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Le tombeau du Commandeur Acte Ill, scène 5 CONTEXTE Après l'épisode campagnard mouvementé de l'acte II, Don Juan a dû...

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« Le tombeau du Commandeur Acte Ill, scène 5 CONTEXTE Après l'épisode campagnard mouvementé de l'acte II, Don Juan a dû fuir pour échapper à la poursuite d'hommes armés.

Il a ensuite rencontré un anachorète qu'il a vainement défié, puis il a volé au secours d'un homme attaqué par trois voleurs, lequel se trouva être le frère d'Elvire parti à sa poursuite. Don Juan vient seulement de confirmer à Sganarelle sa lassi­ tude à l'égard de Done Elvire; en conséquence, la double mena­ ce qui pèse sur Don Juan (le Ciel et les frères de Done Elvire) reste entière. Tout à fait fortuitement, Don Juan et son valet, au cours de leurs errances dans les bois, arrivent devant le somptueux tom­ beau du Commandeur.

Il s'agit d'un homme tué par Don Juan dans des circonstances que nous ignorons. TEXTE SGANAREllE: Cela n'est pas civil, d'aller voir un hom­ me que vous avez tué. DON JUAN: Au contraire, c'est une visite dont je lui veux fa.ire civilité, et qu'il doit recevoir de bonne grâce, 5 s'il est galant homme.

Allons, entrons dedans. Le tombeau s'ouvre, où l'on voit un superbe mausolée et la statue du Commandeur. 10 SGANARELLE: Ah! que cela est beau! Les belles sta­ tues! le beau marbre! les beaux piliers! Ah! que cela est beau! Qu'en dites-vous, Monsieur? 15 DON JUAN: Qu'on ne peut voir aller plus loin l'ambi­ tion d'un homme mort; et ce que je trouve admirable, c'est qu'un homme qui s'est passé, durant sa vie, d'une assez simple demeure, en veuille avoir une si magnifique pour quand il n'en a plus que faire. SGANARELLE: Voici la statue du Commandeur. DON JUAN: Parbleu! le voilà bon, avec son habit d'em­ pereur romain! 20 25 SGANARELLE: Ma foi, Monsieur, voilà qui est bien fait. Il semble qu'il est en vie, et qu'il s'en va parler.

Il jette des regards sur nous qui me feraient peur, si j'étais tout seul, et je pense qu'il ne prend pas plaisir de nous voir. DON JUAN: Il aurait tort, et ce serait mal recevoir l'honneur que je lui fais.

Demande-lui s'il veut venir souper avec moi. SGANARELLE: crois. DON JUAN: C'est une chose dont il n'a pas besoin, je Demande-lui, te dis-je. SGANAREil.E: Vous moquez-vous? Ce serait être fou 30 que d'aller parler à une statue. DON JUAN: 35 Fais ce que je te dis. SGANARELLE: Quelle bizarrerie! Seigneur Comman­ deur ...

je ris de ma sottise, mais c'est mon maître qui me la fait faire.

Seigneur Commandeur, mon maître Don Juan vous demande si vous voulez lui faire l'hon­ neur de venir souper avec lui. La statue baisse la tête. Ha! DON JUAN: 4o parler? Qu'est-ce? qu•as-tu? D is donc, veux-tu SGANAREll.E fait le même signe que lui a fait la statue et baisse la tête: La statue ... DON JUAN: SGANAREll.E: 45 DON JUAN: parles. SGANAREll.E: DON JUAN: Eh bien, que veux-tu dire, traître? Je vous dis que la statue ... Eh bien! la statue? Je t'assomme, si tu ne La statue m'a fait signe. La peste le coquin! SGANARELLE: Elle m'a fait signe, vous dis-je: il n'est 50 rien de plus vrai.

Allez-vous-en lui parler vous-même, pour voir, peut-être ... DON JUAN: Viens, maraud, viens, je te veux bien faire toucher au doigt ta poltronnerie.

Prends garde.

Le sei­ gneur Commandeur voudrait-il venir souper avec moi? 55 La statue baisse encore la tête. SGANARELLE: Je ne voudrais pas en tenir dix pistoles. Eh bien! Monsieur? DON JUAN: SGANARELLE: 60 rien croire. Allons, sortons d'ici. Voilà de mes esprits forts, qui ne veulent MATÉRIAUX Civilisation ► Mausolée (1.

6): tombeau somptueux, du nom de celui de Mausole, un souve­ rain oriental. Le goût des tombeaux fastueux n'a pas entièrement disparu mais on tend quand même à être plus discret qu'autrefois.

Il est probable qu'en se moquant de la mégalomanie du Commandeur en ce domaine, Molière faisait allusion à un thème qui se rencontrait dans les conversations. Langue ► Cela n'est pas civil (1.

1) : cela n'est pas conforme aux usages, cela n'est pas correct. Le mot «civilité» était employé pour ce que nous appelons aujourd'hui la politesse.

Il tendait à remplacer à l'époque le mot «courtoisie». ► Galant homme (1.

