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Le symbolisme de l'espace Au x11° siècle, la notion de réalisme géographique n'existe pas. Aussi les hypothèses modernes, qui tentent...

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« Le symbolisme de l'espace Au x11° siècle, la notion de réalisme géographique n'existe pas.

Aussi les hypothèses modernes, qui tentent de donner au Chevalier de la charrette une localisation précise1, n'enri­ chissent guère la signification littéraire du récit.

La toponymie utilisée par Chrétien de Troyes ne vise pas à mettre en valeur des régions particulières: c'est un procédé littéraire, lié au motif de l'errance chevaleresque.

L'auteur recourt souvent à des périphrases (Pont de L'Épée, Pont sous l'Eau ...) qui estompent tout effet de couleur locale au profit des signifi­ cations symboliques de l'espace romanesque.

Celui-ci s'orga­ nise autour des trois éléments essentiels que sont la végétation, la pierre et l'eau. L'ESPACE VÉGÉTAL La forêt L'omniprésence de la forêt dans les romans du Moyen Age s'explique d'abord par un fait de civilisation: la forêt est une réalité quotidienne, contre laquelle l'homme médiéval doit lutter, à force de défrichements, pour assurer son espace vital.

Mais elle apparaît surtout comme le symbole du désordre primitif, qui s'oppose à l'ordre social de la cour ou de la ville.

Monde sauvage, elle s'offre comme l'antithèse de la vie civilisée.

C'est dans la forêt (v.

300) que Méléagant, incarnation du mal, emmène la reine Guenièvre, arrachée à la cour d'Arthur. 1.

On a pu voir en «Gorre » une déformation de «Verre » : un rap­ prochement étymologique avec l'anglais«glass» permettrait de situer ce royaume autour de Glastonbury, dans le Somerset, et de lui don­ ner pour capitale la ville de Bath, déduite du nom de« Bade» (v.

6235). Peuplée de nains maléfiques (v.

347), la forêt est le lieu de l'épreuve, où le héros est appelé à se surpasser.

Lancelot y affronte des qdversaires gonflés d'orgueil (v.

1594) et sourds aux lois de la société.

Contre ces êtres remplis de démesure, le chevalier, protecteur des faibles, assure la défense des femmes (v.

1602-1605).

La forêt favorise donc les rencontres avec l'ennemi, mais non les combats, qui nécessitent une vaste étendue. Lalande Les combats se déroulent dans la lande, comme celle où Lancelot est invité à suivre lè chevalier orgueilleux qui lui dispute la possession d'une jeune fille (v.

1614-1615).

Dans le dernier affrontement entre Lancelot et Méléagant, la lande revêt une signification symbolique.

Cet ultime combat, où le bien l'emporte sur le mal, se déroule dans un décor sacralisé, dont la végétation rappelle les temps bibliques : Dans cette lande était un sycomore, qui ne pouvait être plus beau. Il tenait une large place, environné tout en bordure d'un tapis d'herbe fraîche et belle, qui en toute saison était nouvelle. Au pied du noble sycomore qui remontait au temps d'Abel, jaillissait une source claire. (v.

6983-6991 ). La présence de l'arbre de vie, et le rappel du meurtre d'Abel par Caïn 1, accentuent la solennité de ce duel: le sang versé apparaît comme une condition nécessaire au salut de l'humanité.

L'eau et la végétation évoquent le paradis retrouvé, l'immortalité des âmes après le sacrifice des corps. La forêt et la lande fonctionnent donc pour le chevalier comme une invitation à s'arracher au cadre rassurant de la 1.

Dans le livre de la Genèse (Il et IV), l'arbre de vie, que Dieu plante au milieu du paradis, symbolise !'.immortalité; il s'oppose à l'arbre de la connaissance, dont Adam et Eve mangent le fruit défendu et qui symbolise le péché.

Fils d'Adam et Eve, Caïn tue son frère Abel, dont il est jaloux: son crime est le premier de l'humanité. société.

A leur lisière, les prairies l'exposent à des épreuves moins violentes, mais tout aussi dangereuses. La prairie L'.euphorie végétale qui s'observe dans les prés symbolise le paradis terrestre, mais offre des tentations dangereuses pour le héros.

Dans la prairie où il découvre le peigne de Guenièvre (v.

1347), Lancelot s'abandonne à « toutes les joies» (v.

1466ret en oublie la réalité extérieure.

Cette perte de la conscience risque de détourner le chevalier de sa mission.

Le danger apparaît lorsque Lancelot rencontre, dans une autre prairie (v.

1634), une assemblée de chevaliers et de jeunes filles en train de se divertir et de danser « dans l'insouciance» (v_ 1645).

Chrétien de Troyes exploite ici un motif folklorique: la ronde magique, où le héros risque d'être entraîné sans pouvoir en ressortir, prisonnier d'un monde enchanté qui lui fait perdre la mémoire et oublier la quête de sa dame.

Mais Lancelot n'est pas admis dans le cercle des joueurs.

D'ailleurs, il se réserve pour le jeu de l'amour courtois, qui nécessite un espace protégé, réservé : le verger. Le verger A l'inverse de la forêt sauvage, de la lande et de la vaste prairie, le verger est une création de l'homme, aménagée pour son agrément, et un lieu clos, garant du secret.

Au monde de la violence et de l'étrange, s'oppose ainsi le monde du sentiment amoureux.

Car le verger, dans la tradition médiévale, offre un cadre idyllique à l'expression de l'amour courtois.

Aussi Chrétien a-t-il choisi ce décor conventionnel pour le rendez-vous nocturne de Lancelot et de Guenièvre.

Avant d'atteindre la fenêtre de la chambre où repose la reine, le héros doit traverser un verger.

Il n'y fait« aucune rencontre» (v.

4570).

Nul obstacle ne s'oppose au bonheur des amants: le verger favorise leur intimité.

Le hasard a participé à l'agencement du décor, par une brèche opportune dans le mur du jardin : Lancelot « s'introduit» par cette brèche (v.

4575) et. arrive au pied de la fenêtre indiquée.

Ce passage par la brèche participe déjà du symbolisme minéral. L'ESPACE MINÉRAL La prison Lancelot a pour mission de libérer les captifs retenus dans le royaume de Gorre, « dont ne revient nul étranger» (v.

641) ; à leur exil répond, dans le récit, toute une série de prisons matérielles, qui répètent à l'envi le motif de l'enfermement. Les châteaux, d'abord, peuvent se transformer en pièges. Certes, ils reflètent la réalité médiévale dans la mesure où ils constituent des étapes nécessaires pour le voyageur en quête de gîte à la tombée du jour.

Mais Lancelot, pressé par l'urgence de sa mission, ressent ces étapes comme autant de retards et de séjours forcés.

Ainsi il se repent d'avoir « tant tardé» chez une demoiselle qui le retient (v.

1111 ), ou bien hésite à accepter d'être hébergé avant la fin du jour· [.

..

] Il est hors de question de prendre à cette heure-ci un gîte pour la nuit! C'est une lâcheté que de traîner en route ou de chercher le repos et le confort quand l'entreprise est grande (v. 2266-2270). De fait, cette étape - qu'il finit par accepter - se traduit par une atteinte à sa liberté : les portes du château se referment sur son passage, emprisonnant Lancelot et ses compagnons. Le héros connaît aussi de réelles captivités.

Il est gardé de force chez un sénéchal de Méléagant (v.

5428), puis enfermé dans une tour aux « murs épais » (v.

6129) dont on a condamné toutes les portes (v.

6133).

Emmuré vivant, Lancelot connaît, métaphoriquement.

l'expérience de la.... »

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