L'enfant représente le capital de pureté, d'innocence et d'instinctif génie qui nous était donné au début de notre existence. Qu'est-il...
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L'enfant représente le capital de pureté, d'innocence et d'instinctif génie
qui nous était donné au début de notre existence.
Qu'est-il devenu? Cons
tat d'échec, blâme muet.
Chacun de nous s'invente un Eliacin 1 réproba
teur, afin de pouvoir attribuer à son inconséquence, à ses défauts, ce qui
n'est dû souvent qu'à sa médiocrité.
On préfère avouer qu'on n'a pas, par
légèreté, tenu les promesses de son enfance plutôt que de supposer qu'elle
n'en offrait pas.
Indéterminée, riche de potentialités infinies, l'enfance
jouit, à nos yeux, d'un prestige auquel la littérature des cent cinquante der
nières années n'est évidemment pas étrangère.
L'état de confusion qu'elle
représente s'assimile aisément au sublime.
L'imbécile de cinquante ans
aime à se montrer traînant derrière lui la dépouille d'un ange.
Cette poétisation systématique de l'enfance, qui, si elle nous fait éprou
ver de l'accablement, à l'heure du bilan, enrichit cependant a posteriori
notre existence, a naturellement pour effet d'augmenter notre amour des
enfants.
Depuis quelque temps, notre civilisation en a fait une de ses pre
mières caractéristiques, comme si elle y cherchait sa réhabilitation.
Sans
doute l'extension de la culture et l'amélioration des conditions de vie maté
rielles, qui entraînent un adoucissement des mœurs, expliquent-elles cette
espèce d'inflation affective.
Il faut en voir aussi la cause dans le culte de la
1 .
Enfant d e naissance illustre qu"atlend une brillante destinée.
vie à l'état brut, auquel notre mode d'existence, de moins en moins natu
rel, nous porte.
Physiquement, moralement, l'enfant est vrai et pur, dans
un monde où ces adjectifs deviennent, chaque jour, d'un emploi plus diffi
il faut revenir sur ce point -, si l'on replace l'amour des
cile.
Enfin,
enfants dans !'Histoire, on s'aperçoit que sa courbe ascendante suit celle
de l'embourgeoisement (ce mot n'étant pas forcément pris ici dans son
meilleur sensl.
L'aristocratie (voir Saint-Simon) et le xvm• siècle, avant
1789, n'apportent aucune sensiblerie dans l'éducation des enfants (voir
Émile et I'Encyclopédie); la Révolution se préoccupe surtout de leur ins
truction, de leur formation politique et rêve, sans trnp l'avouer, de faire
d'eux de petits Spartiates.
Ce n'est que sous Louis-Philippe qu'apparaît le
négociant enrichi qui passe tous ses caprices à sa fille et l'appelle « rr,3
cocotte>> !voir Balzac).
Certains censeurs, montrant les conséquences dangereuses, à leur avis,
de l'indulgence extrême qui est aujourd'hui de règle à l'égard des enfants,
parlent d'une démission des parents.
Mais ce n'est peut-être pas là où ils la
voient qu'elle est le plus regrettable.
Le culte excessif de l'enfant recouvre
souvent une démission civique.
L'enfant devient, pour les parents, la justi
fication d'un repliement sur des valeurs individuelles, domestiques, sur le
foyer, le refuge bien clos, vers lesquels les portaient, en fait, leur pusillani
mité et leur égoïsme.
D'où cette contradiction, cette inconséquence : ils
s'emploient à préparer le mieux possible l'enfant et à affronter un monde
qu'il savent difficile, mais ils négligent d'essayer simultanément d'améliorer
celui-ci.
Je ne sais si trop d'amour risque de conduire les enfants à trop d'exigen
ces et si trop de soins les corrompt.
On pourrait craindre surtout que
l'empressement de leur entourage ne_ finisse par empêcher ou freiner le
développement de leur imagination.
C'est toujours contre une certaine
solitude qu'on invente.
Parler, comme on le fait communément, de l'imma
turité de la jeunesse présente, est, à cet égard, plutôt rassurant, car le
terme d'immaturité sous-entend l'irréalisme et la dominance du rêve, de
l'imagination.
Celle-ci est pourtant exposée à de nombreuses menaces :
remplacement du geste créateur par l'action mécanique, développement
des moyens de communication audio-visuels qui invitent à recevoir et non
à concevoir, facilité des déplacements, qui dépouille le monde de ses
secrets...
On pourrait découvrir dans notre société et, en particulier, dans
notre système d'éducation, d'autres atteintes à l'autonomie de l'enfance, à
son originalité.
Et pourtant, celles-ci restent intactes.
Miraculeusement.
C'est là un des
fait les plus réconfortants de notre époque.
Le comportement des enfants
d'aujourd'hui, tel que nous pouvons l'observer, reproduit fidèlement celui
qui était le nôtre, il y a quarante ou cinquante ans, et ne diffère guère de
celui des enfants des siècles passés, autant que les documents anciens,
assez rares sur ce sujet, nous permettent de le connaître.
A l'époque des
jouets téléguidés, des sports de la mer et de la neige, de la télévision pour
tous, plusieurs des quelque deux cents jeux de Gargantua énumérés par
Rabelais sont encore quotidiennement pratiqués, et si les mots qui dési
gnent leurs règles ou leurs différèntes phases ont changé depuis quatre
cent cinquante ans, ils relèvent du même ésotérisme 2 enfantin qu'alors,
résultent des mêmes procédés d'invention verbale.
Dans les noms des jeux
que Rabelais cite, en s'en délectant, nous reconnaissons la déformation
inimitable que les enfants d'aujourd'hui continuent de faire subir aux mots,
ou les accouplements auxquels ils les contraignent, afin de les faire totale
ment leurs.
Nous sommes ici dans un monde immuable, éternel.
Le tracé
du jeu de marelle, que nous foulons sur le trottoir, est une figure du Moyen
Age, non pas d'un Moyen Age reconstitué, mais d'un Moyen Age toujours
vivant.
Pierre Gascar, La forêt humaine.
L'épreuve comprend deux parties:
1.
Vous ferez d'abord de ce texte, à votre gré, un résumé (en suivant le
fil du développement) ou une analyse (en mettant en r�lief la structure logi
que de la pensée).
Vous indiquerez nettement votre choix au début de la
copie.
2.
Dans une seconde partie, que vous intitulerez discussion, vous déga
gerez du texte un problèm_e qui.offre une réelle consistance et qui vous
aura intéressé.
Vous en préciserez les éléments et vous exposerez vos vues
personnelles sous la forme d'une argumentation ordonnée menant à une
conclusion.
Corrigé
RÉSUMÉ
Chacun voit dans les qualités manifestées par l'enfant celles qu'il n'a pas
développées en lui : il ne l'aurait pas fait par manque d'application alors
que c'est souvent faute de possibilités.
Les promesses de l'enfance, si
floues, peuvent être magnifiées après coup.
Cette façon de voir valorise nos
débuts et accroît notre attirance pour le jeune âge.
C'est un trait de notre
époque: des mœurs moins dures permettent l'expression de l'affectivité.
Dans notre monde compliqué on aime aussi le naturel de l'enfant.
Au cours de l'histoire, l'affection pour les enfants arrive avec l'avène
ment de la bourgeoisie.
La grande tolérance actuelle envers les tout jeunes dénote une désaffec
tion parentale pour la société et un retour sur soi.
On ne tente pas de tran
former la cité, on pare l'enfant contre ses difficultés.
Trop de sollicitude peut étouffer les dons de l'enfant, privé de l'isole
ment....
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