LE PETIT VÉHICULE OU HÎNAYÂNA Le «Petit Véhicule» est un terme quelque peu condescendant par lequel les adeptes de l'idéal...
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«
LE PETIT VÉHICULE OU HÎNAYÂNA
Le «Petit Véhicule» est un terme quelque peu
condescendant par lequel les adeptes de l'idéal du
bodhisattva, s'appelant eux-mêmes de façon quelque
peu glorieuse les promoteurs du «Grand Véhicule»
(Mahâyâna), désignaient la doctrine des adeptes de
l'idéal de sainteté individuelle (arhat).
Ce terme est resté, mais il n'en demeure pas moins
que les tenants de ce bouddhisme, chronologiquement
plus ancien de quelque cinq siècles, se désignent eux
comme theravâdins ou adeptes de la «Doctrine des
Anciens» (Theravâda), seule branche du Hînayâna
qui a perduré et s'est répandu dans l'Asie du Sud-Est
(Sri Lanka, Birmanie, Thaïlande, Cambodge, Laos).
Après la mort de Bouddha, et du fait de l'absence
d'une autorité reconnue que Bouddha n'a jamais voulu
instituer 1, il y eu efflorescence de courants divers plus
ou moins «orthodoxes» ou sectaires, trois conciles et
quelques schismes.
Cela ne nous retiendra pas aux conditions de notre
parcours.
Quoi qu'il en soit, à l'heure actuelle, la plupart de
ces courants ayant disparu, il ne reste plus que le
Theravâda (ou Hînayâna) et le Mahâyâna, aux nom1.
Jusqu'au dernier moment, Bouddha ne cessait d'insister sur
le fait, d'une part, que chacun n'a de refuge qu'en soi-même et
en personne d'autre, et que, d'autre part, ayant enseigné la Loi
(Dharma), celle-ci leur resterait après sa mort, dût-elle s'appauvrir
et devenir moins pure au bout de cinq cents ans, comme il le pré
voyait.
breuses ramifications tant philosophiques que reli
gieuses.
Ce qu'il ne nous semble pas inutile d'éclairer, ce sont,
un peu à contre-courant d'un certain angélisme dans la
présentation habituelle que l'on fait du bouddhisme,
certaines réalités sociales qui tout en n'enlevant stricte
ment rien à sa grandeur ramène pourtant celle-ci à des
dimensions plus humaines qu'hagiographiques.
Le climat à l'intérieur du Sangha (la Communauté
des religieux au sens strict) n'avait rien d'absolument
pacifique et serein si l'on sait que le propre cousin de
Bouddha, Devadatta, qui faisait partie du sangha en
tant que membre estimé, essaya par trois fois de tuer
Bouddha pour prendre la tête de la communauté, pro
voqua un schisme parmi une communauté monas
tique, et bénéficia pour ce faire d'un appui royal.
Déjà du temps de Bouddha,
« Lorsque Virûdhaka se fut emparé du trône du
Kosala I et résolut de tirer vengeance des Sâkya 2
pour l'offense faite autrefois à son père, l'interces
sion du Bouddha ne parvint à reculer la catastrophe
que de quelques jours : son clan familial fut presque
entièrement exterminé et les rares survivants durent
quitter le pays.
»
E.
Lamotte, op.
cité, p.
21
Quelque deux siècles plus tard, au temps d'Ashoka,
l'empereur repenti, devenu un adepte laïc du bouddhisme,
le propagateur zélé d'une morale laïque universelle 3 ,
1.
Le plus puissant Etat du nord de l'Inde (Népal), au temps du
Bouddha.
2.
Shâkya : le clan familial du Bouddha.
( cf.
Shâkyamuni : le
silencieux du clan des Shâkya).
3.
Messages qu'Ashoka fit graver dans tout son empire, soit
sur des parois rocheuses, soit sur des piliers.
Un exemple : « Le
le défenseur de toutes les religions de son empire,
voici ce qu'on rapporte :
Depuis sept ans déjà la.
discorde régnait parmi les
religieux de l' Ash okârâma, le monastère d' Ashoka.
« Pour contraindre les moines à célébrer l'uposa
tha (assemblée bimensuelle de toute la communauté
monastique, Nd.A) en commun, un ministre d'A.foka
n'avait pas hésité à décapiter les récalcitrants et
n'avait interrompu la boucherie qu'en face du véné
rable Tissa, propre frère du roi.
