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L'ÉCOLE DES LETTRÉS OU L'ÉCOLE DES cc RITES» A la fin de l'époque « Printemps et Automnes» (722-475) qui précéda...

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« L'ÉCOLE DES LETTRÉS OU L'ÉCOLE DES cc RITES» A la fin de l'époque « Printemps et Automnes» (722-475) qui précéda l'époque des Royaumes combattants (4 75-221 ), au terme de laquelle fut fondé le premier empire unitaire chinois par Qin Shi Huangdi, la dynastie des Zhou (fondée en 1111) 1, n'exerçait plus qu'un pouvoir nominal sur de nombreuses principautés «dissidentes» ou se constituant en ligues.

Le roi était bien toujours « Fils du Ciel» mais pratiquement bien plus l'otage de ses «protecteurs» (grands vassaux) que puissant souverain.

Période de crise donc et conflictuelle que celle qui voit une féodalité royale accoucher par secousses et saccades d'un Empire unifié.

Et le paradoxe veut que ce soit précisément la dynastie des Zhou, où pourtant un certain ritualisme modérateur, jusque dans la guerre courtoise, tranchait sur la férocité et la démence de la dynastie Shang-Yin à laquelle elle succéda, qui engendra la démesure et les excès de Qin Shi Huangdi, pour n'avoir pas pu ou su inculquer aux principautés voisines (et plus tard aux royaumes concmTents) le respect des rites et de la mesure par quoi elle s'était illustrée. Outre le Roi, en tant que Centre et lieu symbolique de l'ordre, entre le peuple paysan (et paysan-soldat « au besoin») et ses dirigeants (noblesse, aristocratie), 1.

Il est facile de retenir cette date mnémotechnique de la 3° dynastie dont les débuts furent à ce point exemplaires que les rois WEN et WU et le duc de Zhou sont des modèles fréquemment cités par Confucius. deux couches sociales: les fonctionnaires (devins, diplomates...

en gros plus tard les «lettrés») et les marchands.

Seuls les marchands, en tant que couche sociale nouvelle, dynamique et inventive (mais moins tout de même que les artisans) auraient pu peut-être «moderniser» dans un sens plus «libéral» et moins agrarien l'issue de la lutte pour le pouvoir, à l'œuvre en cette époque troublée, eussent-ils trouvé auprès des nobles, fonctionnaires ou lettrés indépendants quelque appui pour toucher l'oreille du prince.

Mais, par une sorte de préjugé (ou au contraire de sens aigu de la moralité) de la pensée chinoise du «bon ordre natu­ rel», l'agriculture étant la racine, c.à.d.

l'essentiel, et le commerce les branches, c.à.d.

l'accessoire, sinon le superflu ou le superfétatoire, jamais les marchands n'eurent cette chance historique - si tant est que le ·capitalisme ait été la «chance» de nos sociétés - et, à dire vrai, occupent dans l'échelle morale tradition­ nelle chinoise la dernière place.

Dans l'ordre: les let­ trés, les paysans, les artisans, les marchands.

De même qu'on n'emploie pas un fer de qualité pour fabriquer des clous, des hommes de valeur ne devien­ nent ni marchands, ni soldats. Quant aux«lettrés», conseillers en place ou en quête de patron, «chercheurs» libres, ils sont l'originalité même du système«bureaucratique» chinois: serviteurs de l'écriture dans laquelle s'inscrit l'ordre des rites, ils en sont la courroie de transmission, dans le même temps qu'ils exercent un devoir de remontrance auprès du souverain, quand cet ordre n'est pas ou plus respecté. Nulle charge héréditaire dans leur emploi basé sur une compétence acquise et vérifiée : tel sera le man­ darinat dans son principe.

Quoi qu'il en soit de la pertinence et de l'articulation de ce résumé ultra­ schématique, la question fondamentale posée en cette époque troublée, où l'ordre local et trans-local se déli­ tait sous les poussées conjuguées d'un accroissement démographique et territorial (à la fois chinois de souche et sino-barbare) et d'un appétit de puissance de chaque « inférieur» contournant les rites à l'instar de son supérieur immédiat, était bien celle-ci : quelle voie suivre qui mettrait fin aux désordres (rituels et sociaux) et à la violence? La solution de l'école des lettrés, c'est-à-dire très précisément celle de Confucius, puis de ses disciples et successeurs, fut à la fois conservatrice en ce qu'elle rappelait, pour l'imiter, le passé exemplaire et sa vertu, mais novatrice en ce qu'elle dissociait la noblesse du rang social pour lui restituer son vrai territoire: le cceur .

de tout homme se perfectionnant et capable de ce fait, n'étaient ses propres limites, d'être un Yao ou un Shun, ces Ancêtres de la civilisation.chinoise, ou encore ces incomparables souverains de la dynastie des Zhou : les rois Wen et Wu, père et fils, et le ministre du dernier: le duc de Zhou.

