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Les étudiants devront résoudre le cas pratique suivant : Le gouvernement italien entend préserver certaines zones touris­ tiques de la...

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« Les étudiants devront résoudre le cas pratique suivant : Le gouvernement italien entend préserver certaines zones touris­ tiques de la prolifération des résidences secondaires.

Soucieux de favoriser une implantation durable, son projet consiste à soumettre à autorisation préalable de l'administration l'acquisition de biens immeubles dans les zones protégées afin d'empêcher l'installation de nouvelles résidences secondaires. Le gouvernement hésite quant aux personnes assujetties à cette obligation entre trois options. Option 1 - Elle ne viserait que les ressortissants des autres États membres, les Italiens ne seraient soumis qu'à une obligation de décla­ ration et un engagement pénalement sanctionné de n'utiliser les lieux que dans un but commercial ou de résidence principale. Option 2 - Elle viserait tant les nationaux que les ressortissants des autres États membres à 1'exception des personnes déjà résidentes dans un rayon de 200 km de ces zones protégées. Option 3 - Elle viserait tant les nationaux que les ressortissants des autres États membres. 1) Que pensez-vous, au regard du droit communautaire, de la légalité de chacune de ces options ? Finalement, l'Union européenne décide d'intervenir et de mettre en place une politique communautaire d'aménagement du territoire. Ainsi, un règlement communautaire fixe-t-il la liste des zones dans lesquelles est prohibée de façon générale l'établissement de rési­ dences secondaires.

Le texte prévoit que la Commission devra réviser cette liste en janvier 2002 pour exclure les zones qui ne seraient plus menacées. M.

Crébillon rêve d'acquérir une maison de campagne dans l'île de Cythère et s'attend à voir celle-ci rayée de la fameuse liste. Malheureusement, en juillet 2002, la Commission n'avait toujours pas procédé à la révision prévue.

Crébillon décide alors de forcer le destin et acquiert cette résidence secondaire tant convoitée. 2) Quelles sont les voies de droit que pourrait exercer Crébillon tant en demande qu'en défense? Quid de leur pertinence? Corrigé Question 1 : La légalité du droit italien L'article 56 du Traité CE consacre la libre circulation des capitaux au sein de l'Union européenne, c'est-à-dire la prohibition de toutes restrictions aux mouvements de capitaux entre États membres.

Or, l'acquisition d'un bien immobilier est perçue en droit communautaire comme un investissement, comme le montre l'arrêt Konie de 1999 1 • L'article 56 CE, qui s'est vu recon­ naître un effet direct, est donc applicable2• La liberté d'établissement posée par l'article 43 CE est pareillement expo­ sée car l'acquisition d'un immeuble peut être nécessaire à l'exercice de l'acti­ vité visée.

Certes, le droit italien ne soumet pas à autorisation une acquisi­ tion dans un but commercial, mais il reste qu'une acquisition privée peut se révéler nécessaire à l'exercice de l'activité3• La démarche à suivre pour apprécier la légalité du droit italien tant à l'égard de l'article 43 CE que l'article 56 CE est donc comparable. Option 1 Ble ne viserait que les ressortissants des autres États membres, les Italiens ne seraient soumis qu'à une obligation de dédaration et un engagement pénalement sanctionné de n'utiliser les lieux que dans un but commercial ou de résidence prin­ cipale. 1.

CjCE, I" juin 1999, Konle C-302/97, Rec.1-3099, pt 22, « Quant aux mouvements de capitaux, ils comprennent les opérations par lesquelles des non-résidents effectuent des investissements Immobiliers sur le territoire d'un Êtat membre, ainsi qu'il ressort de la nomenclature des mouve­ ments de capitaux figurant à l'annexe I de la directive 88/361/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en œuvre de l'article 67 du traité UO L 178, p.

5) ». 2.

CJCE, 14 décembre 1995, Sanz de Lera, C-163/94, Rec.

4830. 3.

CJCE, 1"' juin 1999, Konle C-302/97, pt 22, « Il est tout d'abord constant que des mesures natio­ nales qui réglementent l'acquisition de la propriété foncière sont soumises au respect des disposi­ tions du traité concernant la liberté d'établissement des ressortissants des Êtats membres et la liberté des mouvements de capitaux.

En effet, ainsi que la Cour l'a déjà jugé, le droit d'acquérir, d'exploiter et d'aliéner des biens immobiliers sur le territoire d'un autre Etat membre constitue le complément nécessaire de la liberté d'établissement, ainsi qu'il ressort de l'article 54, paragraphe 3, sous e), du Traité CE (arrêt du 30 mai 1989, Commission/Grèce, 305/87, Rec.

p.