Asoka se crut cou
pable du massacre, et ses remords furent seulement
apaisés par la venue de Moggaliputtatissa.
le maître
mit fin à ses doutes et lui enseigna le Dharma durant
sept jours.
»
op.
cité, p.
298
Quant aux relations, heureusement plus pacifiques,
entre religieux et laïcs, voici quelques remarques
d'E.
Lamotte, qui permettront au lecteur de quitter un
moment la théorie pour s'approcher des réalités histo
riques et vécues.
« Si l'on ne risquait d'être mal compris, on devrait
poser l'existence de deux bouddhismes distincts et
souvent opposés : celui des religieux et celui des laies
dont l'interférence, pour ne pas dire la rivalité,
conditionne toute l'histoire du bouddhisme indien.
»
D'ailleurs,« la formation du Mahâyâna au sein de
la communauté con�acrera le triomphe de l'humanité
du laïc (upâsaka) sur le rigorisme du religieux (bhik
shu).
»
in E.
Lamotte, op.
cité, p.
59
roi ...
veut que toutes les sectes puissent résider partout.
Car toutes
veulent la maîtrise des sens et la pureté de l'âme.»
Malgré cela, la faiblesse des liens entre religieux et
laïcs est l'une des raisons qui contribuèrent à la dispari
tion finale du bouddhisme de l'Inde, tandis que le jaï
nisme, où ces liens étaient plus étroits, s'y est maintenu.
Ajoutons que :
«L'adhésion à la foi bouddhique n'oblige aucune
ment l'adepte à rejeter les croyances ancestrales et à
répudier les pratiques religieuses en vigueur dans
son milieu.
Par l'un de ces compromis dont l'Jnde
fournit tant d'exemples, chacun est autorisé à véné
rer, outre le Triple Joyau 1, les divinités de sa contrée,
de sa caste ou de son choix et à leur rendre un culte
approprié.
»
id., p.
75
« Il n'en demeure pas moins ·que l'upâsaka (le laïc)
dont l'instruction religieuse laisse souvent à désirer,
s'affranchira rarement du milieu populaire où il
plonge ses racines et établira une sorte de compromis
entre le Dharma bouddhique et les superstitions du
paganisme.
Ce fut la cause principale_ de la résorp
tion du bouddhisme dans l'hindouisme ambiant.»
id., p.
76
Un dernier trait complétera le tableau :
« Il semble qu'à l'origine Sakyamuni et les grands
disciples se soient gardés de révéler aux upâsaka
(laïcs) la totalité de la Loi bouddhique; ou tout au·
moins ce n'est qu'aux bhikshus (religieux) qu'ils la
prêchèrent de "leur mieux".
»
id., p.
83 2
1.
Triple Joyau (Triratna): les trois «trésors» en lesquels
l'adepte prend «refuge»: le Bouddha, le Dharma (la Loi), le San
gha (la communauté monastique au sens restreint; celle-ci augmen
tée des adeptes laïcs et «retraitants occasionnels», au sens large).
2.
Il y a là comme une indication ·sur ce que l'enseignement de
Ce dont se plaindront certains laïcs qui, recevant
tout à coup une prédication plus approfondie, inhabi
tuelle pour eux, s'apercevront qu'on les avait quelque
peu «négligés».
Mais il faut reconnaître que la différence même qui
existait entre religieux et laïcs ne faisait que traduire
une sorte d'accord évident : aux uns, les religieux, la
quête de la sainteté (arhat), aux autres, les laïcs, la
quête d'une renaissance meilleure, paradisiaque, à
quoi souvent se bornait le souhait du laïc qui, même
s'il concevait intellectuellement la valeur et la néces
sité du nirvâna, n'était ni prêt ni pressé, ni capable
de par la vie active et responsable qu'il menait, d'y
consacrer tous ses efforts.
De la nature de l'ésotérisme
dans le bouddhisme
Si l'on admet qu'un enseignement public qui
s'adresse à tout le monde et est mis à la portée de tout
le monde doit être qualifié d'exotérique, il est clair
que les Sermons prêchés par Bouddha à tous ceux qui
viennent les écouter, sont, comme ceux du Christ,
un modèle d'enseignement exotérique.
Les uns et les
autres d'ailleurs comme frappés du sceau de l'ur
gence: la libération du mal-être (du!ikha) pour Boud
dha, les temps messianiques pour le Christ.
Point de place dans un tel enseignement à la portée
de tous pour un quelconque ésotérisme, sauf à distin....
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