Comme la tradition l'exigeait il conve­ nait d'être bien-veillant et bien-séant, mais devant la trahison des bien-nés l'exigence s'adressait au cceur de tout homme. KONGFUZI (Confucius, 551-479) L'homme On ne sait pas grand chose de la vie de Confucius et il est parfois difficile de démêler la part de la légende et de l'hagiogrél;phie de celle de la .réalité. Comme, d'autre part, Confucius n'a rien écrit, même s'il est vraisemblable qu'il a compilé, a1nngé ou retra­ vaillé partiellement les Cinq Classiques, nous n'avons pas de texte réellement«confucéen», c'est-à-dire nous transmettant le «discours» authentique de Confucius. Nous n'avons que ces fameux Entretiens (Lunyu) qui sont à la fois un recueil des propos et des apho­ rismes du Maître bavardant avec ses disciples, un filon parcimonieux de détails sur sa vie, et des propos et aphorismes de ses disciples et de quelques autres per­ sonnages qui ne sont pas tous des «sympathisants». Mais ces textes sont tellement explicites, malgré leur densité parfois énigmatique, qui tient, d'une part, à la langue chinoise classique elle-même, et, d'autre part, à leur fonne aphoristique et anecdotique, et telle­ ment «précisés» par les commentaires ultérieurs qui en «orientent» 1� lecture, que même si nous ne sommes pas toujours très certains que ces Entretiens reproduisent fidèlement la pensée de Confucius, à tout le moins fondent-ils, et de manière exemplaire, le confucianisme.

C'est pourquoi, parlant de Confucius, nous ne ferons quasiment appel qu'au Confucius des Entretiens, autrement dit aux Entretiens de Confucius. Confucius, de son nom de famille KONG.et de son nom personnel (ou prénom) QIU 1, naquit en 551 avant J.-C.

dans l'Etat de Lu (Chine orientale, pro­ vince actuelle de Shandong).

Ses ancêtres étaient nobles et issus d'une principauté voisine.

Mais sa famille avait déjà perdu, à la suite de troubles et de changements politiques, sa situation de noblesse lors­ qu'elle émigra dans la principauté de Lu. 1.

Qiu signifie «colline».

Le nouveau-né avait d'après la légende une protubérance sur le crâne.

Signe favorable d'un cer­ veau déjà attiré vers le haut, vers le Ciel.

Se non è ver9·...

, Orphelin à trois ans d'un père déjà fort âgé (plus de 65 ans?), il eut selon la légende une enfance « exem­ plaire» déjà toute imprégnée de ferveur ritualiste et de bienséance, Sa mère s'étant remariée, son enfance et son adolescence n'en furent pas moins modestes, sinon _pauvres.

Il se maria jeune et eut un fils (Li ou Boyu) qui devint un de ses disciples et qui le précéda de peu dans la mort.

Il voyagea dans les principautés voisines, étudiant rites et traditions. C'est dans sa principauté natale de Lu que débuta modestement sa can-ière de pédagogue privé conver­ sant avec ses disciples.

A cinquante ans, dans cette même principauté de Lu, il remplit des charges impor­ tantes sur la nature desquelles il est difficile de se pro­ noncer exactement.

Ce qu'on sait c'est qu'il dut, à la suite d'intrigues, les abandonner et s'exiler.

Il avait cinquante-cinq ans.

Pendant treize ans, il voyagea d'une principauté à l'autre dans l'espoir de rencontrer finalement un prince capable et désireux de mettre ses vues « conservatrices-réformatrices» en pratique et dont il aurait été lè conseiller écouté.

Il échoua partout, et, vieillard, « simple particulier», regagna son pays natal où il s'éteignit trois ans plus tard paisiblement. Voici, glanés dans les Entretiens, quelques cita­ tions qui vous permettront de faire connaissance avec le Maître 1• l.

