Les rêves et leur sens Le rêve occupe une place importante dans « La Perspective Nevski» et « Le Portrait»....
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«
Les rêves
et leur sens
Le rêve occupe une place importante dans « La
Perspective Nevski» et « Le Portrait».
Dans le premier
cas, l'univers du rêve apparaît comme une alternative heu
reuse à un quotidien trivial et décevant.
Toutefois le
divorce entre le rêve et la réalité mènera Piskariov, le
rêveur, à sa perte.
Dans « Le Portrait» les rêves servent de
révélateur au désir, annoncent ce qui va suivre.
En effet,
l'usurier diabolique va satisfaire les aspirations que
Tchartkov a manifestées dans son rêve.
Dans « Le Nez»,
nous ne trouvons pas de rêve à proprement parler mais
nous savons que le récit s'intitulait initialement « Rêve» et
que les incroyables aventures de Kovaliov n'étaient qu'un
rêve.
En supprimant la donnée onirique, Gogol met en
place un fantastique original.
�UNIVERS ONIRIQUE
UN MONDE IDÉAL
MAIS DANGEREUX
Les romantiques opposent traditionnellement le monde
de l'ailleurs auquel on accède par la révélation mystique,
·fes drogues, la magie, la folie, l'inspiration, et le monde
des réalités quotidiennes, triviales et sordides.
L'œuvre de
Hoffmann en offre maints exemples.
Le rêve est donc l'une
des voies royales qui permettent de pénétrer ce monde
des réalités supérieures.
Les rêves de Piskariov, l'un des personnages centraux
de « La Perspective Nevski» illustrent cette idée mais en
partie seulement.
Le sens du premier rêve
Après avoir découvert que sa femme idéale n'est qu'une
fille de joie, Piskariov, rentré chez lui, fait un premier rêve.
Ce rêve est assez long puisqu'il occupe les pages 61 à 67,
ce qui indique l'importance de l'univers onirique pour ce
personnage.
Dans ce rêve, il se voit convoqué à un bal par
un laquais en riche livrée qui frappe en pleine nuit à la
porte de sa chambre solitaire.
La dame chez qui il était il y
a quelques heures le prie de venir chez elle et lui envoie
son coupé.
Une foule immense se presse auprès d'un
hôtel particulier inondé d'une vive lumière.
Au milieu des
danseurs Piskariov découvre une femme d'une rare
beauté vêtue d'une toilette extraordinaire.
C'est celle qu'il
a suivie sur la Perspective Nevski.
Elle veut lui découvrir
son secret, lui expliquer la mystérieuse raison des
étranges circonstances de leur rencontre.
Là-dessus, elle
disparaît pour un instant en promettant de revenir.
Piskariov ne peut attendre et se lance à sa poursuite, la
perd puis se réveille.
Et d'opposer les délices du rêve à
l'horreur que lui inspire la réalité : « Oh ! comme le réel est
rebutant! Qu'est-il, comparé au rêve!» (p 67.)
li est intéressant de noter que le moment où Piskariov
s'enfonce dans le rêve est présenté comme un réveil :
Piskariov sort de l'assoupissement où il était plongé
lorsque le laquais frappe à sa porte..
Cela signifie que l'entrée dans le rêve est un éveil à la vraie réalité.
Du moins
Piskariov le croit-il.
Par ailleurs, et ce n'est pas le moins étonnant, la description de ce premier rêve est dépourvue de toutes les
marques traditionnelles du récit onirique : rupture des
continuités spatiales et "temporelles, des relations logiques,
perception déformée.
Ici tout est parfaitement normal.
Tout se déroule selon un ordre chronologique sans surprises.
Les mouvements et les actes sont parfaitement
coordonnés.
Les effets de réel caractéristiques du discours réaliste abondent :
Il y prit place, la portière claqua, les pierres de la chaussée
résonnèrent sous les roues et les sabots, et des rangées
d'immeubles éclairés et d'enseignes éclatantes défilèrent
aux fenêtres du coupé.
(« La Perspective Nevski», p 62.)
Autre modification du récit onirique traditionnel : Piskariov
s'interroge sur le sens et la vraisemblance de ce qui lui
arrive.
D'ordinaire, le rêveur, tout à la fois spectateur et
acteur de son rêve, ne s'étonne nullement du décalage par
rapport à la réalité que celui-ci lui présente.
En gommant
les frontières entre rêve et réalité, en remplaçant le récit
onirique par un récit réaliste (la description de la foule qui
se presse au bal reprend, transposée, celle de la foule de
la Perspective Nevski au début du texte), Gogol entend
montrer encore que, pour Piskariov, le rêve est aussi, sinon
plus, réel que la veille.
·
La fuite dans les songes
et le suicide
Dès lors, Piskariov n'aura de cesse de retrouver les
impressions divines de son premier rêve.
Il fuit le quotidien pour plonger dans un sommeil qui lui rendra, croit-il,
toutes ses joies : ,
Les songes finirent par être toute sa vie, et dès lors toute
sa vie prit un tour étrange : on peut dire qu'il dormait
éveillé et qu'il veillait en rêve.
(« La Perspective Nevski», p.
68.)
Hélas, tous ses songes sont désormais plats et sor-,
dides.
Pour retrouver la vision qui l'obsède, il a recours à
l'opium.
De fait, sa bien-aimée fait une nouvelle apparition,
vêtue d'une robe simple et assise à la fenêtre d'une maisonnette de village.
L'opium et la tension de ses pensées vers un unique
objet font que la jeune femme va lui apparaître presque
chaque jour et toujours sous un aspect contraire à la réalité.
En effet, le rêve exprime ses pensées et ses désirs à lui: Il
n'a aucune valeur objective.
On retiendra l'image de la
bien-aimée sous les traits d'une épouse aimante regardant
son époux peindre.
Cette vision idyllique va déclencher le
drame.
Mêlant rêve et réalité, Piskariov s'en va faire une
demande en mariage dans la maison de rendez-vous.
Ses
offres de vie honnête et laborieuse ne rencontrent que
des sarcasmes.
Rentré chez lui, il se tranche la gorge.
Piskariov représente le type romantique du rêveur que le
divorce entre le rêve et la réalité mène à préférer le
monde des rêves.
Le fait que la vie rêvée débouche sur un
suicide atroce montre que Gogol, s'il reprend le thème
romantique de la fuite hors du monde vers des réalités
supérieures, le met sérieusement en question.
·
LE RÊVE,
RÉVÉLATEUR DU DÉSIR
COUPABLE ET MAUDIT
Dans « Le Portrait», Tchartkov, revenu du Marché
Chtchoukine, où il a fait l'acquisition d'un vieux tableau
représentant un vieillard de type oriental aux yeux brûlants d'on ne sait quelle passion, fait trois rêves coup sur
coup.
À la clarté de la lune (cliché romantique) il voit le
vieil hommé sortir de son cadre, s'approcher de son lit
et compter des rouleaux d'or de 1 000 ducats chacun.
Tchartkov se saisit de l'un d'entre eux, tombé au pied de
son lit.
C'est alors qu'il se réveille et voit le vieillard rentrer....
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