Lejeu des points de vue Dans le langage ordinaire, on nomme point de vue l'endroit où ,l'on se place pour...
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«
Lejeu
des points de vue
Dans le langage ordinaire, on nomme point de vue l'endroit où ,l'on
se place pour observer un paysage, un spectacle...
Dans l'analyse
littéraire, on utilise ce terme pour caractériser la manière dont le nar
rateur se situe par rapport aux personnages :
- Parfois, il décrit leur caractère intime, dévoile leurs pensées,
annonce leur avenir, révèle leur passé : en un mot, il connaît tout
d'eux.
On parle alors de point de vue omniscient (le narrateur sait
tout), ou de focalisation zéro.
- Parfois, le narrateur reste purement extérieur à ses personnages.
Il
feint même d'en savoir moins qu'eux.
Il se borne à noter leurs actions
ou leurs propos.
On parle alors de point de vue externe (ou de foca
lisation externe).
- Ailleurs, enfin, le narrateur emprunte la perspective de l'un des per
sonnages et fait semblant de voir par ses yeux.
On parle alors de
point de vue interne (ou de focalisation interne).
LA VARIÉTÉ DES TECHNIQUES
Chacune de ces techniques �e trouve dans Pierre et Jean.
Le nar
rateur multiplie les glissements d'un point de vue à l'autre.
1 Le point de vue omniscient
C'est en narrateur omniscient que l'auteur décrit le caractère de
ses personnages ou analyse leurs sentiments.
Nous trouvons un
exemple caractéristique de cette technique au chapitre vm.
Jean se
demande s'il doit ou non garder son héritage, et le narrateur note :
« Et dans son âme où l'égoïsme prenait dès masques honnêtes, tous
les intérêts déguisés luttaient et se combattaient » (p.
188).
Le per-
sonnage est de bonne foi.
Il ne voit pas que son raisonnement est en
fait guidé par l'intérêt.
Le narrateur, lui, ne se laisse pas abuser, et fait
tomber les masques.
Il écrit alors en narrateur omniscient : il voit clair
dans l'âme du héros, même quand le héros parvient à se tromper luimême.
De même, quand il note que l'absence de Mme Roland
paraît « longue à Pierre, bien qu'elle n'eQt pas duré trois minutes
»
(p.146), il connaît le sentiment de son héros, il sait ce qu'éprouve
Pierre en son for intérieur.
Il connaît aussi la durée exacte de l'attente.
Par cette donnée extérieure au personnage, il rectifie l'impression
fausse ressentie par Pierre.
Le narrateur est alors, tout à la fois, à
l'intérieur et à l'extérieur du personnage.
Il peut en même temps nous
livrer les impressions des personnages et nous dire comment les
interpréter.
Le lecteur est solidement pris en main par un auteur
désireux de lui faire connaître toutes les facettes de ses créatures.
1Le point de vue externe
Ailleurs, le narrateur se place dans la position d"un témoin relatant
fidèlement ce qu'il voit.
On a l'impression qu'il assiste à telle ou telle
scène et la retranscrit en se gardant de tout commentaire.
Le chapitre vu offre un exemple de cette technique.
Lors de l'explication
entre Pierre et Jean, puis entre Jean et sa mère, le dialogue domine.
Le narrateur se borne à noter les répliques.
Ses rares interventions
indiquent la manière dont les personnages s'expriment : « li se mit à
déclamer » (p.
169),
«
Pierre bégayait » (p.
173),
«
il parlait par
phrases courtes, hachées, presque sans suite» (p.
175), « Elle murmura d'une voix accablée » (p.
179).
L'auteur écrit comme le ferait un
chroniqueur judiciaire.
li retranscrit fidèlement dialogues et intonations.
Il indique ce que n'importe quel spectateur de la scène aurait
pu voir ou entendre.
Le lecteur est alors placé sur le même plan que
les personnages.
li n'est plus pris en main par le narrateur (comme
dans le cas du point de vue omniscient).
Il réagit sans qu'on lui
explique ce qu'il faut ressentir ou penser.
Il n'y a plus d'écran entre l'action et lui.
PROBLÉMATIQUES ESSENTIELLES 5 9
1Le point de vue interne
Enfin, le narrateur renonce parfois à relater les faits et à régler les
interventions de chacun.
Il laisse alors la parole à un personnage.
Il
serait facile au narrateur de résoudre tout de suite la question que se
pose le lecteur à propos de la naissance de Jean.