Sauf indications spéciales, les traductions sont celles de Pierre Ryckmans (Confucius, Entretiens,© Ed.

Gallimard, 1987). Il s'agit, à mon sens, d'une bonne et belle traduction, fidèle au texte et à son esprit.

Elle est de loin supérieure aux paraphrases «orientées» du Père Couvreur S.

J.

au siècle dernier, mais souvent aussi à d'autres traductions actuelles, moins rigoureuses et moins élégantes, si c'est le terme qui convient. >, sur le(s) sens à donner au mot Dao, sur le rapport fondamental existant entre le Dao et l'Homme. Suivons l'ordre chronologique de parution des cinq traductions dont nous disposons. l.

James LEGGE (1892) The Master said, "A man can enlarge the principles which he follows; those principles do not enlarge the man ".

(Le Maitre dit: « Un homme peut agrandir les principes qu'il suit; ces principes ne peuvent agran­ dir l'homme.») 2.

S.

COUVREUR s.j.

{1895) Le Maître dit: «L'homme peut développer et perfec­ tionner ses vertus naturelles; les vertus naturelles ne rendent pas l'homme parfait (s'il ne fait aucun effort).» 3.

Anne CHENG (1981) Le Maître dit: « C'est l'homme qui, par sa volonté, élargit la Voie; mais il n'est pas de Voie qui puisse élargir le cœur d'un homme passif.» 4.

Pierre RYCKMANS (1987) Le Maître dit: «L'homme peut agrandir la Voie, ce n'est pas la Voie qui agrandit l'homme.>> 5.

André LEVY (1994) «L'homme peut glorifier la Voie, mais il est contraire à la Voie de glorifier l'homme», dit le Maître. 1.

Legge est le seul à commenter quelque peu sa traduction.

Il signale sans plus que les «principes» (du devoir) sont un instrument dans la main de l'homme et considère la sentence du Maître comme tout à fait mystique dans son laconisme. 2.

Couvreur «traduit» plus que librement, mais s'empêtre dans sa traduction.

En effet, si l'homme «peut développer et perfectionner ses vertus natu­ relles» c'est que faisant cela il se rend plus parfait, il se perfectionne.

Poursuivre en disant que «les vertus naturelles ne rendent pas l'homme plus parfait» n'a aucun sens du fait de ce qui vient d'être dit («l'homme peut perfectionner.

..

»), et ce qu'il ajoute entre paren­ thèses («s'il ne fait aucun effort») ne fait que dire autrement ce que le premier membre de la phrase affirme et implique (sans effort peut-on développer et perfectionner.

..

). Vraisemblablement, soucieux de traduire quand même, Couvreur ne peut dire tout de go, mais laisse sous-entendre que, sans la grâce de Dieu, l'homme ne peut être sauvé.

Ce qui est de bonne théologie chré­ tienne, mais n'a rien à voir avec le naturalîsme et l'hu­ manisme chinois. 3.

Anne Cheng «traduit» en ajoutant des mots qui ne figurent pas du tout dans le texte mais grâce aux­ quels elle pense (et croit) faire dire au texte ce qu'il dit vraiment.

Son interprétation a le mérite de la clarté et de la cohérence, mais ce n'est qu'une interprétation et pas nécessairement «une» bonne, ni encore moins, si c'était possible, «la» bonne. 4.

Pierre RYéKMANS traduit non seulement cor­ rectement mais élégamment, tout en laissant au texte son caractère énigmatique et elliptique. 5.

André LEVY nous offre une traduction à mon sens irrecevable, en tout cas telle quelle.

Qu'est-ce qui l'autorise à traduire agrandir par glorifier? Certes, on peut admettre que l'homme doive honorer le Dao en proclamant sa puissance, tandis que le Dao n'a pas a honorer l'homme en proclamant ses mérites, puis­ qu'aussi bien les mérites de l'homme résultent de son propre effort à faire fructifier les talents que le Dao a déposés en lui.

Mais ce n'est pas de cela qu'ici il s'agit. Quoi qu'il en soit de toutes ces remarques, ce qui en résulte c'est que faute de commentaire, le texte est, dans quatre des cinq traductions offertes, soit inter­ prété, et même biaisé parfois, soit - dans la traduc­ tion fidèle de Ryckmans - énigmatique. Aussi, de trois choses l'une..... »

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