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Les parents Mme Roland, son époux et Léon Maréchal ont plus d'épaisseur que n'en ont, dans bien des œuvres, la...

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« Les parents Mme Roland, son époux et Léon Maréchal ont plus d'épaisseur que n'en ont, dans bien des œuvres, la femme, le mari et l'amant, réunis en un triangle bien connu.

Pour les individualiser plus forte­ ment, Maupassant àssocie chacun d'eux à un genre littéraire parti­ culier : Mme Roland est une femme romanesque, nourrie de récits à l'eau de rose ; M.

Roland est une figure de comédie ; Léon Maréchal est un personnage énigmatique, qui semble sorti d'un conte. MADAME ROLAND 1 Une figure touchante Maupassant a traité ce personnage avec un soin spécial : nous savons en effet beaucoup plus de choses sur Louise Roland que sur les autres protagonistes.

Son physique d'abord est présenté avec une certaine précision.

Sa physionomie est agréable : c'est une «femme de quarante-huit ans et qui ne les port[e] pas» (p.

68).

Elle a les cheveux châtains et un embonpoint récent.

Quelques indica­ tions sociologiques complètent ce portrait : après une vie entière dans sa bijouterie de la rue Montmartre, elle possède « une âme tendre de caissière » (p.

64), « bien tenue comme un livre de comptes » (p.

68).

La condition sociale influe lourdement sur la psy­ chologie. Ce personnage se distingue encore des autres par la manière dont il évolue dans le temps.

Nous savons ce que fut Mme Roland dans sa jeunesse.

Nous la voyons dans sa maturité.

Les dernières pages du roman nous la montrent enfin glissant vers la vieillesse.

Au cha­ pitre 1x, Pierre remarque en effet que sa mère a désormais les che­ veux blancs, et le narrateur mentionne ses « joues de cire blanches » (p.

214). Un tel changement (le roman ne couvre qu'une période de deux mois !) est révélateur.

Maupassant a voulu représenter la trajectoire de cette femme plutôt que d'en faire simplement le portrait. Tandis que les autres acteurs du récit sont fixés une fois pour toutes, Louise évolue.

Elle en est d'autant plus attachante. Fait assez rare, le romancier lui consacre un commentaire qui peut nous la rendre sympathique.

Il dit de Mme Roland qu'elle a« air heureux et bon qui plaisait à voir » (p.

68).

Cette remarque échappe au ton neutre ou mordant qu'emprunte généralement Maupassant quand il trace un portrait.

Il est l'indice d'une certaine tendresse de l'auteur à l'égard de son personnage. 1Une femme sensible et romanesque Mme Roland a pour trait dominant d'être sensible.

Lors de la promenade en mer du premier chapitre, elle regarde les falaises et la mer d'un air « attendri » (p.

62).

C'est la seule figure du roman qui ait connu l'amour.

Il serait d'ailleurs plus juste, dans son cas, de parler 0 de passion, si l'on se fonde sur les aveux faits à Jean au chapitre vn: « Je m'étais donnée à lui tout entière, corps et âme, pour toujours, avec bonheur » (p.

•183).

La relative impudeur de la phrase (Louise parle tout de même à son fils) donne une idée de la sincérité de l'héroïne. Pourtant, le sentiment porte chez elle l'empreinte d'une sentimentalit$ facile.

Car l'amour de Mme Roland est en partie redevable à ses lectures.

Nourrie de romans sentimentaux, Louise rappelle l'Emma Bovary de Flaubert1 dont les élans sont guidés par les clichés de la littérature amoureuse.

Mme Roland, « femme jeune, jolie[...] lisant des livres, applaudissant des actrices mourant de passion sur la scène » (p.

128), aime d'abord parce qu'elle s'identifie à des héroïnes de feuilleton.

Quand Pierre imagine la vie de sa mère, on est frappé du caractère artificiel et banal des songes qu'il lui prête : « Elle avait rêvé de clairs de lune, de voyages, de baisers donnés dans l'ombre des soirs» (p.

129).

Mais peut-être le narrateur renvoie-t-il dos à dos, dans ce type de formules, la mièvrerie de la mère et la sécheresse du fils. 1.

Madame Bova,y est paru en 1857. PROBLÉMATIQUES ESSENTIELLES 3 7 1 1 , _ _ _ _ _ - ·- - 1Une réflexion sur le sort des femmes L'histoire de Louise Roland n'a apparemment rien d'exceptionnel. Lorsqu'il évoque ce personnage, le narrateur sort en effet du récit particulier pour réfléchir sùr la condition des femmes.

