Le tragique est-il spécifique à la tragédie ? Il semble naturel qu'une tragédie soit tragique. Cela ne va pourtant pas...
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Le tragique est-il
spécifique à la tragédie ?
Il semble naturel qu'une tragédie soit tragique.
Cela ne va pourtant
pas de soi.
Tragédie et tragique sont en effet deux notions différentes.
Aussi leurs liens ne sont-ils pas automatiques.
Si de nombreuses tra
gédies sont tragiques, il existe aussi des tragédies sans tragique ; et
le tragique peut très bien exister en dehors de la tragédie.
TRAGÉDIE ET TRAGIQUE
DEUX NOTIONS DIFFÉRENTES
La tragédie est un genre littéraire, qui désigne un certain type
d'œuvres (théâtrales) mettant en scène des personnages puissants,
engagés dans un conflit politique, sentimental ou religieux.
Le tragique, quant à lui, est une interrogation de nature philoso
phique, portant, par exemple, sur les rapports de la fatalité et de la
liberté, sur la confrontation de l'homme et d'une transcendance
(Dieu, !'Histoire, une idéologie) ou sur la condition humaine.
Sans
qu'il soit toujours possible d'apporter à cette interrogation une
réponse claire ou une solution tranchée.
Les deux notions ne sont donc pas incompatibles.
A l'inverse,
elles ne sont pas inhérentes l'une à l'autre.
DES TRAGÉDIES SANS TRAGIQUE
Nombre de tragédies du xvne siècle se terminent « bien » : sur l'an
nonce d'un mariage ou sur une réconciliation générale, et sans qu'il
y ait de victimes.
Corneille s'est fait le spécialiste de ces tragédies dites à « fin heu
reuse ».
Le Cid s'achève sur l'annonce du mariage de Rodrigue et
Chimène, après que les lois de l'honneur les ont contraints à s'affronter.
Cinna retrace l'histoire d'une tentative d'assassinat de l'empereur Auguste.
Celui-ci est informé du complot qui se trame contre
lui...
et, contre toute attente, dans un effort inouï de générosité, il
pardonne à tous.
Nicomède s'achève sur une réconciliation générale
entre les membres de la famille du roi Prusias.
Toute tragédie n'est donc pas une course à la catastrophe, ni ne
provoque nécessairement de victimes.
«
Ce n'est point une néces-
sité qu'il y ait des morts dans une tragédie
»,
écrit Racine dans la
Préface de Bérénice.
Au reste, même la mort du héros ne peut automatiquement s'interpréter comme une issue funeste et tragique.
Dans la pièce qui porte son nom, Polyeucte meurt en martyr chrétien.
Mais son supplice sera à la source d'un miracle : celui de la conversion annoncée de l'empire romain au christianisme.
Dans le contexte
de la pièce, ce dénouement est « heureux ».
DES TRAGÉDIES PRIVILÉGIANT
LE REGISTRE DRAMATIQUE
Ces tragédies sans tragique se déroulent essentiellement sur le
registre dramatique.
Elles accumulent les actions et les péripéties,
faisant alterner les phases d'espoir et de crainte, pour mieux maintenir le spectateur en haleine.
Prenons l'exemple du Cid, qui fut le plus grand triomphe de
Corneille.
Rodrigue et Chimène s'aiment.
Mais bientôt leurs pères
respectifs s'affrontent.
Pour venger l'honneur de sa famille, Rodrigue
se voit contraint de provoquer puis de tuer en duel le père de
Chimène.
Celle-ci exige du roi le....
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