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Les objets, le choix des détails, le réalisme Les Nouvelles de Pétersbourg regorgent de détails de toute sorte. Les objets...

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« Les objets, le choix des détails, le réalisme Les Nouvelles de Pétersbourg regorgent de détails de toute sorte.

Les objets y jouent un rôle de premier plan. Quatre d'entre elles(« Le Portrait»,« Le Journal d'un fou», « Le Nez»,« Le Manteau») ont pour titre un objet. Épris de précision, Gogol pratique ce que l'on pourrait appeler la vision rapprochée.

Les objets minutieusement décrits �mt tout d'abord pour fonction principale de créer un effet de réel.

Ils servent de repères sociologiques et psychologiques. Toutefois, leur rôle ne se borne pas à cela.

Sous la plume de Gogol, les êtres humains se transforment en objets, se réifient.

D'autre part, et dans un mouvement inverse, les objets s'animent,acquièrent le statut de per­ sonnes.

Ainsi l'auteur entend-il signifier que le monde qu'il nous présente est en voie de déshumanisation.

Son pro­ pos est d'ordre éthique. UNE VISION RAPPROCHÉE Gogol ne procède jamais par tableaux généralisants ou exhaustifs.

S'il évoque la capitale,c'est par quartiers,voire par rues. Loin de dresser comme Balzac des descriptions totali­ santes de ses personnages, Gogol leur donne_ vie grâce à quelques détails frappants (le toupet enduit de pommade du chef de bureau de Poprichtchine, les cheveux « sem­ blables à du foin» de Poprichtchine lui-même,les tics lan­ gagiers de Kovaliov, l'ongle de Pétrovitch) qui se gravent dans la mémoire du lecteur.

Ces détails sont souvent grotesques, inattendus.

Ainsi le fameux portrait d'Akaki Akakiévitch dans « Le Manteau»(p.

237). Gogol pratique la vision rapprochée, scinde l'objet de la représentation en fragments.

L'objet fait souvent partie d'un tout (détail vestimentaire, pièce d'ameublement, bibelot, anomalie physiologique).

Cela contribue à morce­ ler la représentation, à la déstabiliser en supprimant la vision d'ensemble souvent porteuse de sens. OBJETS ET EFFET DE RÉEL L"objet, signe du réel La multiplication d'objets pas toujours nécessaires à l'ac­ tion, voire leur démultiplication, produit un effet de réel en dotant le texte d'une dimension concrète, matérielle. Le tailleur Pétrovitch est l'une des plus pittoresques figures du «Manteau».

Gogol le montre dans une scène d'anthologie qui semble sortie d'un film tant elle est pré­ sente aux yeux précisément grâce aux détails.

Pétrovitch formule son diagnostic à propos du vieux manteau tout en plongeant le doigt dans une tabatière ronde ornée du por­ trait d'un général dont le conteur se trouve dans l'incapa­ cité de dire le nom « car un rectangle de papier remplaçait le visage crevé d'un coup de doigt». Les chiens épistoliers se lancent, eux, dans des consi­ dérations culinaires circonstanciées qui nous renseignent sur les habitudes gastronomiques du Pétersbourg de l'époque. L"objet comme repère sociologique Les objets ont souvent fonction de repères sociologiques. Le début de « La Perspective Nevski» en offre un bon exemple avec l'énumération des différents types de chaus­ sures qui arpentent les trottoirs soigneusement balayés de la Perspective.

Il semble que la présentation de l'objet fasse surgir par association son propriétaire.

L'objet est premier, préexiste au vivant.

Le tableau des premières heures de la matinée est prétexte à brosser plusieurs saynètes de genre (tableaux d'intérieur ou évoquant le quotidien, natures mortes).

Leur pittoresque tient au choix de quelques objets qui permettent de visualiser la scène.

Les commis dorment encore dans leurs camisoles hollandaises, savonnent leurs joues gér:iéreuses ou boivent leur café.