5): homme poli, connaissant les usages.

Le mot pouvait avoir des connotations sexuelles (on appelait Henri IV, qui fut un grand trous­ seur de jupons, «le vert galant»).

Mais ce n'est pas le cas ici, même si l'activi­ té principale de Don Juan s'apparente à fa «galanterie». ► Le Commandeur (1.

7) était un militaire de haut rang récompensé pour ses services par un bien ecclésiastique (une propriété de l'Eglise d'où il pouvait ti­ rer des revenus).

Ce domaine alloué en récompense s'appelait une comman­ derie, d'où le nom du titulaire. ► Je ne voudrais pas en tenir dix pistoles (1.

56): parce qu'il est convaincu que fa statue viendra, Sganarelle dit qu'il ne parierait pas dix pistoles sur le contrai­ re. Comme le louis, la pistole est une monnaie française.

Ainsi que pour le pa­ tois des paysans, la fantaisie l'emporte sur le souci de cohérence. Technique théâtrale ► Les pièces à machines: à partir de fa fin de l'acte Ill (scène du tombeau), Dom Juan devient une pièce à machines.

Durant cette scène 5, les portes du tombeau se sont ouvertes d'elles-mêmes, et l'on peut imaginer mille jeux de lumière.

Un peu plus tard, la statue du Commandeur incline la tête.

Cette sta­ tue revient à la fin de l'acte IV.

Elle ne se contente plus alors de hocher la tête, mais se déplace et parle.

A la fin de l'acte V, c'est un spectre qui survient: se présentant d'abord comme une femme voilée, il se transforme ensuite pour de­ venir la statue du Temps armé de sa faux.

La statue du Commandeur, qui en est à sa troisième apparition, lui succède alors.

D'autres effets spéciaux sont obtenus quand le spectre s'envole ou quand la statue du Commandeur fou­ droie Don Juan. On désignait aussi par le nom de «machines» les moyens mécaniques ser­ vant à changer les décors; or la pièce ne compte pas moins de six décors: un par acte, mais deux à l'acte Ill (campagne et mausolée). Ces effets spectaculaires, dus à autre chose qu'au jeu des acteurs, étaient une innovation venue d'Italie.

Les Français avaient immédiatement apprécié ces «trucages» qui permettaient à un char de s'envoler ou à un Dieu de des­ cendre du Ciel.

"Trucages» que la tragédie classique s'interdisait évidem­ ment, mais que Molière n'hésite pas à utiliser (et que le mythe lui imposait presque). IDÉE DIRECTRICE ET MOUVEMENT DU TEXTE L'épisode relatif au tombeau du Commandeur que nous étu­ dions ici est tout entier compris dans cette fin de l'acte m.

Il se prolonge cependant durant quelques lignes au début de l'acte suivant. Sur le plan dramatique, cet épisode n'a rien à voir avec l'action principale, c'est-à-dire la question de savoir si Don Juan reviendra vers Done Elvire ou s'il s'y refusera.

Molière a cepen­ dant pris la peine de préparer l'arrivée de cet événement fortuit: dans la scène 2 de l'acte I, Sganarelle fait remarquer à Don Juan qu'il vaudrait mieux ne pas traîner dans les parages. • A Don Juan qui ignore ou feint d'ignorer la nature du monu­ ment, Sganarelle précise qu'il s'agit du mausolée que s'est fait construire ce Commandeur.

Dans une première phase qui va jus­ qu'à l'ouverture du tombeau (première intervention du surnatu­ rel), les deux hommes s'opposent sur l'opportunité de visiter les lieux. • Une fois sur place, Don Juan ironise sur le goût des splen­ deurs post mortem et, après avoir cassé les ailes à l'enthousias­ me de son valet, il lui demande d'inviter la statue.

Sganarelle rapporte ce qu'il a vu par un simple mouvement de tête (effet comique qui sera repris plus loin). • Dans une troisième et dernière phase, Don Juan, pour le convaincre, décide alors d'expérimenter par lui-même.

Rendu perplexe par ce qu'il a vu, il sort du tombeau sans rien dire. AXES D'EXPLICATION Don Juan cartésien Don Juan ne croit qu'aux démonstrations, fruits de la raison, comme Descartes dont le Discours de la méthode (1637) parai'"t une trentaine d'années avant la première de Dom Juan.

Ils esti- ment l'un et l'autre que nos sens nous trompent et qu'en matiè­ re de recherche de la vérité, il faut se limiter à cette aptitude à raisonner qu'utilisent les mathématiciens. Descartes avait souhaité que cette méthode rationnelle ne soit pas appliquée aux choses de la religion et de la politique, les­ quelles étaient très imbriquées à l'époque.

On peut s'interroger sur cette volonté de faire échapper ces domaines à r examen per­ sonnel pour s'en tenir au dogme.

Descartes était beaucoup plus prudent que Don Juan et avait pris pour devise: «J'avance mas­ qué» (Larvatus prodeo). Mais la doctrine de Descartes avàit son dynamisme propre et ses successeurs étendirent la méthode.... »

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