Quand il retrace les étapes de la vie de Mme Roland, le singulier s'efface aussitôt devant le pluriel : « Elle avait épousé comme les fillettes épousent le garçon doté que présentent les parents (p.

128) ; » cc Elle avait été jeune, avec toutes les défaillances poétiques qui troublent le cœur des jeunes êtres» (p.

129). Le fait que Mme Roland évite de dire je est encore plus révélateur Elle préfère les tournures générales : cc C'est s' affreux pour une jeune tille d épouser un mari comme le mien » (p.

196) Et quand elle se plaint, ses phrases sont impersonnelles · « Comme c'est Misé- rable et trompeur, la vie ! [...] Il n'y a rien qui dure[...] cc C'est » (p 183) vilain, la vie ! Si on y trouve une fois un peu de dou..eur, on est coupable de s'y abandonner et on le paye bien cher plus tard » (p.

196).

Mme Roland pleure sur l'existence des femmes plutôt que, sur la sienne. Pierre et Jean est ur récit et non un manifeste.

Il y a pourtant ici une méditation sur le sort des filles marié& contre leur gré.

L'adultère est considéré non par le regard d'un moraliste (celui que voudrait justement adopter Pierre), mais par celui d'un homme attentif à la condition des êtres.

Il ne faut sans doute pas parler trop vite d'un féminisme de Maupassant.

Toutefois, le récit de cette vie ratée a l'apparence d'un plaidoyer pour les femmes. Dans ce roman de la trahison familiale, la femme adultère est finalement peinte comme une victime. MONSIEUR ROLAND 1Un type comique Gérôme Roland, lui, est une véritable earicature.

Son physique semble destiné à illustrer un traité fantaisiste.

Balzac a lui aussi 3 8 PROBLl:MATIQUES ESSENTIELLES brodé, dans un style pseudo-médical, sur les conséquences physiologiques de la déformation professionnelle ou de l'alimentation.

li enchaîne alors les remarques loufoques auxquelles il cherche à donner une apparence de rigueur scientifique.

Le portrait de M.

Roland. s'inscrit dans cette lignée.

L'ancien bijoutier de Maupassant « a un gros ventre de boutiquier, rien qu'un ventre où semblait réfugié le reste de son corps, un de ces ventres mous d'hommes toujours assis qui n'ont plus ni cuisses, ni poitrine, ni bras, ni cou, le fond de leur chaise ayant tassé toute leur matière au même endroit» (p.106). La formule associe de manière énergique la satire sociale et l'exagération gratuite : l'homme est une caricature vivante. Comique de répétition Maupassant a attribué à ce pantin quelques traits qui ressortissent au comique de répétition.

M.

Roland émaille le roman de ses jurons. Le « Zut de la première page amorce une longue série de » d'un chien ! » (p.

74), de Dieu ! » « nom « nom sacristi ! » (p.

98), « cristi ! (p.

146), (p.

189).

Il est bien un de ces « despotes en boutique « pour qui commander équivaut à jurer » (p.

69). A moins que ces interjections ne visent à le faire passer pour un vieux loup de mer..• Mais sa « manie de pose marine » (p.

65) ne va pas bien loin.

Elle se résume à une admiration inconditionnelle pour Beausire et à une posture hardie quand il se trouve dans son salon : « Le père se tenait toujours à cheval sur une chaise et crachait de loin dans la cheminée» (p.

147). Comique de caractère Tout chez M.

Roland est de nature à faire rire.

Son comportement et son caractère aussi.

Il est mufle en voulant être galant (p.

61); il se donne des airs terribles bien qu'il ait peur de tout le monde (p.

69); il fait semblant d'être avisé quand tout lui échappe.

C'est ainsi qu'il s'exclame : « Est-ce intéressant cela ! » (p.

213), quand, au moment du départ, Pierre se lance dans un long exposé médical pour dissimuler sa gêne.

M.

Roland est décidément incapable de comprendre les siens. PROBLÉMATIQUES ESSENTIELLES 3 9 1 1, '"==========~~=""""'""""""""'"""""~-~=====""' Comique de situation Comique de répétition et comique de caractère ne suffisent pas à M.

Roland.

Il y ajoute le comique de situation. Il ne cesse en effet de dévoiler involontairement son infortune. Bien avant que Pierre se doute de quelque chose, son père en dit assez pour que le lecteur le moins averti comprenne la vérité.

Au premier chapitre, il se souvient avec précision du geste lourdement révélateur de Maréchal se trompant de chapeau lors de la naissance de Jean.

L'amant montrait ainsi qu'il avait pris la place du mari ... sous le regard amusé du mari lui-même {« nous en avons beaucoup.... »

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