Devoir de Philosophie

LE TRAVAIL Texte. - -Notre atelier est immense, barré de poutrelles de fer entre lesquelles zigzaguent des courroies tournant à...

Extrait du document

« LE TRAVAIL Texte. - -Notre atelier est immense, barré de poutrelles de fer entre lesquelles zigzaguent des courroies tournant à pleine _ .

vitesse.

On dirait une fantastique forêt dont le vent tordrait en sifflant les branches dénudées et noires.

Quand nous , travaillons, rtous nous confondons avec les machines.

De · loin, l'atelier paraît désert.

A la sortie, nous sommes A l'usine, on fabrique des avions,- des.

voitures et du matériel d'armement... On s'installe.

Lès -tours ronflent.

Les courroies tournent. L'atelier vibre.

On plo'nge les mains dans ·l'huile.

On en a les doigts qui dégouttent comme les ·feuilles après la pluie. L'huile clapote.

Elle mouille nos bras, nous saute au visage et nous envahit. A mesure que les tours ronflent, que les courroies tournent, que l'atelier vibre, que l'huile nous trempe ; à mesure que le rythme nous prend (,t nous emporte, notre vie, avec ses joies et ses peines, ses souvenirs, ses soucis et son destin, se retire de nous.

Elle va rejoindre au vestiaire notre robe personnelle et nous l'y retrouvons collée à ses plis. En attendant, elle nous quitte.

Trempées d'huile et de sueur, chacune devant sa machine, les mains promptes, l'œil attentif, l'effort tendu, nous sommes entraînées par la même cadence, et comme roulées toutes ensemble par le même flot.

Il n'y a plus la brune, la blonde, la rouquine, ni Mariette, ni Laura, ni Mathilde.

Il y a l'atelier où Jes machines et les femmes forment un tout obéissant au même mouvement. Nous n'aimons pas notre travail.

On aime ce qu'on fait en y mettant de soi.

Pas le reste.

On aime une besogne si on la domine, et si, par cela même, on la peut perfectionner. On àime coudre, laver, tricoter, cuisiner.

On aime ce qu'on façonne, ce qu'on crée.

On aime étaler de la couleur sur une planche, de la cire sur un meuble, de l'eau savonneuse sur un parquet.

On peut aimer lessiver, repasser, cirér des souliers ou éplucher des légumes, créer de la propreté, de la beauté, dé la nourriture, si humbles soient-elles.

Et l'on s'y attàche d'autant plus qu'on y met pl4s de goût, plus de cœur, plus d'esprit.

On n'aime pas servir une machine qui est réglée une fois pour toutes,.

à laquelle on ne comprend rien et qui débite des choses, toujours les mêmes. On adapte ses mouvements à son mouvement. Ni le cœur ni l'esprit n'entrent en jeu.

Seulement les muscles .qui se contractent ou se rétractent selon un même rythme, et le sang qui bat et s'enfièvre également selon ce même rythme. C'est le rythme qui commande.

Il nous possède et nous sommes comme fondues en une même obéissance incons.:" ciente - une obéissance de la chair et du sang qui fait de tout l'atelier un seul corps. Quand la cadence s'apaise, elle demeure encore en nous, un moment.

Si à ce moment une bouche crie, toutes crient. Si une gorge lance un rire, toutes lui font écho. La journée commence et l'huile et la sueur nous envahissent, pendant que notre esprit se vide.

Ce qui fait notre vie et notre identité est resté au vestiaire : nous sommes ici des automates. Notre travail ne nous intéresse pas, nous préfére­ rions des.... »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