Devoir de Philosophie

Les registres de la tragédie On appelle registre la manifestation par le langage des émotions qu'un auteur se propose de...

Extrait du document

« Les registres de la tragédie On appelle registre la manifestation par le langage des émotions qu'un auteur se propose de susciter chez son lecteur.

Une œuvre joue en général sur plusieurs registres à la fois.

La tragédie en privilégie trois : le pathétique, le dramatique, et, naturellement, le tragique. LE REGISTRE PATHÉTIQUE Le mot pathétique vient du grec pathos, qui signifie « souffrance ». Appartient donc au registre pathétique toute expression de la dou­ leur, quelle qu'en soit la forme : larmes, cris, gestes, champs lexicaux appropriés, rythmes syntaxiques. Le registre pathétique vise toujours à susciter la compassion.

En voici les principales traductions. 1 La souffrance mise en scène Pour se punir d'être parricide et incestueux, Œdipe se crève les yeux.

Le Messager décrit en ces termes l'affreuse mutilation : C'est un spectacle alors atroce à voir.

Arrachant les agrafes d'or qui servaient à draper ses vêtements sur ellel, il les lève en l'air et il se met à frapper ses deux yeux dans leurs orbites.

« Ainsi ne verront­ ils plus, dit-il, ni le mal que j'ai subi, ni celui que j'ai causé ; ainsi les ténèbres leur défendront-elles de voir désormais ceux que je n'eusse pas dû voir2 [•..] ». Et tout en clamant ces mots, sans répit, les bras levés, il se frappait les yeux, et leurs globes en sang coulaient sur sa barbe3. 1.

Il s'agit de Jocaste, mère et épouse d'Œdipe. 2.

C'est-à-dire les enfants que Jocaste lui a donnés. 3.

Sophocle, Œdlpe Roi in Tragédies de Sophocle, trad.

Paul Mazon, Éditions Gallimard, coll.

• Folio •, 1973, p.

242. Et la didascalie de préciser aussitôt après : face sanglante, cherchant sa route à tâtons. « Œdipe apparaît, la » Cette apparition d'Œdipe porte à son comble l'horreur du récit du Messager.

La souffrance est dite et montrée. 1La souffrance clamée Les bienséances interdisent à la tragédie classique _de montrer de telles scènes.

Aussi la souffrance s'exprime-t-elle dans les champs lexicaux de la douleur, par des exclamations ou par des interrogations qui sont autant de cris du cœur, par le rythme haché de l'alexandrin.

C'est Rodrigue frappé de stupeur quand il apprend qu'il lui faut affronter en duel le père de Chimène : Misérable vengeur d'une injuste querelle Et malheureux objet d'une injuste rigueur, Je demeure immobile, et mon âme abattue Cède au coup qui me tue. (Corneille, Le Cid, I, 6, v.

293-296.) Hermione dit son désarroi de voir Pyrrhus lui échapper : Où suis-je ? Qg'ai-je fait? Qge dois-je faire encore ? Qgel transport me saisit ? Qgel chagrin me dévore ? Errante et sans dessein, je cours dans ce palais. Ah ! ne puis-je savoir si j'aime ou si je hais ? ("R:acine,Andromaque, V, 1, v.

1393-1396.) 1La souffrance modulée Les allitérations4 traduisent presque musicalement les élans de la douleur.

Quand Phèdre veut traduire son désespoir, elle s'écrie : Tout m'afflige et me nuit, et conspire à me nuire ("R:acine, Phèdre, I, 3, v.

161). Les occurrences en [Il et les consonnes sifflantes en [F] et [S] sont autant de stridences douloureuses.

De même quand Phèdre plaint le sort de sa sœur : 4.

Une allitération est la répétition des mêmes consonnes ou syllabes, qui, souvent, produisent un effet d'harmonie imitative : les sonorités tendent à évoquer l'objet décrit ou l'idée exprimée. 36 LA TRAGÉDIE I Ariane, ma sœur, de quel amour blessée, Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée ? (Ibid., I, 3, v.

253-254.) LE REGISTRE DRAMATIQUE Il convient de ne pas confondre le sens courant du mot dramatique qui est devenu synonyme de « catastrophique » avec son sens littéraire.

Le mot dramatique dérive du grec drama, qui signifie« action». Appartiennent donc au registre dramatique les péripéties, les coups de théâtre, tout ce qui donne à l'intrigue un rythme haletant.

Il s'agit de faire naître chez le lecteur un intérêt sans faille, ainsi que des émotions fortes. IL'affrontement par stichomythie La stichomythie5 accélère l'échange des répliques.

Elle est donc propice aux scènes d'affrontement.

Dans Le Cid, le Comte reproche à Don Diègue d'avoir été nommé précepteur du prince.

À ses yeux, c'est un « honneur » immérité : LE COMTE.

- Vous l'avez eu par brigue, étant vieux courtisan. DON DIÈGUE.

- !Jéclat de mes hauts faits fut mon seul partisan. LE COMTE.

- Parlons-en mieux, le Roi fait honneur à votre âge. DON DIÈGUE.

- Le Roi, quand il en fait, le mesure au courage. LE COMTE.

- Et par là cet honneur n'était dû qu'à mon bras. DON DIÈGUE.

-Qui n'a pu l'obtenir ne le méritait pas. LE COMTE.

- Ne le méritait pas ! moi ? DON DIÈGUE.

- Vous. LE COMTE.

- Ton impudence téméraire vieillard, aura sa récom[pense. (Il lui donne un sozef]let.) DON DIÈGUE, mettant l'épée à la main.

- Achève, et prends ma [ vie, après un tel affront, Le premier dont ma race ait vu rougir son front. (Corneille, Le Cid, I, 3, v.

219-228.) 5.

La stichomythie est un dialogue où les interlocuteurs se répondent vers pour vers.

Voir 111° partie, chapitre 2, p.

142. LA TRAGÉDIE 37 ILa prédominance des verbes d'action Dans Andromaque, Oreste fait à Hermione le récit de l'assassinat de Pyrrhus: Nos Grecs rl ont répondu que par un cri de rage; I.:infidèle6 s'est vu partout envelopper, Et je rlai pu trouver de place pour frapper. Chacun se disputait la gloire de l'abattre. Je l'ai vu dans leurs mains quelque temps se débattre, Tout sanglant à leurs coups vouloir se dérober, Mais enfin à l'autel il est allé tomber. Du peuple épouvanté j'ai traversé la presse Pour venir en ces lieux enlever ma princesse, Et regagner le port, où bientôt nos amis Viendront couverts du sang que je vous ai promis. (Racine, Andromaque, V, 3, v.

1514-1524.) 1Le maintien en haleine Dans Rodogune, de Corneille, la reine Cléopâtre feint de se réjouir du mariage de son fils Antiochus et de Rodogune.

Pour le célébrer, elle tend une coupe aux jeunes mariés.

Mais cette coupe.... »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