Le phénomène de forte croissance apparu après la Seconde Guerre mondiale dans les PDEM doit-il être considéré comme une parenthèse...
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Le phénomène de forte croissance apparu après la Seconde Guerre
mondiale dans les PDEM doit-il être considéré comme une parenthèse
dans l'histoire économique?
INTRODUCTION
Ill Accroche du sujet
Jean Fourastié baptise les années qui suivent la Seconde Guerre mondiale
de «Trente Glorieuses».
Cette expression s'applique à la France qui connaît
des taux de croissance annuels moyens de 5 % pendant cette période.
Elle est
maintenant utilisée pour caractériser la croissance de l'ensemble des PDEM.
Cette croissance se ralentit pendant les années soixante-dix.
Le taux de crois
sance annuel moyen est divisé par deux, retrouvant ainsi le rythme de crois
sance qui était celui des PDEM avant la Seconde Guerre mondiale.
Les Trente
Glorieuses apparaîtraient alors comme une sorte d'âge d'or, de lieu de
mémoire, de référence mythique.
Il Définitions et problématique
Pourtant, malgré leur ralentissement, la permanence de taux de croissance
positifs, appliqués à de fortes valeurs absolues des PIB, confirme le maintien,
après la crise des années soixante-dj.x, du régime de Croissance Économique
Moderne, défini par S.
Kuznets comme: « la capacité d'offrir à la population une
gamme sans cesse élargie de biens économiques».
Le caractère durable de la
croissance n'est donc pas remis en cause.
Cependant, son ralentissement, dans
les PDEM, semble légitimer la thèse selon laquelle la croissance des «Trente
Glorieuses» n'aurait été qu'une parenthèse, qu'une «exception» historique.
Annonce du plan
1
La thèse de l'exception s'appuie sur de nombreux arguments (I).
Cependant, l'histoire économique invite à la nuancer et à limiter la portée
d'une telle argumentation (II).
PARTIE I
L'expression les «Trente Glorieuses» se justifie par l'analyse des principales
variables économiques (A) dont l'évolution exceptionnelle peut être expliquée
selon des grilles différentes qui insistent néanmoins toutes sur le rôle déter
minant du progrès technique (B), ainsi que par un concours de circonstances
unique depuis la Première Révolution industrielle (C).
ri A.
Les « Trente Glorieuses» : une période de croissance exceptionnelle.
D'après les calculs d' A.
Maddison, le revenu par tête des PDEM connaît
une accélération forte de 1950 à 1973.
Le taux de croissance annuel moyen de
cet indicateur passe de+ 1,2 % entre 1913 et 1950 pour les pays de l'OCDE, à
+ 3,8 %, de 1950 à 1973, et+ 2,1 % de 1973 à 1990.
L'augmentation pendant les
« Trente Glorieuses» est particulièrement forte pour la France, l'Allemagne, et
le Japon.
Par rapport à la période 1913-1950, les taux de croissance gagnent
3 points en France et en Allemagne, 7 points au Japon.
Cette accélération de la croissance résulte d'une inflexion, à la hausse, de
la croissance des gains de productivité, notamment de la productivité du
travail.
J.
Fourastié, observant les changements intervenus dans un petit
village du Quercy, constate l'ampleur de ces gains.
Ainsi, de 1946 à 1975, la
productivité du travail agricole, dans ce village, aurait été multipliée par 12.
Ces gains de productivité bénéficient à l'ensemble de la population des PDEM
qui accède à une consommation de masse mesurée, entre autres indicateurs,
par le taux d'équipement des ménages en biens durables.
La croissance des
classes moyennes crée ainsi les conditions d'une extension des marchés
internes des PDEM et celles d'une accumulation des actifs, en particulier une
accumulation des capitaux humains avec l'essor des taux de scolarisation.
Cette croissance se remarque aussi quand on observe les chiffres du
commerce international de marchandises qui connaît un «âge d'or» pendant
les années soixante.
L'ouverture des économies des PDEM apparaît cependant
progressive et, jusqu'aux années soixante-dix, s'analyse surtout comme un
rattrapage par rapport à l'ouverture du début du xxe siècle.
Quand on aura
ajouté que cette croissance se fait avec un presque plein emploi, il est compréhensible que le caractère exceptionnel de la période ait été si souvent souligné,
sans toujours être clairement expliqué.
lll'!! B.
Les différentes analyses théoriques soulignent le rôle fondamental du progrès
technique.
Le renouvellement des analyses néoclassiques et les études empiriques
mettent l'accent, sans toutefois pouvoir expliquer son origine, sur le progrès
technique.
L'hypothèse des rendements décroissants semblait confirmée par la
crise des années trente.
La reprise, et l'accélération, de la croissance, après la
Seconde Guerre mondiale, imposent un changement d'hypothèses.
Sans
modifier l'axiomatique néoclassique, R.
Solow, en 1956, met en valeur un
«troisième» facteur de production, le progrès technique.
Les tests empiriques
et les travaux de Carré, Dubois et Malinvaud sur la croissance française
révèlent l'importance décisive de ce facteur dans le processus de croissance.
