Les effets de la spécialisation I. Il y aurait à faire une bien intéressante recherche sur les réactions à cer...
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Les effets de la spécialisation
I.
Il y aurait à faire une bien intéressante recherche sur les réactions à cer
taines formes, très poussées, de la spécialisation : celle-ci semble alors subie
comme une nécessité par les praticiens dans les domaines les plus divers,
mais, nous est-il apparu au cours de nos entretiens, est considérée par
beaucoup d'entre eux comme la renonciation à toute vue d'ensemble des
réalités, à toute domination des problèmes et de leur unité, comme une
déplorable rançon du progrès technique, et se trouve donc développée
par eux avec une mauvaise conscience qui les prive d'importantes satis
factions dans l'exercice de leur métier.
Erich Fromm n'hésite pas à désigner,
parmi les plus graves dangers qui menacent aujourd'hui l'espèce humaine,
à côté de la guerre, ce qu'il appelle le robotism.
Pour notre part, nous avons
senti chez beaucoup d'hommes très spécialisés de notre temps, et cela à
des niveaux très divers de qualification et de culture technique, la conscience
plus ou moins nette d'un mal qui les atteint dans leur activité profession
nelle, les préoccupe et parfois même les inquiète profondément.
Leur malaise est d'autant plus accentué que souvent, bien que très
spécialisés, ils ne sont pas concentrés sur une œuvre, une institution, une
entreprise où ils s'engagent et donnent le meilleur d'eux-mêmes.
Ils sont,
eux au�si, emportés par ce vaste courant de dispersion qui atteint tant
d'habitants des grands centres urbains et dont l'extension est telle qu'il
constitue aujourd'hui un fait social digne d'une étude particulière et
approfondie.
Beaucoup de spécialistes, dont on imaginerait qu'ils en sont
préservés par la limitation superficielle de ieur activité, ne lui échappent
pas.
Leur travail, aliénant par l'excès de spécialisation, l'est aussi par les
conditions dispersées dans lesquelles ils l'exécutent.
II.
Tout d'abord, comme une masse croissante de leurs contemporains, ils
sont pris dans le milieu nouveau de la civilisation technicienne dont la
caractéristique est, précisément, de rendre toujours plus nombreuses et
pressantes les sollicitations et stimulations qu'il exerce sur l'individu, durant
son travail comme durant ses loisirs.
En outre, par suite de cette complexité
même, le spécialiste de valeur reconnue est appelé de tous côtés.
L'ingénieur,
le médecin ou le chirurgien, le technicien qualifié dans n'importe quel
domaine bien défini et y ayant acquis de l'autorité, ne sait où donner de
la tête : organismes publics et privés, sociétés, instituts, particuliers, etc.
L'appât du gain intervient, d'autant plus sûrement que ses besoins croissent
avec la complexité du milieu où il est saisi.
Celui-ci« tient,, ainsi et souvent
gâche le spécialiste, qu'il amène à abuser de ses techniques en appliquant
hâtivement les mêmes moyens à des circonstances présumées analogues,
sans avoir jamais le temps d'étudier sérieusement la situation, le problème,
et de les dominer.
Cette déconcentration de l'esprit, marquée par un défaut
d'intérêt, voire de l'ennui, accompagne fréquemment....
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