommée ne cessa pourtant de croître.
Anobli à titre
posthume, sa tablette funéraire fut· placée dans le
temple de Confucius, en 1241.
D'abord et avant tout Zhu Xi est un commentateur
érudit des Classiques et, avec la modestie mi-sérieuse
mi-narquoise des lettrés, ne se prétend pas plus.
Mais
au lieu de limiter son commentaire à l'étude philolo
gique du texte, il en recherche la....
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