LE NÉO--TAOÏSME (Ille ET IVe S.) Pendant près de quatre siècles avant que ne s'opère une nouvelle réunification impériale, dans...
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LE NÉO--TAOÏSME (Ille ET IVe S.)
Pendant près de quatre siècles avant que ne s'opère
une nouvelle réunification impériale, dans la Chine divi
sée et/ou occupée par des dynasties étrangères, néo
taoïsme et bouddhisme philosophique sont aux prises
et s'épanouissent plus ou moins en symbiose, tan.
dis que parallèlement religion bouddhique et religion
taoïque se développent, sans que ce qui les sépare
n'empêche quelque perméabilité et influence réci
proqués.
Dans ce monde politiquement désenchanté, divisé,
ruiné, non seulement les Classiques ne sont plus guère
à l'honneur, saufle Yijing (Livre des Mutations), mais
les lettrés sans emploi, mis sur la touche, se replient
sur eux-mêmes et cultivent individualisme et esthé
tisme dans le même temps que les atteint, comme
toute la société du temps, la séduction d'une pensée
étrangère qui consonne aux temps moroses qui sont
leurs, au taoïsme qu'ils redécouvrent d'autant mieux
qu'ils délaissent les Classiques, et qui offre délivrance:
le bouddhisme.
On appelle néo-taoïsme le courant qui, aux me et
e
Jy s., commente et interprète le Laozi, le Zhuangzi et
le Yijing, et qu'on désigne en chinois du terme de
xuanxue qu'on traduit par l'« Ecole des Mystères» ou
plus · littéralement par « enseignement obscur» ou
« étude du mystère» ( obscur / étude) 1•
1.
Xuan : signifie obscur, noir.
Noire est aussi la couleur de
l'eau.
Tout cela consonne avec l'idée de mystère et surtout de
« mystère des mystères» tel qu' exposé dans le Ch.
I du Laozi pour
qualifier la Voie (Dao).
Il est de tradition de distinguer dans ce néo-taoïsme
un courant «rationaliste» et un courant « sentimenta
liste » ou «libertin-libertaire», sans qu'il faille radica
liser cette opposition d'accent.
Le courant «rationaliste»
Quels sont les véritables rapports entre l'Un et le
Multiple, entre l'Invisible et le Visible, entre le «il n'y
a pas» et le « il y a», autrement dit le «néant» ou non
être et l'être, telles sont bien les questions que se pose
ce courant et auxquelles il apporte des réponses en
commentant ces « trois livres mystérieux» que sont le
Laozi, le Zhuangzi et le Yijing.
Essentiellement, on pourrait dire qu'en s'interro
geant à la fois sur les rapports de l'Un et du Multiple,
avec comme arrière-plan aussi les rapports, dans la
société, entre !'Empereur-Un et les sujets multiples,
les penseurs de ce courant en arrivent à qualifier l'Un
non comme un nombre, et certainement pas le premier
d'une série, fût-elle infinie, mais comme !'Unité où
tout s'origine sans que pour autant l'Unité ne s'appauvrisse ou ne s'altère.
Tout provient de l'Un et y retourne, comme sur le
plan social !'Empereur gouverne la multitude des
sujets sans que ce gouvernement n'affaiblisse ou n'al
tère la place éminente qu'il occupe.
Mais cet effort de catégorisation en tant qu'il se lie
par ailleurs à la symbolique très particulière du Yijing
ne parvient pas à se systématiser selon une cohérence
purement rationnelle.
Quoi qu'il en s0it de ces ques
tions ardues sur lesquelles nous ne pouvons insister,
ajoutons tout de même que ce courant fait de plus en
plus appel à une notion importante, que reprendra par
la suite le néo-confucianisme, le li, en quelque sorte
principe d'ordre des êtres et des choses.
En effet, l'être qui se situe toujours entre deux
néants, n'est pas désordonné, inappréhendable, mais
· au contraire possède sa nature propre que le li précisé
ment définit comme son principe d'ordre: comme sa
«raison d'être».
Il y eut aussi un -courant beaucoup plus radical,
beaucoup plus moniste, et pour lequel les êtres ne peu
vent provenir du non-être, du néant, puisque celui-ci
n'est à la lettre rien.
Il n'y a donc pas à chercher de
«cause première», ce qui existe existe de par soi
même, et selon une spontanéité qui est le Dao lui
même.
Tout est et se transforme et, malgré que les
êtres et les choses soient indépendants les uns ·des
autres, une sorte de solidarité cosmique ne cesse de les
lier.
Le passé se transforme en présent, comme les êtres
eux-mêmes, sans que pour autant il y ait à proprement
parler cause suivie d'effets, car c'est selon une spon
tanéité en quelque sorte globale que s'appréhende le
changement, les transformations.
C'est dire autrement que ce qui était bon hier ne
l'est pour autant aujourd'hui, que tout est donc relatif,
et qu'on aurait tort de vouloir imiter le passé ou quel
qu'un d'autre au lieu de se confier et de se conformer
au présent tel qu'il est et à sa propre spontanéité, c'est
dire à soi-même.
Paradoxalement, c'est ce courant qui magnifie
Confucius en le créditant d'une sainteté suprême pour
n'avoir précisément non seulement rien dit ou voulu
dire sur - le wu, le néant, le non-être, mais comme
d'avoir même «oublié» qu'on aurait pll ou dû en
parler.
Tout se passe comme si reproche était fait à
Zhuangzi comme à Laozi d'avoir voulu soulever un
coin du voile derrière lequel se cache l'obscur, le
néant, et d'être, en en parlant, tombé dans le bavardage
abstrait.
Il ne sert à rien de bavarder sur le wu ou le wuwei
au lieu d'être tout simplement spontané.
Si Confucius n'enseigne que sur le «il y a», c'est
parce qu'il s'était déjà identifié au néant (au vide, au
non-être) et qu'il savait ne rien pouvoir enseigner là
dessus, tandis que si Laozi et Zhuangzi parlent tant du
néant (vide, non-être, ineffable, innommable ...) c'est
parce qu'ils ne sont pas parvenus à s'identifier à lui et
n'ont de la sphère du «il y a·» qu'une maîtrise néga
tive et imparfaite.
Quelle....
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