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Lectures biographiques et psychanalytiques Certains critiques ont explfqué les Nouvelles de Pétersbourg en s'appuyant sur la vie de Gogol. Les...

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« Lectures biographiques et psychanalytiques Certains critiques ont explfqué les Nouvelles de Pétersbourg en s'appuyant sur la vie de Gogol.

Les uns, des biographes, ont vu dans l'ensemble des nouvelles ou dans telle nouvelle l'expression de souvenirs ou de tour­ ments personnels de l'homme Gogol.

D'autres, inspirés par les travaux de Freud et la psychanalyse, ont analysé les œuvres de Gogol, et les Nouvelles de Pétersbourg en particulier, comme les confessions d'un moi complexé. Cependant, il convient d'être très prudent devant les relations que les commentateurs établissent entre l'œuvre, ses personnages et l'auteur en tant qu'homme privé.

Certes, le recours à des faits attestés de la biogra­ phie permet parfois d'éviter des interprétations abusives. Pourtant, le simple respect de la vie privée, comme l'incer­ titude qui touche notre connaissance du moi inconscient d'un auteur, imposent des limites à ces lectures biogra­ phiques et surtout psychanalytiques. LECTURES BIOGRAPHIQUES L'ensemble des Nouvelles de Pétersbourg et la vie de Gogol Les Nouvelles de Pétersbourg narrent la vie d'artistes ou de fonctionnaires aux prises avec des difficultés liées à la ville même de Pétersbourg.

Or, une confrontation entre les nouvelles et les lettres de Gogol autorise à identifier une part de souvenirs vécus dans ces œuvres. Gogol quitta son Ukraine natale, ensoleillée, pour les brumes de Pétersbourg en 1828, à dix-neuf ans, pour conquérir la gloire littéraire.

Il a enregistré ses impressions dans ses lettres : un éblouissement devant la magnificence architecturale de la ville, ses théâtres, ses vitrines, son ani­ mation, puis le désenchantement face au coût de la vie. Gogol, écrivain débutant, a vécu dans la même précarité que les jeunes peintres Piskariov, héros de «La Perspective Nevski » et Tchartkov, héros de la première partie du « Portrait».

Aussi, dans ces deux nouvelles, le détail réa, liste, concret, est-il choisi et décrit en connaissance de cause.

On ne peut douter de l'authenticité des petits faits, même s'ils s'associent à des récits romantiques ou fantas­ tiques.

Gogol a connu les mansardes insalubres, le dénue­ ment, l'angoisse du loyer à payer.

Comme l'a rappelé un de ses grands biographes français, Henri Troyat, Gogol a souffert à la fois de la pauvreté et de l'exclusion sociale qu'elle impliquait: dans la capitale, la pauvreté apparaissait en effet «comme une maladie1 ». Cette pauvreté était partagée par les petits fonctionnaires, statut qui fut également celui de Gogol lui-même.

En effet, pour régler ses dettes familiales, pour gagner sa vie et celle de sa famille, Gogol, dut accepter, le 15 novembre 1829, un emploi au ministère de l'Intérieur, avec un traitement plus que modeste.

Gogol connut donc de près la détresse d'autres héros de ses nouvelles, d'Akaki, héros du «Manteau», de Poprichtchine, héros du «Journal d'un fou». « Le Manteau » On ne saurait comparer entièrement Gogol à Akaki Akakiévitch, copiste devenu automate dans son métier et dans sa vie quotidienne.

Mais les témoignages sur les sources du «Manteau » et les lettres de Gogol à sa mère - 1829 et 1830 - empêchent le lecteur de réduire l'histoire d'Akaki à un jeu et Akaki lui-même à une simple caricature. D'abord, il est significatif que Gogol soit parti d'une anecdote qu'il a ensuite transformée dans sa nouvelle : de l'histoire d'un petit fonctionnaire affligé par la perte d'un fusil de chasse, il a fait celle d'Akaki, poussé à la mort après le vol de son manteau.

