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Les relations internationales. — La colonisation. — L’idée de civilisation.

Publié le 12/11/2016

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déplorer, plus vain encore — et désastreux de surcroît — de tenter de s’opposer par la force à ce véritable raz-de-marée. En agissant ainsi, les anciennes puissances coloniales risqueraient de détruire à tout jamais ce qui, dans leur apport outre-mer, mérite le plus d’être sauvegardé : leur œuvre intellectuelle et les rapports de culture qui se sont établis entre « métropole » et « colonies ».

 

Car autant il serait malhonnête de nier les brutalités, les exactions qui accompagnèrent presque toujours les expéditions coloniales ou la répression des soulèvements indigènes, autant il serait injuste de contester la richesse et la profondeur de cet apport intellectuel. En ce qui concerne plus spécialement la France, n’est-ce pas dans nos écoles, nos Universités que les élites asiatiques ou africaines ont appris à connaître ces principes de liberté dont elles se réclament aujourd’hui ?

 

Il est donc permis de se féliciter de ce que notre pays, après de malheureuses expériences, s’oriente aujourd’hui, avec la constitution de la Communauté, sur la voie de l’émancipation des anciennes colonies, et substitue aux rapports de domination des rapports nouveaux d’association librement consentie et de réciprocité.

 

Les mots mêmes de colonie, colonisation tendent à disparaître du vocabulaire, et c’est d’excellent augure. Nous ne les avons repris ici que pour nous conformer aux termes du programme.

 

IIL — L’IDÉE DE CIVILISATION.

 

Civilisation est un mot plus souvent employé que clairement défini. En réalité, il existe au moins deux acceptions qu’il importe de ne pas confondre : I0 Une civilisation, c’est un état de civilisation, c’est-à-dire un ensemble complexe de phénomènes sociaux, de nature transmissible, présentant un caractère religieux, moral, esthétique, technique et scientifique, commun à toutes les parties d’une vaste société ou à plusieurs sociétés en relations mutuelles. C’est ainsi que l’on parlera de la civilisation égéenne, la civilisation chinoise, la civilisation méditerranéenne, etc...

 

2° La civilisation, par opposition à l’état sauvage, à la barbarie. C’est l’ensemble des caractères communs aux civilisations définies ci-dessus. Le mot, en ce sens, présente une valeur nettement appréciative : supériorité en matière de sciences, de techniques, d’organisation sociale, etc. En ce deuxième sens, que nous avons surtout, ici, à retenir, figurent non seulement les réalisations effectives, mais l'idéal qu’une civilisation se propose.

 

Deux aspects sont à envisager, comme l’ont bien montré, respectivement, H. Bergson et Georges Duhamel : la civilisation « mécanique ” et la civilisation morale. Alors que la première a constamment progressé, la seconde reste soumise à de continuelles vicissitudes et même à d’inquiétantes régressions. La civilisation morale comprend, sans doute, des éléments intellectuels, mais elle comprend aussi des éléments

1. — LES RELATIONS INTERNATIONALES.

 

L’existence de nations séparées et rivales — économiquement, tout au moins — soulève, nous l’avons déjà indiqué, de graves et interminables difficultés. Trop souvent, les moralistes, quand ils examinent !a question des relations internationales, se placent à un point de vue mi-juridique, mi-sentimental.

 

Or, il n’est pas besoin d’être marxiste pour attribuer à l'économique un rôle essentiel dans le monde. Le simple bon-sens nous en avertit. Et rien n’est plus maladroit que de fermer les yeux devant l’évidence : la production mondiale est désordonnée, puisque nulle entente ne la vient régler sur les besoins de la consommation. D’où une concurrence, qui revêt les formes les plus sournoises ou les plus brutales, —jusques à la guerre, inclusivement. C’est la « loi de la jungle », sous les dehors courtois de la diplomatie. Le souci des débouchés commerciaux, des bases militaires ou navales, des matières premières, voilà ce qui anime

 

dirons-nous secrètement ? — ce que le programme scolaire de géographie nomme si bien les « grandes puissances économiques ». Avec l’extension du machinisme, les causes de conflits économiques deviennent sans cesse plus fréquentes et plus graves. Les guerres, en ruinant, dévastant, affaiblissant certains pays permettent à d’autres une domination économique. Les stocks épuisés, les ruines à relever fournissent une clientèle que l’on s’efforce de rendre solvable. Le chômage, momentanément conjuré, reste comme une menace à l’horizon... Qui donc, à vrai dire, ne conviendrait que l’alternance entre des périodes de production, puis de surproduction... et des périodes de guerre ne semble pas être un idéal de civilisation ?

