L'évolution du commerce mondial de marchandises peut-elle être analysée en termes de «jeu à somme positive» pour toutes les nations...
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L'évolution du commerce mondial de marchandises peut-elle être analysée
en termes de «jeu à somme positive» pour toutes les nations
qui y participent depuis la Première Révolution industrielle?
INTRODUCTION
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Accroche du sujet
De la fin du xvrne siècle à nos jours, la croissance du commerce mondial de
marchandises est, en moyenne, supérieure, à celle du produit mondial, provo
quant ainsi une ouverture croissante des économies participant à ce
commerce.
Facteur de croissance, les échanges internationaux de marchan
dises sont aussi accusés d'être responsables du sous-développement de
certaines économies nationales et, depuis les années quatre-vingt, du chômage
dans les pays industrialisés.
Définitions et problématique
Les théories du commerce international expriment bien cette ambivalence
des échanges.
L'idée que le commerce mondial est un «jeu à somme positive»
apparaît dès le xvme siècle, sous la plume de David Hume, et rencontre actuel
lement un certain consensus, au moins chez les économistes.
Ce gain à
l'échange est mesuré en termes d'une meilleure allocation des ressources pour
les participants et d'une plus grande satisfaction pour les consommateurs.
Il
l'est aussi en termes de dynamique de croissance, engendrée par la pression
concurrentielle et les transferts de technologie.
Pour les économistes d'inspi
ration marxiste, au contaire, l'échange international, expliqué, entre autres,
par les écarts de taux de profit entre les économies nationales, conduit à une
exploitation de la périphérie par le centre.
L'échec de certaines stratégies de
développement auto-centré dans les pays en développement (PED) rend
aujourd'hui discutables ces analyses.
Néanmoins, si le commerce interna
tional permet de réaliser des «gains», il n'est pas certain que le partage de ces
gains soit équitable pour tous les participants.
l'i Annonce du plan
L'analyse de l'évolution des échanges internationaux de marchandises
depuis deux siècles confirme l'idée d'un «jeu à somme positive» (I).
Cependant, la question de la répartition des gains à l'échange soulève de
nombreuses questions (II).
PARTIE I
L'étude des échanges internationaux de marchandises sur la longue période
(A) confirme les conclusions des économistes sur le caractère positif de la
participation à ces échanges (B) et explique les stratégies menées par les États
et les firmes pour s'y insérer (C).
Il A.
A long terme, la croissance du commerce international de marchandises est un
facteur de croissance.
Les travaux d'A.
Maddison révèlent que le taux de croissance en volume
des exportations de marchandises est, depuis la Première Révolution indus
trielle, deux fois supérieur en moyenne au taux de croissance du produit
mondial.
Cette tendance lourde souffre une exception : la période allant de la
Première à la Seconde Guerre mondiale.
Pendant cette période, les échanges
internationaux de marchandises ont crû moins rapidement que le produit
mondial, impliquant un processus de fermeture des économies.
La crise des
années trente est ainsi accentuée par la contraction du commerce interna
tional.
Cette évolution explique pourquoi le taux d'ouverture actuel de l'éco' nomie mondiale n'est pas sensiblement supérieur à celui de 1913.
Il semble
donc bien exister une relation réciproque et vertueuse entre le dynamisme du
commerce extérieur et la croissance économique.
L'ouverture des économies jusqu'en 1913 s'est faite principalement à partir
des échanges de produits de base.
Celle qui intervient à partir de 1945
concerne les produits manufacturés.
Les travaux du CEPII montrent que, si on
prolonge la tendance observée depuis les années soixante-dix, le taux d'inter
nationalisation des produits manufacturés atteindra presque 33% à la fin du
siècle.
Les branches représentatives de la Troisième Révolution industrielle,
1
notamment la branche électronique, connaissent des taux d'internationalisa
tion supérieurs à 50 %.
Il est intéressant de rapprocher ces chiffres des taux
d'exportation de la branche «coton» en Grande-Bretagne au début du x1xe
siècle qui étaient comparables.
Il est donc difficile de penser que les exporta
tions auraient pu être remplacées par une augmentation des marchés natio
naux dans le cadre des frontières établies depuis la fin du xvme siècle.
D'autres
indicateurs peuvent être mobilisés pour appuyer la thèse selon laquelle le
commerce international est facteur de croissance : la corrélation historique
entre les taux de croissance élevés des exportations et les taux de croissance
nationaux, le classement des pays à l'aune des échanges internationaux et le
classement selon les PIB par tête.
Ill B.
