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Le temps _--Comme l'unité de lieu, l'unité de temps '��t radicale­ ment contestée dans le drame romantique. Hugo tourne en...

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« Le temps _--Comme l'unité de lieu, l'unité de temps '��t radicale­ ment contestée dans le drame romantique.

Hugo tourne en dérision la règlè- classique qui voulait que l'action de la pièce s'accomplît dans la limite de vingt-quatre heures.

Il est aisé, en effet, de démontrer l'invraisemblance d'une li­ mite aussi étroite: dans Le Cid, de Corneille, Rodrigue se bat en duel contre le père de Chimène, puis contre l'ar­ mée maure, en 'une seule fournée, Beaumarchais; en don­ nant comme sous-titre au· Mariage de Figaro « La Folle· Journée» se moque lui aussi, implicitement, de cette convention.

Dans le drame romantique, l'action se.déroule sur·.,une longueur de temps plus ,conforme aux conditions de la vie rée[le.

Examinons pour commenéer la chronolo- • gie interne de nos trois pièces, puis voyons quelle in­ fluenc·e le passé et l'avenir ex�rcent sur le présent du, drame.

Enfin, nous analyserons la manière·· dont Musset_ oppose, dans Lorenzaccio, la jeunesse et la vieillesse. LA CHRONOLOGIE �INTERNE DES'-PIÈCES On peut remarquer, en premier lieu, que Hugo étale ses drames dans le temps, beaucoup plus que ne le fait Musset. Il y a un curieux rapport de symétrie inverse par rapport à l'espace: cornme nous l'avons vu au chapitre précédent, Hugo limitait l'éclatement du lieu dramatique dans_/jemam comme dans Ruy Blas, alors que Musset, au contraire, multipliait à l'êxtrêmê les différents Îieux dans Lorènzacéio. En ce qui concerne le temps, le contraste est aussi clair: les deux drames hugoliens s'étalent sur une demi-année chacun, alors que dans le chef-d'œuvre de Musset, l'action est resserrée sur une période d'une semaine_ et demie en­ viron.

Son drame se concentre autour d'une crise décisive: Lorenz�ccio nous fait vivre, essentiellement, la semaine qui précède i'assassinat du duc, et la journée qui suit c-0 meurtre. La durée hugolienne : une nécessité psychologique Victor Hugo, nous l'avons dit, donne une durée de six à sept mois au déroulement de l'action dans chacun de ces drames: Hernani commence en février 1519, pour s'achever, avec la mort des amants, en août de la même année; Ruy Blas se déroule précisément entre le 28 mai et le 30 décembre 1698. ·..1 Cette durée, relativement longue, est en fait une nécessité psychologique, surtout dans Ruy Blas.

En effet, tout le drame porte sur la vengeance diabolique de don Salluste. Or celle-ci consiste en un plan qui demande du temps: il faut que Ruy Blas, sous sa fausse identité, séduise la reine.

li n'aurait pu y parvenir sans gagner l'admiration de celle-ci en montant jusqu'aux plus hauts degrés de l'État et en y exerçant les fonctions de premier ministre de fait, ce qui lui donne l'occasion de mettre en œuvre ses grands idéaux réformateurs pour l'Espagne, comme nous le voyons à la scène 2 de l'acte Ill.

Cette ascension fulgurante exige tout de même plusieurs mois: six exactement. C'est le laps de temps qui s'écoule entre la fin de l'acte Il et le début de l'acte Ill.

Nous avons là l'équivalent théâtral de ce que l'on appelle, pour le roman, une ellipse, à savoir: une période de temps qui est « sautée » par le récit.

Durant ces six mois, Ruy Blas, sous le masque de don César, a gravi les échelons du pouvoir, grâce à la protection de la reine.

On voit donc comment Hugo met la durée dramatique au service de la vraisemblance, psychologique. Les invraisemblances chronologiques d'é Musset A l'inverse.

la chronologie interne de Lorenzaccio, comme beaucoup de critiques l'ont relevé, contient des invraisemblances, voire des impossibilités.

Par exemple, Lorenzo s'enfuit à Venise immédiatement après avoir assassiné le duc.

Or, à peine arrivé chez Philippe Strozzi, lui aussi réfugié à Venise, un domestique leur apporte la proclamation de la mort d'Alexandre (V, 2), alors que celle-ci n'a été apprise que le lendemain fort tard, comme nous l'apprend la scène précédente (V.

1).

