Le tragique entre fatalité et liberté Le héros tragique est-il victime du destin ? Ou, plus simplement, de lui-même ?...
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Le tragique
entre fatalité et liberté
Le héros tragique est-il victime du destin ? Ou, plus simplement,
de lui-même ? Le tragique oscille entre ces deux interrogations, en
privilégiant tantôt l'une, tantôt l'autre, mais souvent avec des
nuances infiniment subtiles.
LA FATALITÉ CONTRE LA LIBERTÉ
Quand la tragédie met l'accent sur la fatalité1, elle transforme le
héros en jouet du destin.
Les jeux sont faits d'avance, irrémédiable
ment.
Toute résistance est vaine, tout espoir de salut inexistant.
Le
héros ne peut que se lamenter sur son triste sort.
L'action se réduit
au minimum.
La tragédie devient une longue déploration.
Son
registre dominant est alors celui du pathétique2 : le spectateur est
convié à une émouvante cérémonie funèbre, qui voit la perte pro
grammée du héros.
Dans ce cas, la responsabilité du malheur incombe au destin, à sa
cruauté ou à ses motivations énigmatiques.
Pourquoi Œdipe est-il
voué au parricide et à l'inceste ? Il appartient certes à une famille
maudite3.
Mais cela justifie-t-il sa condamnation ? Pourquoi lui faut
if expier les crimes de ses ancêtres ? Le tragique réside alors dans
ces questions insolubles.
1.
Sur les diverses formes que peut prendre la fatalité.
voir le chapitre 7, p.
51 et
suivantes.
2.
Sur le registre pathétique, voir le chapitre 5, p.
35 et suivantes.
3.
Voir plus haut, p.
16.
- - -
~s
DE FATALITÉ SANS LIBERTÉ
Souvent, par ses erreur ou par ses tentations, le héros collabore
lui-même à la concrétisation de la fatalité.
Rien de ce qui lui arrive ne
se produit sans le vouloir des dieux ; mais rien de ce que veulent les
dieux n'arrive sans la participation du héros qui travaille, sans le
savoir, à sa propre perte.
Fatalité et liberté ne s'excluent donc pas.
La responsabilité humaine se trouve dès lors engagée.
C'est introduire l'action dans la tragédie, et passer du registre pathétique au
registre dramatique4.
,Même Œdipe, en effet, n'est pas sans responsabilité dans ses
malheurs.
Alors qu'un oracle lui a prédit qu'il épouserait sa mère, la
moindre des prudences voudrait qu'il n'épouse pas une femme
beaucoup plus âgée que lui.
Mais alors il ne deviendrait pas rois.
Or
Œdipe possède le goût du pouvoir.
Chez Racine, Phèdre a beau se dire la« proie» de Vénus, elle n'en
est pas moins partiellement libre.
Si elle ne peut s'empêcher d'aimer
Hippolyte, du moins pourrait-elle s'interdire de le rencontrer et de lui
faire l'aveu de sa passion.
Quitte à en mourir.
C'est d'ailleurs l'attitude qu'elle adopte au début de la pièce.
Par faiblesse, elle ne s'y
tiendra pas.
LA FATALITÉ COMME ALIBI
L'ÉCHEC DE LA LIBERTÉ
À
L'explication du malheur par la fatalité peut être aussi une forme
de mauvaise foi, un alibi pour dégager sa responsabilité.
Incapable
d'assumer ses échecs, le héros préfère les imputer aux dieux plutôt
qu'à lui-même, se poser en victime plutôt qu'en coupable.
Prenons le cas d'Oreste, dans Andromaque, parce que, de tous
les personnages raciniens, c'est sans doute celui auquel s'attache le
plus l'idée de fatalité.
Ne s'écrie-t-il pas en effet :
4.
Sur le registre dramatique, voir le chapitre 5, p.
37 et suivantes.
5.
Jocaste est reine de Thèbes.
En l'épousant, Œdipe devient roi.
Mais il ignore que cette
femme qui a l'âge d'être sa mère est vraiment sa mère.
Toutefois, l'oracle aurait dû le
rendre prudent.....
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