Il
expliquerait environ la moitié de la croissance pour les PDEM.
La parenthèse
des Trente Glorieuses pourrait s'expliquer comme un vaste processus de rattrapage technologique et organisationnel, notamment pour l'Europe et pour le
Japon, par rapport aux États-Unis.
Le progrès technique ne serait pas « tombé
du ciel» mais aurait été largement importé.
Une fois la «frontière technologique» atteinte, à la fin des années soixante-dix, le rythme de croissance se
ralentit, les innovations fondamentales devenant beaucoup plus coûteuses.
Dès la fin des années soixante, les économistes de l'école de la régulation
proposent une synthèse qui tente d'expliquer la croissance et son caractère
exceptionnel\!our R.
Boyer et Y.
Saillard (Théorie de la régulation, 1995), la
croissance «fordiste» des années soixante repose sur un «régime d'accumulation intensif» associé à une «régulation monopolistique»] Les gains de
productivité élevés s'expliquent par les transformations de l'organisation du
travail, la diffusion de l'OST et l'effort d'investissement.
L'instauration d'un
nouveau rapport salarial - acceptation par les salariés de nouvelles conditions
de travail en échange d'une progression des salaires directs et indirects - et la
montée de l'État-providence
financement d'investissements publics,
développement des consommations collectives - permettent un cercle
vertueux de croissance.
Au niveau international, le nouvel ordre économique
(taux de changes fixes, libéralisation des échanges de biens, contrôle des
mouvements internationaux de capitaux) favorise la mise en place d'un
environnement favorable à la croissance.
Enfin, il est possible de revenir aux économistes classiques et, en particulier, à A.
Smith (1723-1790).
Dans cette perspective, le processus de concurrence, l'accumulation du capital et l'extension des marchés connaissent une
phase d'accélération pendant la période qui suit la Seconde Guerre mondiale.
Les externalités négatives, résultant de la concurrence et de l'accumulation du
capital, sont limitées, car des stratégies nouvelles de coopération et de coordination se développent tant sur le plan national que dans le domaine international.
Cette nouvelle «organisation» de la croissance n'est pas incompatible avec
l'existence de trajectoires nationales différentes.
C.
C'est cette «organisation» de la croissance qui constitue un événement
unique dans l'histoire économique des PDEM depuis la Première Révolution
industrielle.
Désireux d'éviter les crises et la montée du chômage, influencés
par la «révolution keynésienne», les hommes politiques mettent en œuvre des
politiques de régulation conjoncturelle en agissant sur la demande et
cherchent à mieux répartir les fruits de la croissance par des politiques de
redistribution des revenus.
La rationalisation del' élaboration, du recueil et de
l'utilisation des données statistiques, la mise en place de comptabilités nationales rendent plus efficaces les politiques économiques.
L'arrivée au pouvoir
d'élites plus et mieux formées à l'analyse économique modifie les représentations mentales.
La croissance et l'emploi deviennent des objectifs prioritaires.
Cependant, la période des Trente Glorieuses a ceci d'exceptionnel qu'elle
autorise des modèles de croissance et de développement différents : modèle
impulsé par l'État et s'appuyant sur une «monnaie faible» en France,
démocratie libérale de marché donnant la priorité à une «monnaie forte» en
Allemagne, alliance entre l'État et les grandes entreprises par l'intermédiaire
du MITI au Japon, rôle du marché et des actionnaires aux États-Unis.
Toute
une variété de capitalismes se développe pendant les Trente Glorieuses
capitalisme étatique, capitalisme «rhénan», capitalisme anglo-saxon.
PARTIE
2
Cependant, cette croissance s'inscrit aussi dans des tendances de long terme
(A).
Mieux que de parenthèses ou d'exception, il faut alors parler de mutations
(B) qui annoncent les principaux défis auxquels sont confrontés actuellement
les principaux acteurs économiques (C).
A.
Dans une perspective de long terme, l'expression « Trente Glorieuses» doit être
relativisée.
Certains pays ne connaissent pas une croissance exceptionnelle.
C'est, en
particulier, le cas des États-Unis et de la Grande-Bretagne.
Par rapport à l'entre-
deux-guerres, la croissance de l'économie dominante, les États-Unis, n'enregistre qu'une faible accélération.
L'augmentation moyenne du revenu par tête
n'est que de+ 0,5 point.
De 1950 à 1962, le taux de croissance annuel moyen du
PIB en Grande-Bretagne est deux fois plus faible que celui de la France : respectivement 2,7% et 4,8%.
De plus, la reconstruction, après 1945, joue un rôle
déterminant même si, dans certains pays comme la France, la rapidité de la
croissance se poursuit au-delà des années soixante.
La période qui suit la
Première Guerre mondiale est aussi une période de croissance rapide.
L'étude de l'évolution de certains indicateurs économiques, de 1896 à 1913,
ou de 1921 à 1928, tempère l'idée de parenthèse.
Les PDEM avaient déjà connu
des périodes de croissance exceptionnelle, notamment des périodes où l'....
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