De la même manière, Musset se rriontre assez indifférent à la vérité historique: la mort du yrai Lorenzo, dans l'histoire, ne survint que dix ans après celle d'Alexandre de Médicis, alors qu'elle se produit le lendemain dans la pièce. Musset comprime la durée, il fait se télescoper les temps et joue, comme dans l'acte IV, sur des effets de si­ multanéité.

Ce parti pris s'explique par son intention artis­ tique: en écrivant Lorenzaccio, il ne cherche point à faire 'œuvre d'historien.

Son objectif est plutôt de représenter, à partir d'une matière première tirée de l'histoire floren­ tine, un drame intemporel de la nature humaine: le combat , entre le vice et la pureté, les contradictions inhérente§ au cœur humain, l'hésitation entre le mépris et l'amour des hommes.

Dès lors, les ;nvraisemblances chronologiques de la pièce ne s'opposent pas à son intention profonde, elles la servent 'plutôt, en reléguant la vraisemblance historique au second plan.

Le lecteur, ou le spectateur, comprend ainsi, subtilement, que le sens profond de L"orenzaccio ne réside pas dans les événements, mais · dans le cœur des personnages. LE POIDS DU PASSÉ Dans -là tragédie classique, on observe que le poids du­ passé est énorme: tout le présent tragique èst « hanté » par le souvenir d'événements atroces (la destruction de Troie dâns Andromaque) ou bien par le sortilège d'une an­ cienne malédiction '(la colère de Vénus dans Phèdre).

Dans le drarrie romantique, le passé.

ne joue pas" un rôle aussi important: on pourrait dire que la temporalité_ du drame se situ� plutôt dans l'intensité du présent. '"' Dans Hernani et Ruy Blas ... . ' foutefois, certains événements passés sont détermi­ nants pour l'action de ces drames: dans Hernani, c'est le conflit des pères, celui de don Carlos et celui d'Hernani, qui explique la haine entre les fils.

Dans Ruy Blas, la haine_ de don Salluste pour la reine s'explique par un incident qui survient peu de temps avant le début de la pièce: la séducti6h, par don Salluste, d'une servante de celle-ci, ce qui entraîne la colère de la reine; laquelle condamne le sinistre personnage à l'exil. Dans une perspective plus large, on peut dire que c'est tout le passé collectif de l'Empire espagnol qui pèse sur le présent de Ruy Blas.

Hugo, comme.il l'explique dans la Préface de ce drame, veut peindre une société décadente, ,. corrompue par sa richesse et sa puissance, un monde à son crépuscule en cette fin du xv11 6 siècle.

Il est très symbolique, en ce sens, que le dernier acte de,.la pièce se situe un 30 décembre, à la fin de l'année.

La période glorieuse de l'Espagne s'achève, comme cette année qui atteint son terme. Dans Lorenzaccio Les événements historiques récents e?(pliquent également l'action de Lorenzaccio: nous apprenons, dès la.

seconde scène du premier acte, que l'empereur allemançl et le pape se sont entendus pour imposer à la tête de Florence « un butor que le ciel avait fait pour être garçon boucher ou valet de charrue», à savoir Alexandre de Médicis.

L'opposition à ce dernier, chez les républicains florentins, s'inspire à la fois d'un désir de liberté politique et d'indépendance par rapport aux puissances étrangères. On sent, chez des républicains idéalistes comme Philippe Strozzi,.

la nostalgie d'une société républicaine que la ty.rannie a détruite.

Mais Lorenzo fait peu de cas de cette nostalgie de la république florentine, dont le vieux Strozzi idéalise le souven],r en le mêlant à celui de !'Antiquité romaine: pour Lorenzo, cet « âge d'or» n'a jamais existé. Les hommes ont toujours été les mêmes: lâches, décevants, corruptibles, et ils le demeureront, même après la mort du tyran actuel.

Comme le dit Lorenzo désabusé à Philippe Strozzi: « Les hommes n'en profiteront pas plus qu'ils ne me comprendront:» (Ill, 3).

La fin de la pièce confirme cette sombre prédiction.

On peut donc dire que l'univers que nous présente Lorenzaccio est un présent qui ne fait que répéter indéfiniment les erreurs du passé, et qui se trouve par là même privé de perspectives d'avenir positives. UN MONDE SANS AVENIR? Étudions comme.nt l'avenir, dans les drames de Musset, apparaît fermé, et voyons si cette caractéristique tempo­ relle s'applique également aux drames hugoliens. Musset ou l'éternel retour Le théâtre de Musset nous plonge dans un univers pes­ simiste.··oans Lorenzaccio, ce pessimisme est extrême: le seul personnage lucide de la pièce, Lorenzo, est aussi le plus amer et le plus désespéré.

A ses yeux; la vie.... »

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