Gogol a donc remplacé un obje.t de luxe par un objet de première nécessité. 1.

Henri Troyat, Gogol, Flammarion, Paris, 1971, p.

59. Or, par cette transformation, l'auteur a attribué à son héros sa propre misère d'ancien fonctionnaire.

Il s'est rap­ pelé comment il a « traversé toute la mauvaise saison, dans un manteau d'été» (lettre du 2 avril 1830, à sa mère)'.

Le manteau d'Akaki ressemble au manteau « élimé et usé» de Gogol lui-même, en 1829-1830.

Aussi ne parle-t-il pas à la légère du froid comme d'un « puissant ennemi» (p.

244). Étant donné ces rapprochements entre la vie d'Akaki et celle de Gogol, nous ne pouvons, semble-t-il, refuser toute pitié de !'écrivain pour son héros.

Plus particulièrement, nous ne pouvons lire le passage (p.

240) où un jeune homme prend pitié de l'humble fonctionnaire, raillé par ses collègues, comme une simple parodie du pathétique humanitaire. « Le Portrait » Pour certains biographes, russes 1 ou français2 , « Le Portrait» constituerait un document psychologique pré­ cieux sur Gogol.

Cette nouvelle exprimerait le tourment essentiel de l'homme et de !'écrivain, tourment dû au divorce entre ses idéaux esthétiques et ses œuvres.

Ces biographes se fondent sur des lettres de Gogol lui-même. Gogol s'était donné pour but de concilier la beauté idéale et la vérité de l'observation.

Or, il n'a pu produire que des œuvres dérangeantes, dans la mesure où elles étaient tournées vers la réalité la plus triviale.

Dans ses lettres sur les Âmes mortes, Gogol répond à ceux qui l'accusent de se moquer de son pays et de l'humanité en confessant les limites de son talent.

Selon ses propres dires, Gogol n'au­ rait su exprimer que « la trivialité (pochlost) de l'homme tri­ vial», qu'il attribuait à sa propre «âme». Cette confession a conduit les biographes cités à inter­ préter le portrait (tableau représentant l'usurier) et la des­ cription que Gogol fait de ce tableau - avec ses « yeux humains» (p.

105), trop humains? - comme une représen­ tation de l'œuvre de Gogol elle-même. Boris de Schloezer va jusqu'à commenter cette nouvelle et même toutes les nouvelles comme les émanations d'une « âme morte».

Gogol, refermé sur lui-même, incapable 1.

N.

Kotliarevski, Nicolas Gogol, Saint-Pétersbourg, 1911 (en russe). 2.

Boris de Schloezer, Gogol, L'Herne, Paris, 1972. de « vivre autrui», aurait peint les autres comme des marionnettes, des âmes mortes.

Cette lecture n'est pas tout à fait fausse, car Gogol s'est montré effectivement égocentrique dans sa vie.

Elle peut cependant être compensée par la réflexion sur l'art que propose aussi « Le Portrait1 ». LECTURES PSYCHANALYTIQUES C'est Ermakov2, disciple de Freud en Russie, qui inaugura en 1922 les lectures psychanalytiques des œuvres de Gogol.

Selon ces lectures, les nouvelles seraient des confessions, libératrices de forces obscures, inconscientes chez Gç,gol lui-même.

Ces lectures ont des limites. Les Nouvelles de Pétersbourg comme projection des complexes de Gogol Ermakov et ses successeurs ont pris pour point de départ le destin tragique de Gogol.

En proie à des conflits intimes et à des tourments incessants, celui-ci mourut prématurément à quarante-trois ans, ou plutôt se laissa mourir.

Ermakov attribue cette tragédie à deux facteurs essentiels. Le premier facteur serait un « complexe du père».

À la mort de son père, homme faible mais en même temps représentatif de l'autorité,.... »

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