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« Les lettres nourrissent l'âme, la rectifient, la consolent. » Que penser de cette maxime de Voltaire ? Elle semble...

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« « Les lettres nourrissent l'âme, la rectifient, la consolent.

» Que penser de cette maxime de Voltaire ? Elle semble assez bien s'appliquer au rôle de la littérature, si l'on admet évidemment que le philosophe en parlant de « lettres » désigne les chefs-d'oeuvre de la littérature, et non les innombrables écrits produits chaque siècle, dont la plupart sont bien incapables d'exercer quelque influence au niveau de l'âme.

En effet, la littérature s'adresse directement à la faculté essentielle de l'homme, l'âme, qui se « nourrit » littéralement de l'expression d'autres âmes, s'enrichit au contact des penseurs de tous temps, et cela quelle que soit leur opinion, ce qui nous amène à la seconde vocation des lettres selon Voltaire : « rectifier l'âme ».

Etymologiquement, cela signifie « la rendre droite », capable de bien penser, de bien juger.

Réflexion digne d'un siècle de philosophes ! Cette définition, que j'approuve dans son ensemble, me semble cependant sujette à quelques contestations dans les cas particuliers.

Voltaire ajoute encore : « les lettres consolent l'âme».

Cela me semble assez vrai.

La littérature console l'âme des dures réalités matérielles, des souffrances humaines, en s'élevant au niveau intellectuel et en affermissant les qualités de courage, de réflexion et de volonté qui nous donnent la force d'affronter la vie.

Cependant là encore il me semble qu'il faut nuancer un peu.

En bref, cette définition que Voltaire donne de la littérature ne me paraît pas contestable pour le fond ; mais exprimée sous forme de maxime, donc dépouillée le plus possible, elle gagnerait à être nuancée par l'étude de cas particuliers.

De plus, une autre question se pose : est-elle exhaustive ? « Les lettres nourrissent l'âme » : cette première vocation de la littérature a de tout temps été reconnue, depuis Sophocle et Euripide, Homère et Virgile ; et cela tout particulièrement en France, où l'oeuvre littéraire est extrêmement riche, et le goût littéraire prononcé.

Certes, une distinction est à faire, qui n'a pas toujours été faite : les lettres nourrissent l'âme, donc l'homme.

Mais l'homme, composé d'« atomes spirituels » certes, mais aussi d'atomes corporels, ne se nourrit pas exclusivement de cela, comme ont eu tendance à le croire les pédants de toutes les époques, et plus particulièrement les Précieuses du XVIIe siècle.

Leurs excès en la matière leur attirent cette verte réplique que Molière place dans la bouche de Chrysale, dans Les Femmes savantes : «Je vis de bonne soupe, et non de beau langage!» Comme toute réaction, cette riposte est exagérée.

L'homme fait de matériel et d'immatériel, pour reprendre la distinction des savants des anciens temps, doit s'abreuver aux deux sources ; et quelle nourriture, pour l'âme, que ce contact avec les penseurs de tout temps, qui ont su exprimer l'être humain et ses sentiments avec génie ! Cette première définition de la littérature me paraît indiscutable, et les exemples l'appuyant se multiplient à l'infini.

Les deuxième et troisième définitions, par contre, qui ne sont en fait que des précisions apportées à la première, méritent d'être nuancées. Par la seconde vocation qu'il donne à la littérature, Voltaire suggère qu'elle nous permet en somme de « bien faire l'homme », selon l'expression de Montaigne, en nous aidant à bien penser, et à posséder un bon jugement.

Remarque particulièrement vraie à l'époque où Voltaire la formule ; au XVIIIe siècle, en effet, la littérature prend plus que jamais une orientation philosophique ; on cherche à bien juger, non seulement des questions métaphysiques — abordées par tous les grands penseurs de l'époque (Voltaire, Diderot et Rousseau, pour ne citer qu'eux) avec des opinions personnelles et fort différentes — mais aussi des cas concrets.

Ainsi Voltaire se préoccupe-t-il de jugement au sens judiciaire du terme en prenant la défense des Calas ou des Montbailli.

Le XVIIIe siècle est donc caractérisé par un grand brassage d'idées, exprimées par de grands auteurs littéraires, au contact desquels un esprit cultivé peut affermir son propre jugement.

Mais l'opinion de Voltaire se vérifie également aux siècles précédents : Montaigne, Rabelais ont cherché à «rectifier» l'âme, et, au xvii siècle, La Rochefoucauld, Mme de La Fayette, ainsi qu'avec les moyens théâtraux Corneille ou Molière.

Tous ces écrivains, en formulant des idées, en critiquant telles autres, affermissent notre propre jugement et « rectifient » notre âme. Ce but, cependant, risque de n'être pas toujours atteint.

Si l'information est partielle, l'âme, loin d'être « rectifiée », risque d'être «déviée», car certains écrivains, emportés par l'ardeur polémique, ou simplement exaltés de nature (je pense en particulier à Rousseau), présentent un danger certain à être pris au pied de la lettre.

Voltaire a d'ailleurs prévenu ce danger en écrivant « les lettres », considérant donc la littérature dans son ensemble.

Étant bien entendu que l'on ne peut tout connaître, il est cependant nécessaire d'entrer en contact avec un grand nombre de penseurs et d'opinions, et d'être soi-même équilibré au départ.

A ces conditions, la littérature peut effectivement améliorer notre jugement et rectifier notre âme. Si cette deuxième vocation semblait plus particulière au « siècle des Lumières», la troisième, qui est de «consoler» l'âme, semble essentiellement trouver sa justification au XIXe siècle.

La littérature console l'âme des souffrances humaines, en nous emmenant dans d'autres univers (le changement ne serait-il que géographique :.... »

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