Toujours dans « La Perspective Nevski», les pas de Pirogov le conduisent dans un atelier d'artisan empli de vis et de boulons d'outils de serrurier, de limaille de fer et de cuivre. Les ateliers des peintres pétersbourgeois sont décrits avec le même luxe de détails techniques, la même préci­ sion.

Nous trouvons dans « Le Portrait» l'évocation précise de tout le bric-à-brac artistique qui emplit le logis de Tchartkov : fragments de bras en plâtre, esquisses aban­ données, toiles encadrées.

Avec une précision presque naturaliste, l'auteur va jusqu'à préciser que le domestique du peintre n'hésite pas à fourrer le linge sale sous le cuir déchiré du divan de son maître. Ces détails sont révélateurs d'une hiérarchie sociale. Dans le cas du peintre, ils indiquent la bohème artistique et aussi une grande pauvreté.

L'extrême trivialité des détails choisis par Gogol rapproche son art de celui des peintres de.genre. .

Poprichtchine remarque que les bibliothèques qui garnis­ sent le bureau de son directeur contiennent en majorité des livres allemands ou français.

Ce détail renvoie à une réalité historico-culturelle : la classe supérieure usait presque uniquement du français.

Les cultures allemandes et françaises exerçaient une très forte influence en- Russie. L'habit, souvent lié au grade, tient une place prépondérante dans les Nouvefles.

Dans un premier temps, Poprichtchine est honteux de se montrer à l'objet de sa flamme dans un manteau démodé.

Plus tard, lorsque la révolte commence à l'emporter sur la résignation, il s'imagine en uniforme de général, une épaulette sur l'épaule droite, une autre sur l'épaule gauche et un ruban bleu ciel en écharpe.

Enfin, il lacère son uniforme neuf pour y tailler la cape qui convient au roi d'Espagne qu'il a désormais décidé de devenir. Cette métamorphose qui passe par une destruction est bien évidemment symbolique de la haine qu'il éprouve pour sa condition et de sa mégalomanie.

Dans « Le Nez», le bicorne, l'uniforme, le grand col droit indiquent que l'ap­ pendice nasal du major Kovaliov est désormais investi d'une importante mission.

En revanche, le vieux manteau élimé d' Akaki Akakiévitch dont le col sert au fil des années à rapiécer les autres parties du vêtement signale !'insignifiance de son propriétaire.

La femme de Pétrovitch, personnage épisodique s'il en est, porte, nous dit-on, non point le fichu mais le bonnet, signe de son appartenance à la classe des petites-bourgeoises.

On peut multiplier les exemples. L'objet comme repère psychologique Quelques mots suffisent à camper la silhouette menaçante d'un agent de police telle que l'imagine le barbier du « Nez», à rendre compte de sa peur: Il crut voir apparaître une épée, un collet rouge vif brodé d'argent ...

, et se prit à trembler de tout le corps. (« Le Nez;>, p.

203.) Quelques instants plus tard, la vision se matérialise : [...

] il aperçut au bout du pont un exempt de police à l'extérieur imposant: larges favoris, tricorne, épée au côté. (« Le Nez», p.

205.) La jeune femme qui a charmé Piskariov porte un « manteau chatoyant, qui tantôt s'illuminait d'un vif éclat à mesure qu'il approchait de la lumière d'un réverbère, tantôt se couvrait momentanément de ténèbres en s'en éloignant» (p.

52).

Cette opposition entre la brillance- et les ténèbres rend compte de la dualité du personnage .: son éclatante beauté dissimule sottise et vice.

Ce vice se concrétise dans les détails caractéristiques de la maison de passe où elle conduit Piskariov : meubles poussiéreux, toiles d'araignée aux moulures du lambris, désordre, femmes désœuvrées. Cette recherche du détail, de l'objet typique, signifiant tant du point de vue sociologique que psychologique, apparente l'écriture des Nouvelles à la tendance réaliste. Une multiplicité d'objets et de détails se bouscule sur un nombre de pages relativement petit.

Cette profusion élargit le texte et confère à des.... »

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