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LES MISES EN SCÈNE Voici une pièce dont le texte connut bien des infor­tunes avant de s'imposer finalement à la...

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« LES MISES EN SCÈNE Voici une pièce dont le texte connut bien des infor­tunes avant de s'imposer finalement à la scène. ■ Les infortunes de Dom Juan La cabale œuvra tant et si bien que, malgré le franc succès des représentations, il fallut retirer la pièce de l'affiche.

En outre, alors même que le privilège pour imprimer l'œuvre avait été obtenu, il fut impossible d'en user avant 1682.

Or, le texte de 1682, publié donc après la mort de l'auteur, est en partie mutilé, en raison des coupes que Molière dut lui-même pratiquer pour apaiser les esprits.

Et pourtant, une saisie sur ordre de police retira de la vente la plupart des exemplaires afin de les soumettre à de nouvelles corrections. Vraiment, la censure ne cessa de s'acharner sur cette œuvre maudite.

En 1683, enfin, parut à Amsterdam une édition authentique, conforme au texte de la première représentation En réalité cette édition fut alors largement ignorée. En effet, après la mort de Molière, la veuve de l'auteur autorisa une reprise de la pièce et confia à Thomas Corneille (le frère de Pierre) le soin de l'adaptation de Dom Juan; lui-même écrit au début de son texte : « Cette pièce dont les comédiens donnent tous les ans plusieurs représentations, est la même que M.

de Molière fit jouer en prose peu de temps avant sa mort. Quelques personnes qui ont tout pouvoir sur moi m'ayant engagé à le mettre en vers, je me réservai la liberté d'adoucir certaines expressions qui avaient blessé les scrupuleux.

» Adoucir était en l'occurrence un faible mot.

Thomas Corneille crut bon de supprimer entièrement la scène du pauvre, celle de l'acte V où Don Juan affronte Don Carlos, et les multiples allusions, prétendument impies, mais qui donnaient tout son sens et toute sa valeur à la pièce.

En revanche, il ajouta un certain nombre de passages nouveaux, dans lesquels Don Juan s'occupe encore d'intrigues amoureuses diverses.

Bref, il livre au public un texte émasculé dans lequel la dimension religieuse du libertinage, qui contribuait grandement à l'originalité du Dom Juan de Molière, est escamotée au profit de la dimension amoureuse traditionnelle. 100 DoM]UAN ] 1 1 1 C'est cette version de Thomas Corneille qui fut toujours mise en scène, et ce jusqu'en 1841 ! Certes, le texte véritable de Molière était connu, mais dans l'édition expurgée de 1682.

Autant dire que l'œuvre authentique de Molière demeura largement inconnue. Les mises en scène suivaient donc le texte qui était alors disponible : elles font de Don Juan un brillant séducteur, et de Sganarelle un plaisant bouffon. L'ambiguïté des deux personnages est gommée, surtout l'aspect religieux (ou anti-religieux) de Don Juan. C'est donc le texte édulcoré qui est présenté au public, et la pièce connaît un succès mitigé. En 1847, le Théâtre Français remet la pièce d'origine au goût du jour.

La musique du Requiem et du Don Giovanni de Mozart occupe les entractes.

Le projet est excellent, mais embarrassée par la tradition du texte, la mise en scène, à une époque où pourtant le romantisme permet une certaine audace, n'ose pas assumer le radicalisme des ses parti-pris. Entre 1847 et 1900, la pièce fut jouée quatre-vingts fois, ce qùi, en fait, est assez peu.

Elle était appréciée, mais redoutée.

La difficulté d'un texte aussi complexe rebuta de nombreux metteurs en scène. Par conséquent, la pièce de Molière a beaucoup souffert, pendant plus de deux siècles, car le texte, affaibli par les coupures et les censures successives, a suscité des mises en scène assez fades, dans lesquelles la portée religieuse de l'œuvre se trouve singulièrement diminuée. ■ La fortune nouvelle À partir du x:xe siècle, l'œuvre fut plus souvent montée, et les metteurs en scène osèrent davantage.

En PROLONGEMENTS 101 1917, Duflos campa sur la scène un Don Juan byronien, un athée moins séducteur que philosophe.

Cet acteur, qui avait alors 59 ans, rompait avec la tradition du brillant séducteur, et créait un personnage bien plus profond, que le public, mal préparé, n'apprécia guère. En 1932, Meyerhold proposa en U.R.S.S.

une lecture résolument moderne de la pièce où il voulait voir un témoignage de la lutte des classes : Sganarelle représentait le peuple, le bon sens et la bonne morale face à Don Juan, symbole d'une noblesse décadente, condamnée à disparaître par la marche de l'histoire.

Ce parti-pris de mise en scène était anachronique, mais il avait du moins le mérite de l'audace, et proposait une interprétation nouvelle, inspirée du matérialisme dialectique, c'est-à-dire du marxisme, susceptible d'enrichir le texte de Molière. En 1947, au théâtre de !'Athénée, dans un décor baroque de Christian Bérard, Louis Jouvet proposa un Dom Juan qui connut deux cents représentations.

Lui aussi laisse tomber l'image facile du séducteur frivole et incarne au contraire un héros sceptique, âgé (l'acteur a déjà 60 ans), et profond; pour lui, Molière a fait d'un personnage de comédie le lieu d'une réflexion métaphysique: « à l'égal de Pascal ou de Bossuet, il pose aux spectateurs l'interrogation véritable d'un moraliste véritable. C'est l'angoisse d'un homme vis-à-vis de son destin : c'est de salut et de damnation qu'il est question dans le Dom Juan de Molière.

» Jouvet, contrairement aux tenants de la cabale contre Molière, voit dans cette œuvre une quête spirituelle authentique.

Il met en évidence cette « série d'avertissements providentiels donnés à Don Juan», et dans une perspective pascalienne, il fait du héros un homme qui s'efforce de croire, mais à qui la grâce a manqué.

Quant 102 DoM]UAN à Sganarelle, incarné par Fernand René, rompant là encore avec la tradition bouffonne, il apparaissait comme un croyant sincère, pleurant vraiment devant le caractère foncièrement pécheur de son maître. Voilà encore une autre interprétation, sans doute excessive, car enfin le héros de Molière est avant tout un impie ; mais elle donne à voir la profondeur du personnage et restitue à la dimension religieuse toute son importance.

En outre, cette vision, du point de vue dramatique, donne à la pièce une.... »

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