Les analyses classiques et néo-classiques du commerce international confir
ment le rôle positif des échanges de marchandises dans la croissance.
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Dès la fin du xvme siècle, les économistes ont théorisé les gains obtenus par
la participation aux échanges internationaux de marchandises.
A.
Smith
(Recherches sur la nature et les causes de la Richesse des nations, 1776) met en
lumière les deux processus qui permettent d'accroître les richesses produites
et échangées dans le cadre d'une économie nationale: la division du travail et
l'extension des marchés.
Pour A.
Smith, ces processus peuvent être étendus à
l'échelle mondiale.
La théorie économique emprunte, dans un premier temps,
les deux voies ouvertes par A.
Smith.
La division du travail implique la spécialisation des hommes et des
nations.
Quels sont les principes qui président à la spécialisation au niveau
des nations? A.
Smith donne comme réponse l'existence d' « avantages
absolus» : «L'industrie du pays n'est certainement pas utilisée au mieux de
ses intérêts lorsqu'elle sert à produire un objet qui peut être acheté ailleurs à
meilleur compte.
» D.
Ricardo pousse plus loin l'argumentation.
Avec le
modèle des avantages comparatifs, il montre que tout pays, même celui qui
dispose de tous les avantages absolus, a intérêt à l'échange et, donc, à la
spécialisation.
Cette spécialisation se fait dans les marchandises dont les coûts
relatifs sont les plus faibles.
Les hypothèses restrictives de Ricardo (concur
rence pure et parfaite sur les marchés nationaux, absence de coûts de transports, rendements d'échelle constants, immobilité du capital entre les nations)
et la question restée sans réponse de l'origine des avantages comparatifs,
amènent les économistes, en s'appuyant sur la théorie néoclassique, à
développer une autre modélisation pendant la première moitié du xxe siècle.
Selon le théorème d'HOS (Heckscher, Ohlin, Samuelson), ce sont les dotations
factorielles qui déterminent les spécialisations.
Les gains à l'échange sont
précisés, notamment en termes de quantités produites et échangées qui
augmentent et en termes de prix qui diminuent.
Le deuxième argument d'A.
Smith, l'extension des marchés, est incorporé
dans la théorisation des gains à l'échange international en levant l'hypothèse
des rendements d'échelle constants, hypothèse commune au modèle ricardien
et au modèle HOS.
L'évolution des échanges internationaux, notamment
depuis 1945, s'effectue dans un contexte de croissance et d'augmentation des
revenus des consommateurs.
Les biens échangés doivent alors satisfaire cette
«demande de différence» selon l'expression de B.
Lassudrie-Duchesne,
demande qui semble le déterminant majeur des échanges intra-branches ou
échanges de produits similaires.
Par ailleurs, les «marchés internationaux»
sont le plus souvent des marchés à structure oligopolistique ou monopolis
tique et à rendements d'échelle croissants.
Les travaux d'économistes comme
K.
Lancaster et P.
Krugman portent sur ce type de marché.
Ils prennent aussi
en compte l'échange de produits différenciés soit horizontalement (produits
variés de qualité identique, effets de marque), soit verticalement (produits de
qualité différente mais permettant de satisfaire des besoins identiques).
Selon
les modèles utilisés, l'ouverture aux échanges crée des gains d'échelle supplé
mentaires et améliore le choix des consommateurs.
fil C.
Par leurs stratégies, les gouvernements et les firmes cherchent à stimuler les
échanges internationaux de marchandises.
Les gouvernements, tant ceux des PDEM que ceux des PED, ont développé
des stratégies et des politiques commerciales visant l'insertion de leurs écono
mies et de leurs firmes dans les échanges internationaux de marchandises.
Les
résultats confirment l'impact positif du commerce extérieur sur la croissance.
Il suffit pour s'en convaincre de comparer, depuis les années cinquante, l'évo
lution de la Corée du Nord dont l'économie demeure fermée, avec celle de la
Corée du Sud, plus ouverte.
La comparaison entre la période pendant laquelle
la Chine pratiquait un développement autocentré et celle de l'ouverture est
aussi probante, comme la comparaison entre les modèles de croissance de
l'Allemagne de l'Est et de l'Allemagne de l'Ouest depuis la Seconde Guerre
mondiale.
Les économies qui se sont intégrées, sous certaines conditions, dans
le commerce international ont donc prospéré.
Cependant, les opportunités offertes par les échanges internationaux se
sont aussi traduites par des contraintes.
L'insertion, notamment dans les
conditions de progrès technique actuelles, suppose un système éducatif
performant, de bonnes infrastructures et un État garantissant la stabilité et les
droits....
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