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Le sens du> « Le Nez» apparaît comme la nouvelle la plus déconcer­ tante, voire la plus énigmatique, de Gogol....

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« Le sens du> « Le Nez» apparaît comme la nouvelle la plus déconcer­ tante, voire la plus énigmatique, de Gogol.

En effet, cette illustration exemplaire du procédé de l'absurde1 a-t-elle un sens? En fait, ce n'est pas un seul sens que cette nou­ velle aurait, mais plusieurs, si l'on en croit les interpréta­ tions multiples qu'elle a suscitées. Comme toutes les Nouvelles de Pétersbourg, « Le Nez» , est susceptible d'une lecture sociologique2.

En effet, l'his­ toire de Kovaliov est située, ancrée dans la réalité péters­ bourgeoise contemporaine à Gogol. « Le Nez» est également au centre de lectures psycha­ nalytiques qui ont fait des Nouvelles de Pétersbourg des confessions de Gogol sur sa sexualité3. Mais, de manière plus spécifique, « Le Nez» peut être encore lu de trois façons : comme un jeu littéraire, comme une satire de la trivialité et comme une prédiction de !'Apocalypse. « LE NEZ», JEU LITTÉRAIRE Le lecteur peut, bien évidemment, suivre l'interprétation purement littéraire que Gogol narrateur attribue lui-même à sa nouvelle.

À la fin du récit, le narrateur rappelle les détails «inconcevables» de l'aventure de Kovaliov, c'est-à­ dire la « disparition, vraiment surnaturelle, du nez», sa « réapparition [ ...

] sous forme de conseiller d'État», la démarche de Kovaliov auprès des journaux et, dès le début, la découverte de l'organe «dans un pain frais».

11 en déduit ceci : « Non, cela ne tient pas debout, je ne le 1.

Voir le chapitre 11. 2.

Voir le chapitre 4. 3.

Voir le chapitre 19. comprends absolument pas ...

Mais, ce qu'il y a de plus étrange, de plus extraordinaire, c'est qu'un auteur puisse choisir de pareils sujets ...

» (p.

232-233.) Deux répliques de personnages annoncent cette explication de la nouvelle comme un jeu de l'auteur.

En effet, l'employé du bureau des annonces et un « monsieur» de la société bien-pensante qualifient l'histoire de Kovaliov d'un même mot« sornette» (p.

216 et 229).

On peut aussi supposer que la dernière réaction de l'employé, conseillant la publication de l'histoire par un « habile écrivain » annonce ce que dira Gogol de l'étrangeté de son « sujet». L'employé s'écrie: « Mieux vaudrait soumettre le cas à un habile écrivain : il le présentera comme un jeu bizarre de la nature[...]» (p.

217). Plus habile encore, cependant, Gogol présente l'aventure, non comme un jeu de la nature, mais comme un jeu d'écrivain.

Le tout dernier paragraphe, par son style heurté, ne fait que confirmer, au moyen de l'absurde, le jeu que Gogol propose au lecteur : « Et cependant, malgré tout, bien que, certes, on puisse admettre et ceci, et cela, et encore autre chose, peut-être même.-~ et puis enfin quoi, où n'y a-t-il pas d'incohérences? [ ...

] des aventures comme cela arrivent en ce monde, c'est rare, mais cela arrive» (p.

233). Gogol, semble+il, se joue du lecteur, comme il s'est joué de la logique du récit ! Selon des commentateurs comme Vladimir Nabokov, le motif nasal lui-même serait un « procédé littéraire dans lequel entre un humour pesant de carnaval (en général) et les plaisanteries russes concernant le nez (en particulier1) ». Nabokov ne fait qu'une « concession aux freudiens» : « Le nez en tant que nez» était « un élément comique (comme dans l'esprit de tous les Russes) [ ...

], quelque chose de singulièrement et grotesquement masculin».'' Gogol se serait donc amusé avec un motif comique répandu en Russie. Pour Georges Nivat, on peut voir certes dans « Le Nez», une signification sexuelle.

Mais celle-ci resterait très générale, 1.

V.

Nabokov, Nika/aï Gogol, coll.

« 10 / 18 », Gallimard, Paris, 1971, p.

14-15. donc ne serait pas spécialement applicable à la vie de Gogol.

Il penche, lui aussi du côté d'une lecture du « Nez» comme jeu.

En effet, autour de Gogol, « la nasologie était un thème journalistique à la mode» (p.

25). « LE NEZ», SATIRE DE LA TRIVIALITÉ (POCHLOST 1) Avant d'être publié par Le Contemporain, revue dirigée par Pouchkine, « Le Nez» fut refusé par le comité de rédac­ tion de L'Observateur moscovite comme « sale et trivial». Sans jugement de valeur, Georges Nivat définit aussi « Le Nez» comme « une greffe d'absurde sur du trivial» (p.

26).

Il précise d'ailleurs que « les héros du récit appar­ tiennent au type trivial, non au type romantique» (p.

27). · Déjà, en effet, si « Le Nez» exploite le thème roman­ tique du dédoublement, c'est sous une forme dégradée, triviale.

Aucun écrivain romantique n'avait imaginé un appendice nasal se détachant de son propriétaire et se métamorphosant en haut fonctionnaire !.... »

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