Il lui suffirait d'écrire :
«
Jean était en fait le fils de Léon Maréchal
».
Mais il -~eut nous
faire partager l'incertitude et le désarroi de Pierre.
Ainsi, dans les
chapitres 1v et v, il laisse la parole au héros.
C'est Pierre (et non le
narrateur) qui reconstitue comme il le peut les amours de Mme
Roland et de Léon Maréchal.
Le narrateur nous plonge alors dans
l'univers mental de son personnage.
Nous lisons les mots dans lesquels s'exprime Pierre.
Nous découvrons aussi le rythme haletant et
angoissé de sa pensée :
«
Et puis après...
après...
oh ! mon Dieu ..•
après...
? .•• » (p.
126).
Qui parle ici? Ce n'est plus le narrateur poursuivant son récit, mais le personnage poursuivant son monologue
intérieur.
LE MONOLOGUE INTÉRIEUR
L'auteur aime nous plonger dans l'esprit de ses personnages.
Il
utilise alors le monologue intérieur, c'est-à-dire qu'il nous livre le
déroulement de leurs pensées.
Celles-ci ne sont pas toujours présentées de la même manière :
- tantôt le narrateur les cite telles quelles : il use du style direct ;
- tantôt il les rapporte en son nom propre : il emploie le style indirect;
- tantôt il s'en fait l'écho : il a recours au style indirect libre.
Voir le tableau ci-après, p.
61.
1Le style direct
7
Le style direct marqu clairement le passage entre la narration et
le monologue intérieur.
Une phrase annonce que le personnage réfléchit ; la suivante retranscrit les pensées du personnage.
Ainsi,
lorsque Pierre regarde les bateaux, nous lisons :
Il pensa : « Si on pouvait vivre là-dessus, comme on serait tranquille peut-être » (p.
89).
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PROBLÉMATIQUES ESSENTIELLES
•:Ji'
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~ -..~ l f .
•
DÉSIGNATION
STYLE DIRECT
STYLE INDIRECT
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STYLE INDIRECT LIBRE
CARACTÉRISTIQUES
Le narrateur cite sans les modifier
les paroles ou les pensées
d'un personnage
• Le narrateur rapporte les paroles
ou les pensées d'un personnage
• Grammaticalement, ces paroles
ou ces pensées sont placées sous
la dépendance d'un verbe tel que
«dire» ou «songer»
• Cette construction entraîne
éventuellement une modification
des temps, des pronoms
et des adjectifs possessifs
et démonstratifs
Le narrateur rapporte les paroles
ou les pensées d'un personnage;
mais sans les placer sous la
dépendance grammaticale d'un
verbe comme «dire» ou «songer»
Propos du narrateur= en gras
Signe d'articulation = encadré 1
_.;:,
SIGNES
EXEMPLES TIRÉS DE
D'ARTICULATION
PIERRE ET JEAN
Les deux points,
les guillemets,
éventuellement
le tiret
La conjonction de
subordination «que»
Il se demandait [GJ Est-ce
possible qu'on croit une
chose pareille?
(p.
105).
Aucun
Pensée du personnage = en italique
\
,.,.--....., - - - - - - - ~ - - - - - - - - - - - - - - ~ -
0
Il songea ~ sur la terre
entière c'était toujours
la même chose (p.
141).
Enfoncé dans son lit
entre les draps chauds,
il méditait.
Combien
de médecins étaient
devenus millionnaires
en peu de temps /
Il suffisait d'un grain de
savoir-faire [ ...] (p.
95).
De même, quand le héros s'interroge sur la fidélité de sa mère, le
narrateur indique :
Il se demandait :
-A-t-elle été inquiétée par ma question sur le portrait, ou seulement surprise ? I:a-t-elle égaré ou caché? (p.
139.)
Dans les deux cas, le passage de la narration au monologue intérieur est indiqué au lecteur.
Nous distinguons nettement le moment
où le narrateur s'exprime et celui où le personnage parle en son
propre nom, c'est-à-dire au discours direct.
La ponctuation évite la
confusion : les deux points et les guillemets, le changement de paragraphe et le tiret nous servent de repères.
1Le style indirect
Dans le style indirect, le narrateur présente par sa proprê voix les
opinions ou les paroles d'un personnage.
Un verbe principal (comme
dire, penser) commande la proposition subordonnée qui détaille les
mots ou les pensées du héros.
L'utilisation....
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