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Le traitement de l'espace Chez les meilleurs dramaturges, le lieu théâtral ne se réduit jamais à une simple indication topographique:...

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« Le traitement de l'espace Chez les meilleurs dramaturges, le lieu théâtral ne se réduit jamais à une simple indication topographique: il remplit toujours une fonction.

Tel est le cas dans Fin de partie, où le lieu possède simultanément plusieurs caractéristiques qui sont parfois contra­ dictoires.

C'est en effet un lieu clos, qui peut se transformer en lieu d'évasion ou d'observation. UN LIEU CLOS Comme les tragédies classiques du XVII" siècle, la pièce respecte l'unité de lieu.

Elle dessine en outre une rigoureuse géométrie de l'es­ pace, destinée à faire se ressembler microcosme et macrocosme 1• 1 Un lieu unique et fermé Toute la pièce se déroule à l'intérieur du refuge.

Nagg et Nell sont des culs-de-jatte, prisonniers de leurs poubelles.

Paralysé et aveugle, Hamm ne peut ni « quitter ,, ni « suivre ,, Clov (p.

62).

Seul ce dernier, en théorie du moins, peut s'en aller, puisqu'il voit et marche encore (p.

19).

Mais quand il se décide enfin à partir, il demeure« immobile», sa« valise» à la main (p.

108).

Nul ne s'en­ fuit en définitive du refuge, pas même le « rat » (p.

73) qui a cru po.uvoir trouver refuge dans la cuisine et qui en réalité n'en a plus pour longtemps, comme le remarque Hamm (p.

91). 1.

Comme l"indique la racine • micro •, le microcosme renvoie à un univers de petite taille ; le macrocosme renvoie à l'infini. Ce lieu unique est donc un enfermement forcé pour Hamm et ses parents, et volontaire pour Clov: Vous voulez donc tous que je vous quitte? Bien sûr. cwv.

- Alors je vous quitterai. HAMM.

-Tu ne peux pas nous quitter. cwv.

- Alors je ne vous quitterai pas.

(p.

53) CLOV.

- HAMM.

- Le refuge devient dès lors une prison.

L'impact dramatique n'en est que plus fort. 1Une géométrie de l'espace Ce lieu est aussi un espace, au sens géométrique du terme. Le décor et les pantomimes de Clov dessinent en effet les trois dimensions constitutives de tout espace: la hauteur, la largeur et la longueur ou profondeur. La hauteur est donnée par celle des « murs », par les fenêtres « haut perchées» et les montées de Clov sur son escabeau (p.

12 et 43).

La largeur est tracée par les allées et venues de Clov entre la « porte à l'avant-scène à droite,, et les dei,ix poubelles qui se trouvent « à l'avant-scène à gauche» (p.

11 et 12).

La profondeur (plutôt que la longueur icQ est suggérée par les déplacements de Clov depuis les poubelles ou la porte vers les fenêtres qui sont, elles, « au fond» (p.

11). Cette géométrie n'est ni neutre ni fortuite: elle organise l'espace scénique (la scène), à l'image de l'espace, du cosmos, lui aussi géométriquement organisé.

Ici et là c'est le même système. 1Un microcosme à l'image du macrocosme Le refuge n'est pas en effet fondamentalement antithétique de l'extérieur, dont il est pourtant censé protéger.

Si, comme le dit Hamm, dehors, c'est « l'autre enfer» (p.

39), il en découle que l'intérieur est aussi un «enfer», peut-être différent de «l'autre», mais un « enfer » tout de même.

Tous deux se valent. PROBLÉMATIQUES ESSENTIELLES 107 Les murs qui délimitent la frontière entre l'extérieur et l'intérieur sont d'ailleurs en « briques creuses» (p.

40), donc bien peu protecteurs. !.:infiniment petit qu'est le refuge devient ainsi le reflet de !'infiniment grand.

Significativement d'ailleurs, même si c'est de manière ironique1, Hamm parle de son « tour du monde » (p.

39) quand il fait le tour en fauteuil de son réduit de quelques mètres carrés. UN LIEU D'ÉVASION De ce lieu clos qui s'apparente sur ce point à une prison, on ne peut naturellement pas s'évader, sauf en pensée, par le souvenir et le rêve. 1Par le souvenir Clov qui peut encore marcher n'a aucun souvenir, pas même de son père ou de son arrivée chez Hamm (p.

53).

Seuls en ont les personnages dénués de toute mobilité.

Se souvenir est un moyen de nier ou d'oublier leur infirmité.

Ils évoquent ainsi des lieux géographiquement réels, mais dramaturgiquement imaginaires, parce que le spectateur ne les voit pas. Nagg et Nell parlent de leur promenade en Italie (p.

34) et de leur accident « « « sur le lac de Côme», à la sortie de Sedan », dans les Ardennes» (p.

29).

Le contraste est double: entre ces deux événements passés d'une part; et entre.... »

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