Le peloton d,exécution Le capitaine Hernandez a combattu dans la guerre d'Espagne du côté des républicains. Arrêté par les fascistes...
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Le peloton d,exécution
Le capitaine Hernandez a combattu dans la guerre d'Espagne du
côté des républicains.
Arrêté par les fascistes à Tolède, il attend, parmi cinquante autres prisonniers, son tour d'être exécuté.
Aura-t-on bientôt fini de disposer ces prisonniers comme pour
une photo de mariage, devant les canons de fusils horizontaux ?
Tolède rayonne dans l'air lumineux qui tremble au ras des
monts du Tage : Hernandez est en train d'apprendre de quoi se fait
5
l'histoire.
Une fois de plus, dans ce pays de femmes en noir, se lève
le peuple millénaire des veuves.
Qu'est-ce que ça veut dire, la noblesse de caractère dans une
action comme celle-là ? La générosité ? Qui paye ?
Hernandez regarde la glaise avec passion.
0 bonne terre iner10 te! Il ny a de dégoût et d'angoisse que chez les vivants.
Le plus affreux, des prisonniers, c'est leur courage.
Ils sont
obéissants : ils ne sont pas passifs.
Comme l'image de l'abattoir est
bête ! on n'abat pas les hommes, - il faut se donner la peine de les
tuer.
Hernandez pense à Pradas 0~ à la générosité.
Les trois prison15 niers sont enfin de face : la photo est décidément prête.
La générosité, c'est d'être vainqueur.
Décharge.
Deux tombent dans le fossé, un en avant.
L'un des
organisateurs de la mort approche.
Va-t-il pousser le corps du pied ?
Non, il se baisse, le tire par le bras et la jambe ; lecorps est lourd (le
20 terrain monte): ce mort-là aura été embêtant jusqu'à la fin.
Au
trou.
Est-ce que ça va encore durer ?
(1) - Pradas est un délégué du Parti communiste espagnol.
On s'habitue, à droite à tuer, à gauche à être tué.
Trois nouvelles silhouettes sont debout là où se sont trouvées toutes les autres,
et ce paysage jaune d'usines fermées et de châteaux en ruines
25 prend l'éternité des cimetières; jusqu'à la fin des temps, ici, trois
hommes debout, sans cesse renouvelés, attendront d'être tués.
Malraux.
L'Espoir.
Exercice de !'Apocalypse, II, chap.10.
© Editions GALLIMARD
------QUESTIONS-----1 - Caractérisez le ton des deux premières lignes.
Comment est-il
produit?
Le ton est ironique, sarcastique.
Il est produit par le recours au
tour interrogatif: "aura-t-on bientôt fini?" qui traduit une exaspération
d'adulte face à des gamineries.
La comparaison de l'exécution avec une
photo de mariage ajoute une touche de dérision.
2 - Relevez deux 'exemples de monologue intérieur.
"Qu'est-ce que ça veut dire la noblesse de caractère ...
" (ligne 7) et
"O bonne terre inerte.
Il n'y a de dégoût et d'angoisse que chez les
vivants" ( lignes 9 et 10) sont des exemples de monologue intérieur.
- - - - COMMENTAIRE COMPOSÉ - - - -
Introduction
-Présentation
du texte
200
Hernandez est un personnage de L'Espoir, roman
écrit en 1937 par André Malraux.
Ce capitaine qui s'est
battu dans la1 guerre civile espagnole du côté des républicains a été arrêté à Tolède par les fascistes et attend,
(chapitre X de la deuxième section de !'Exercice de
!'Apocalypse) parmi cinquante autres prisonniers, que
son tour vienne d'être fusillé.
-Annonce du
plan
I - Le tragique
- une terrible
dévaluation
-un ultime
regard sur
la beauté
du monde
- un deuil
immémorial
C'est à travers son regard et ses pensées que Malraux
a choisi d'évoquer ce moment crucial.
On découvrira,
à l'examen de cette page, que si la situation y est présentée sous des couleurs tragiques, la dérision et
même l'humour noir n'en sont pas absents.
Le tragique naît d'abord de la confrontation qui
s'instaure dans le texte entre un homme naguère mu
par un idéal, et le spectacle d'un gâchis aussi inhumain
qu'irrémédiable : l'exécution systématique des prisonniers.
Face à cette entreprise, les grands mots de
l'engagement politique subissent une terrible dévaluation : c'est ainsi que, par le biais du monologue intérieur, nous entendons le capitaine Hernandez s'interroger avec un brutal scepticisme sur ce qui reste
désormais de certaines glorieuses devises : 'Qu'est-ce
que ça veut dire, la noblesse de caractère dans une
action comme celle-là ? La générosité ?" Et la conclusion, quelques lignes plus bas n'est pas moins terrible:
"La générosité, c'est d'être vainqueur." En d'autres termes,
que pèse la noblesse face au nombre, à l'inéluctable
rapport de forces?
Le sentiment du tragique naît encore du regard ultime porté, au seuil même de la mort, sur le site de
Tolède par un homme qui contemple une dernière fois
la beauté du monde : "Tolède rayonne dans l'air lumineux qui tremble au ras des monts du Tage" ; cet homme est "en train d'apprendre de quoi se fait l'histoire".
li
découvre à la fois, en effet, l'indifférence du monde et
le contraste entre la beauté de la lumière tremblant sur
une ville et les pratiques sanguinaires des hommes dont
la vie, au regard de l'histoire, semble compter si peu.
C'est pourquoi la mort lui paraît assez désirable pour
qu'il en vienne à "regarde(r) la glaise avec passion".
C'est que les combats, les exécutions, apparaissent
désormais à Hernandez comme la monotone répétition des mêmes horreurs, des mêmes deuils, et sa
méditation silencieuse prend un caractère presque
visionnaire : "une fois de plus, dans ce pays de femmes
en noir, se lève le peuple millénaire des veuves".
Plus
caractéristique encore de la "vision" est cette évocation
finale d'un paysage de "ruines" qui "prend l'éternité
des cimetières" et où, "jusqu'à....
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