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Les personnages féminins Le Chevalier de la charrette est une œuvre commandée par la « dame de Champagne» (v. 1...

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« Les personnages féminins Le Chevalier de la charrette est une œuvre commandée par la « dame de Champagne» (v.

1 ).

A cette femme exté­ rieure au texte répondent, dans le récit, de nombreux per­ sonnagés féminins qui orientent le sens du roman et le devenir du héros.

Trois figures essentielles se dégagent de cet ensemble: la mère, l'amante, l'amie; cette trinité est suggérée, symboliquement, par les trois pleureuses du cor­ tège de la reine (v.

555).

Mais, par-delà cette diversité, s'exprime l'éternel féminin, qui entoure Lancelot de son mys­ tère, de sa sensualité et de sa sollicitude. TROIS VISAGES DE LA FEMME La mère Dans Le Chevalier de la charrette, rien n'est dit sur les ori­ gines de Lancelot: pur produit de la légende, le personnage n'a pas d'histoire, et vient de nulle part.

Chrétien de Troyes nous livre son nom, Lancelot du Lac, mais ne l'explique pas. Il se contente d'un bref commentaire sur l'anneau magique qu'a donné à Lancelot u·ne fée (qui reste anonyme), sa mère nourricière : Cette dame était une fée qui lui avait donné l'anneau et qui l'avait élevé durant son enfance. (v.

2345-2347). Le mystère qui entoure l'enfance de Lancelot sera levé au x111e siècle, dans le Lancelot en prose, où un continuateur, creusant l'indication initiale, dotera le héros d'une filiation claire : fils de la reine Hélène et du roi Ban de Benoïc, Lancelot a été enlevé et nourri par la fée Viviane, la dame du lac.

Chez Chrétien de Troyes, cette fée n'intervient que par l'intermédiaire de l'anneau magique qui permet à Lancelot de briser les enchantements : inutile dans le château aux portes retombantes (v.

2327-2353), l'objet prouve son efficacité lors de la traversée du Pont de !'Épée (v.

3125-3129).

De loin, la mère nourricière veille sur son fils, lui-même en quête d'une autre figure lointaine : Guenièvre. L'amante La reine Guenièvre est la dame de Lancelot, sa suzeraine, qui l'assujettit à la loi d'un amour tyrannique.

Enlevée par Méléagant, elle est l'absente, l'objet de la quête.

Hormis la scène où elle se donne à Lancelot, elle reste en retrait du récit.

Mais son souvenir et ses exigences placent l'amant dans une dépendance continuelle, sans cesse ravivée par des signes qui jalonnent son parcours : le peigne abandonné au bord de la fontaine, les rumeurs qui courent sur la mort de la reine.

Dépersonnalisée, à peine décrite (seuls ses cheveux suggèrent sa beauté, aux vers 1414-1415 et 1479-1494), Guenièvre est l'Autre, une force d'attraction qui motive la quête de Lancelot sans qu'on sache pourquoi ni depuis quand: rien n'est dit sur l'origine de la passion adultère qui lie le chevalier à la reine.

Guenièvre se résume tout entière dans le désir qu'elle inspire, et qui soumet le héros à une double aliénation, physique et psychique.

A sa pensée, à sa vue, Lancelot perd le contrôle de son corps: il est« pris d'une soudaine faiblesse» (v.

1424), lorsqu'une jeune fille prononce le nom de la reine, et même prêt à « basculer dans le vide » (v.

567) en voyant le cortège dans lequel Méléagant emmène sa captive.

Il n'est pas davantage maître de son ·cœur, qu'il a« confié» à sa dame (v.

1230). A cette dépendance du chevalier répond celle de Chrétien de Troyes à l'égard de la dame de Champagne.

Le prologue affiche une fausse modestie: l'auteur prétend se borner à écrire ce que sa dame lui dicte.

Mais le romancier reprend ses droits à la fin du récit, sous le nom de Godefroi de Leigni : il affirme son autonomie en libérant le héros de lq tour où l'avait conduit sa quête amoureuse.

Or dans cette tour où Lancelot se lamente, le souvenir de la reine a disparu ; Guenièvre sera d'ailleurs bientôt remplacée par celle qui permettra au héros de s'évader et qui deviendra son amie.

On assiste donc à une double trahison, celle de l'amant, Lancelot, oublieux de Guenièvre, et celle de !'écrivain, Chrétien de Troyes, transgressant le thème initial de l'adultère commandé par Marie de Champagne.

Dans les deux cas, la fidélité exclusive à la dame semble conduire à une impasse : le dévouement de Lancelot à la reine mène à la prison, et celui de Chrétien à son mécène entraîne le tarissement de l'inspiration romanesque. Face à l'obéissance due à la femme dominatrice, se dessine une autre valeur féminine, celle de l'amitié, fondée sur l'échange. L'amie Au cours de son errance, Lancelot croise de nombreuses femmes.

Certaines lui offrent l'hospitalité ou leur aide : ainsi l'hôtesse du château au lit défendu (v.

43D-595), ou la jeune fille entreprenante (v.

923-1280).

D'autres encore favorisent ses desseins par leur complicité bienveillante, comme la femme du sénéchal, qui s'éprend du prisonnier dont Méléagant lui a confié la garde (v.

5436-5501).

D'autres encore l'entourent de leurs conseils: l'une,« en femme avisée» (v.

612) lui indique le chemin qui mène aux deux Ponts, une autre, « jeune fille intelligente» (v.

3635), l'incite à regarder la reine, dont la vue lui donnera assez de force pour vaincre Méléagant.

Par leurs prières, certaines de ces femmes manifestent leur sympathie pour le héros : la jeune fille dont Lancelot a repoussé les avances le recommande à Dieu (v.

1278); les pénitentes de Gorre, captives de Méléagant, observent le jeûne et pratiquent la mortification pour que Dieu accorde à Lancelot le succès de sa mission (v.

3524-3531 ). Parmi elles, une place privilégiée revient à la sœur de Méléagant, qui semble intervenir à deux, ou même trois reprises en faveur du héros : peut-être déjà sous la figure de la demoiselle qui le supplie d'épargner le chevalier du gué en échange d'une récompense future (v.

888-927); puis à coup sûr sous l'aspect d'une jeune fille, montée sur une mule, qui lui réclame la tête d'un chevalier orgueilleux, et lui promet un « bienfait» (v.

2780-2941) ; enfin, lorsque, à nouveau sur une mule, elle vient libérer Lancelot de la tour (v.

6532-6706). Ainsi, plusieurs interventions féminines ponctuent la quête du héros.

Mais il esf souvent difficile d'identifier ces personnages que rencontre Lancelot. L'ÉTERNEL FÉMININ Multiplicité et anonymat Chrétien joue sur la multiplicité et l'anonymat des personnages féminins.

Il s'agit moins de personnes individualisées que de rôles narratifs.

Ces femmes n'ont pas d'existence propre: seule, leur contribution à la quête de Lancelot justifie leur présence sur son chemin. Même la dame de Champagne peut être réduite à une fonction utilitaire, puisqu'elle est à l'origine du récit: elle donne naissance au roman.

De son côté, la reine n'échappe pas à la règle de l'anonymat.

Elle est seulement désignée comme « la femme du roi Arthur» (v.

1423); cette appellation rappelle l'interdit qui entoure l'épouse et la protège de toute relation.... »

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