Les personnages d'Atala Atala tour à tour sensuelle et souffrante, Chactas l'amant tragique, le père Aubry qui les sépare pour...
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Les personnages
d'Atala
Atala tour à tour sensuelle et souffrante, Chactas
l'amant tragique, le père Aubry qui les sépare pour mieux
les unir dans la foi : nous interrogerons ici ces trois pro
tagonistes du drame, que met en relief la présence sym
bolique de quelques personnages secondaires.
ATALA
« Mon fantôme sans nom des bois de l'Armorique, écrit
Chateaubriand au premier Livre des Mémoires, est devenu
Atala sous les ombrages de Floride» : la femme idéale
qui le hantait, Sylphide de ses rêves d'adolescent, s'est
incarnée en héroïne de roman.
C'est d'abord une apparition, sensuelle et vertueuse,
avec ce crucifix qui « brillait sur son sein», sous les yeux
éblouis de Chactas prisonnier.
C'est tout au long du récit
la vierge déchirée par des amours inconciliables : celui de
sa mère, celui de Chactas et celui de Dieu.
C'est dans
les dernières pages une héroïne poétique : une bouche
implorante, un corps que l'on ensevelit, une âme et une
poussière abandonnée au désert...
Une apparition sensuelle
et vertueuse
Lorsque, à la lueur du feu, Chactas voit apparaître Atala,
il croit qu'on lui envoie la Vierge des dernières amours
(p.
52).
C'est sous le signe ambigu de cette sensualité
morbide que Chateaubriand place donc son personnage,
à la fois venu délivrer Chactas et le prendre sans le vouloir
au piège de la passion.
Irrésistiblement attirante (« pleine de puissance, il fallait
ou l'adorer ou la haïr»), Atala suscite un trouble éro
tique par les larmes qu'elle répand sur la plaie du captif
{p.
71).
C'est encore une larme chaude, tombant sur la
poitrine de Chactas, qui prélude aux étreintes {p.
80 et
suivantes).
Et jusque dans la mort, la jeune femme aura
la séduction d'un sein à demi découvert {p.
119).
Mais Atala, si tendre et sensuelle, voit sa vie «dévorée»
par sa virginité (p.
103) : ses lèvres ne connaîtront donc
que le goQt amer du poison {p.
105-106).
Une vierge déchirée
par des amours inconciliables
« Mon ventre a conçu : tuez-moi!» : le cri de honte de
sa mère, enceinte de Lapez avant d'épouser l'indien
Simaghan {p.
81).
prophétise pour Atala une existence
mutilée.
Atala qui sera tout amour, de la tendresse à la
passion, de la compassion au vertige, ne pourra plei
nement aimer.
Elle rêvait d'appartenir pour toujours à
Chactas, mais ce bonheur est interdit : « j'y touchais et
ne pouvais en jouir...» (p.
103)
En la vouant à la virginité, la mère d'Atala, l'être que
celle-ci aimait le plus au monde, l'a condamnée, sous
peine de parjure, à refuser un autre amour.
« 0 ma mère!
pourquoi parlâtes-vous ainsi! 0 religion qui fais à la fois
mes maux et ma félicité, qui me perds et qui me
console!» L'amour de Dieu et le souci de ne pas damner
l'âme de sa mère doivent-ils se payer de la désespé
rance?
Ainsi déchirée, Atala nous offre à la fois les traits d'une
héroïne cornélienne - entre passion et vertu - et un
visage romantÎque.
C'est celui d'une femme tour à tour
victime du manque et de l'excès: follement liée à un
vœu surhumain, mortellement frustrée des bonheurs de
la terre.
Aussi Chateaubriand lui fera-t-il choisir l'issue de
la plus grande force et de la plus insigne faiblesse : le
suicide...
Une héro·■-ne poétique
« Les plus désespérés sont les chants les plus beaux» :
le célèbre vers de Musset ne s'applique-t-il pas à mer
veille à cette héroïne souffrante, à cette «fille de l'exil»
qui dit le bonheur impossible? N'est-elle pas poésie pure,
cette femme qui apparaît « les yeux levés vers l'astre de
la nuit», enchantée dans la mort « par I'Ange de la mélan
colie», et comme transfigurée en statue «de la Virginité
endormie»? Atala au crucifix d'or, Atala au prénom qui
chante, Atala du secret, puis de la mort sublime, Atala
d'un poète...
CHACTAS
Né en Amérique mais policé par son séjour en France,
Chactas, l'indien, unit en lui l'intensité sauvage («je me
roulai furieux sur la terre en me tordant les bras», p.
106)
et la délicatesse occidentale, qui s'émeut au souvenir
d'une première promenade amoureuse (p.
57).
Ce personnage ambivâlent nous apparaîtra tour à tour
comme la victime du Destin, comme celui par qui passe
l'histoire et comme le porte-parole du romancier.
Une victime du destin
Dès qu'il a quitté Lopez, son père adoptif, Chactas va
vivr� une destinée tragique.
L'ennemi le capture et le
condamne à mort.
Confronté au mystère irritant d'Atala,
«être incompréhensible», le voici prisonnier d'un amour
impossible.
Puis il assiste, impuissant, au suicide de sa
bien-aimée.
Lui-même enfin est massacré quelques pages
après avoir reçu le baptême (p.
133).
Mais Chactas est aussi un héros romantique, «étranger
malheureux» sur la terre, et qui «n'intéresse personne»
(p.
55).
Romantiques sont ces larmes perpétuelles, plus
inépuisables que les eaux mêmes des grands fleuves
(p.
118).
Romantique encore, cette frustration douloureuse
qui le condamne à répandre «la terre du sommeil» sur
les «dix-huit printemps» de celle qu'il aimait.
Romantique
enfin, le mélange d'énergie et de passivité que suppose
sa conversion finale au christianisme...
Celui par qui passe l'histoire
Cet homme assailli de funestes pressentiments (p.
62),
qui s'efface un long moment derrière le sermon du père
Aubry, puis ensevelit son amour comme ferait la main
du Destin, cet homme semble bien souvent accomplir
davantage une fonction romanesque que vivre une existence personnelle.
Il est celui par qui passe l'histoire, et le révélateur du
long cheminement de la parole divine.
Il donne à voir (les
grands «tableaux» de la Nature, ou ce chasseur indien
pareil à une statue primitive, p.
76).
Il donne surtout
beaucoup à entendre.
C'est lui qui mène le récit et rapporte aussi bien les sentences des....
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