 

Après 1918, la Société des Nattons s’était donné pour mission la paix du monde, grâce à des solutions juridiques inspirées de Kant (Projet de paix perpétuelle, 1795). Depuis, on en a souri ; certains avec une ironie méchante, d’autres avec tristesse. Les discussions de l’O.N.U. sont, à coup sûr, plus réalistes. On y aperçoit, sous une lumière plus crue, les exigences qui dressent les uns contre les autres des « blocs \" rivaux.

 

Pouvons-nous espérer que cette prise de conscience des situations respectives amènera les nations à une organisation plus rationnelle de notre malheureuse planète ? Ce ne serait possible que par un bouleversement des routines, la compression des égoïsmes... Un beau rêve ... Mais ne désespérons jamais !

 

C’est déjà un progrès que de ne pas garder les illusions anciennes et de chercher des solutions pratiques, au lieu de se borner, comme on

« 244 PHILOSOPHIE MORALE l' a fait trop longtem ps, à prêcher la «fraternité , des peuples, sur le mode sentimental , à grand renfort de rhétorique ...

La S.D.N.

put obtenir de vagu es «ententes , d'ordre culturel, scientifique ou moral .

Mais, dès qu'il s'agissait de l'économique, Machiavel se substituait à Kant ...

De 1919 à 19 30, l'assemblée générale de l'brganisation inter­ nationale du travail vota vingt-neuf conventions et trente-trois recom­ mandations.

Seules les conventions étaient soumises à la ratification des États.

Cinquante-six États furent invités à y adhérer : vingt-trois n'ont rien voulu ratifier ; seize n'ont même pas répondu ...

La S.D.N.

fut pratiquement contrainte de ne pas aborder les problèmes vraiment essentiels, vraiment importants : matières premières à répartir, dimi­ nution des heures de travail pour freiner une excessive production, etc ...

Que sera l'avenir ? L'opinion publique, mal renseign ée, souvent aveuglée par des passions, des préjugé s, des ignorance s, éprouve un immense malaise sans entrevoir de solution.

Il faudrait, comme le souhaitait Auguste Comte, plus de lucidité, plus d'objectivité « scientifique , en polit ique international e.

Moins d'« opinions "• mais une plus claire étude des faits.

G.

GusDORF (cf.

lect., pp.

385 sq.), l' un des meilleurs et plus clairvoyants moralistes de ce tem ps, constate, sans le moindre esprit «partisan "• que dans une certaine mesure, É tat, nation, patrie ne correspondent plus exactement à la réalité d'a ujourd'hui.

« Ces formes ont pu s'imposer sans conteste au respect et au dévouement des hommes à certaines époques.

Elles ne suffisent plus à satis faire les inquiétudes et les exigences du moment présent.

Elles demeurent restreintes et insuffisant es.

Elles posent plus de question qu'elles n'en résolvent.

Par delà ces déterminations trop restreintes, les hommes d'aujourd'hui aspirent à un regroupement plus large de la communauté humaine.

C'est ainsi que l'idée fédérative ne cesse de gagner du terrain, l'idée d'une organisation économiq ue, socia le, politique, plus vaste que la nation ou l'É tat , dont la raison demeure bien souvent fausse et égoïste ...

"· Et certes, il est souhaitable qu'un • gouvernement mondial » prenne corps.

Le "laissez -faire , du prétendu «libéralisme » n'est, depuis longte mps, plus possible à l'intérieur d'un pays.

Il en va de même pour l'immense collectivité internation ale.

Mais ce «gouvernement mondial », il y a deux façons de l'envisager, comparables, toutes proportions gardées, à la constitution politique d'un État : l'une correspond à la démocratie vraie, fondée sur l'égalité, la réciprocité des devoirs ; l' autre correspond à la dictature et au despotisme.

Cette dernière consisterait en l'hégémonie d'une Puissance, en sa prépon­ dérance idéologique et économique pour diriger le monde à sa guise.

Indépen damment de ce qu'il y aurait de moralement choquant dans un tel asservissement des peuples à une tyrannie probablement égoïst e, resterait le danger p.ermanent d'insurrection , de « révolutions , (donc de guerres nouvelles).

Le phénomène de dislocation d'un Em pire, suivi d'un retour au régime «féodal » serait à prévoir ...

Espérons que parei lle erreur -ce fut, à deux reprises au moins , l' erreur allemande -nous sera épargné e.

Ce qui est bien certain, c'est. »

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