1461, point 22) ». dence constante qu'une disposition nationale qui prévoit une distinction fondée sur /e critère de la résidence risque de jouer principalement au détriment des ressortis­ sants d'autres États membres car elle est susceptible, par sa nature même, d'affec­ ter davantage /es ressortissants d'autres États membres que /es ressortissants nationaux.

En effet, /es non-résidents sont /e plus souvent des non-nationaux J>9• Il existe donc dans cette hypothèse un risque de discrimination indirecte puisque la catégorie favorisée - les résidents de moins de 200 km des lieux protégés - risque fort d'être d'abord des italiens.

Cette qualification de dis­ crimination indirecte est d'importance, car elle induit pour l'État italien l'impossibilité d'invoquer les raisons impérieuses d'intérêt général.

En effet, « des réglementations nationales qui ne sont pas indistinctement applicables aux prestations de services, que/ que soit /e lieu de résidence du bénéficiaire, et qui sont dès lors discriminatoires ne sont compatibles avec /e droit communautaire que si el/es peuvent relever d'une disposition dérogatoire expresse, te/ /'article 56 du Traité CE »10• Il reste que le critère de la résidence n'est pas toujours source de discri­ mination indirecte. Ainsi, comme le rappelle la Cour dans l'arrêt Borawitz du 21 septembre 2000, « If en va autrement..

si ces dispositions sont justifiées par des considéra­ tions objectives, indépendantes de la nationalité des travailleurs concernés, et..

si el/es sont proportionnées à l'objectif légitimement poursuivi par /e droit national » 11 • Ainsi une distinction entre plusieurs personnes, indépendante de la natio­ nalité, mais qui a des incidences discriminatoires, ne sera pas qualifiée de dis­ crimination indirecte si le critère de distinction appliqué est pertinent au regard de l'objectif poursuivi et si l'effet restrictif reste proportionné.

En d'autres termes, l'État italien doit prouver que le fait de distinguer les rési­ dents de moins de 200 km des autres sujets de droit était objectivement pertinent et proportionné au regard des buts poursuivis puisqu'il y a un risque de discrimination indirecte. Ainsi, le gouvernement italien entend lutter contre la désertification de certaines zones, et notamment la disparition d'une population locale durable. On en peut nier le caractère objectif et d'intérêt général de cette ambition. Il reste qu'il faut examiner si la réponse apportée est proportionnée, c'est-à­ dire s'il n'existait pas de moyens moins contraignants qui aboutiraient au même résultat.

Force est de constater que l'obligation de résidence préa­ lable de 200 km du' lieu où se situe l'immeuble convoité peut se révéler inadéquate et disproportionnée. En effet, le fait de permettre à des personnes résidant à 200 km du lieu en cause d'acquérir une résidence secondaire n'est pas de nature à maintenir sur place ou à proximité une population locale, car les distances sont trop 9.

CJCE, 29 avril 1999 Ciola, C-224/97, Rec.

1-2530, pt 14.

CJCE, 7 mai 1998, Clean Car Autoservice, C-350/96, Rec.

p.

1-2521, pt 29). 1O.

CJCE, 29 avril 1999, Ciola, C-224/97, ibid pt 14.

CJCE, 26 avril 1988, Bond van Adverteerders e.a., 352/85, Rec.

p.

2085, pt 32. 11.

CJCE, 21 septembre 2000, Borawitz, C-124/99, Rec.

1-7306, pt 26.

CJCE, 27 novembre 1997, Meints, C-57/96, Rec.

p.

l-6689, pt 45. importantes.

Cela conduit à accorder à beaucoup de résidents en Italie un avantage qui ne contribue pas à atteindre l'objectif proclamé; en ce sens, la mesure est disproportionnée. Dès lors, il est possible d'estimer que l'option 2 recouvre une discrimina­ tion indirecte. Quant aux dérogations invocables, ce sont celles explorées dans l'option I puisqu'il y a pareillement discrimination.

L'option 2 est donc incompatible avec le droit communautaire, aucune dérogation textuelle ne pouvant jouer. Option 3 Elle viserait tant /es nationaux que /es ressortissants des autres États membres. Dans cette hypothèse, la norme italienne ne procède à aucune discrimina­ tion puisqu'elle applique le traitement national aux acquisitions de biens immobiliers par des étrangers.

Il reste que la norme peut néanmoins se révéler contraire tant à l'article 43 CE que 56 CE. En effet, la Cour connaît la notion d'entrave non discriminatoire tant dans le domaine de la libre circulation des marchandises 12, de la libre prestation de services 13 que de la liberté d'établissement 14• Cette jurisprudence est une réponse au défaut d'harmonisation entre les États membres et conduit à dis­ penser le ressortissant communautaire du respect du droit d'accueil indis­ tinctement applicable.

La Cour a fait clairement application de ce dépasse­ ment du traitement national en matière de libre circulation des capitaux dans un arrêt Reisch du 5 mars.... »

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