L'hiver 1984-1985 aura été une bonne saison pour le général Mohammad Zia Ul Haq, administrateur en chef de la loi...
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L'hiver 1984-1985 aura été une bonne saison pour le général Mohammad Zia Ul Haq,
administrateur en chef de la loi martiale et, à ce titre, dirigeant suprême du
Pakistan depuis 1977.
On l'avait cru menacé par le retour en force des partis
politiques, interdits depuis l'automne 1979, et par la vive réaction de certains
groupes sociaux urbains (étudiants, avocats, femmes éduquées, notamment).
Durant
cinq mois, d'août à décembre 1983, les manifestations et grèves se sont succédé,
auxquelles ont répondu interventions policières et arrestations.
L'agitation a
touché particulièrement le Sind (au sud du pays), mais les autres provinces ont
elles aussi été affectées.
La presse prenait des libertés et faisait un large
écho au mécontentement.
Pourtant, vers la fin de l'automne, l'opposition
s'essoufflait, nombre de ses militants et la plupart de ses dirigeants étaient
emprisonnés, sans que le mouvement ne réussisse vraiment à sortir des milieux
intellectuels urbains et des bases rurales du Parti populaire du Pakistan (PPP)
de l'ancien Premier ministre Ali Bhutto.
A l'origine de l'agitation, l'annonce par le général Zia, le 12 août 1983, d'un
retour progressif à un régime "civil": organisation d'élections locales,
provinciales et nationales, dont les partis seraient exclus, promulgation d'une
Constitution fortement présidentielle, réaffirmation de la volonté d'islamiser
les institutions.
L'opposition ne parvenait pas à empêcher la tenue des
élections locales (fin septembre-début octobre 1983), mais l'abstention était
importante (environ 50%).
Malgré quelques incidents graves, les élections ont
été néanmoins un succès pour le général Zia et la junte militaire qu'il préside,
et un échec relatif pour l'opposition regroupée dans le Mouvement pour la
restauration de la démocratie (MRD) qui, prise de court, n'a pu s'organiser ni
pour boycotter le scrutin, ni pour en tirer parti.
Elle s'est toutefois
ressaisie rapidement pour préparer les prochaines échéances électorales, décidée
à s'opposer à toute élection dont seraient exclus les partis.
Les militaires restaient toutefois maîtres du jeu.
Le 1er décembre 1984, le
général Zia annonçait pour le 19 un referendum approuvant son oeuvre à la tête
de l'État et demandant qu'elle soit poursuivie, par lui et pendant les cinq
prochaines années, précisait-il "hors texte".
L'approbation fut massive et la
participation raisonnable.
Sur cette lancée, le général-président annonçait la
tenue d'élections nationales et provinciales pour les 25 et 28 février 1985
respectivement.
L'ensemble des partis politiques, à la seule exception notable
du très islamiste Jamaat-i-Islami, faisaient campagne pour le boycott, et leurs
dirigeants étaient arrêtés.
Mais le vote s'est déroulé pratiquement sans
incident, avec la participation d'une proportion significative (la moitié,
peut-être) de l'électorat.
Quelques jours plus tard, le chef de l'État dévoilait
ses intentions constitutionnelles: concentration de tous les pouvoirs exécutifs,
civils et militaires, entre les mains du président, prérogatives réduites des
assemblées, maintien de la loi martiale jusqu'à une date prochaine, mais
indéterminée.
Ces péripéties électorales n'ont pas seulement révélé l'obstination politique et
la capacité manoeuvrière du chef de l'État, elles ont aussi donné un intéressant
éclairage sur la société pakistanaise.
Ainsi, en dépit de l'absence des partis
et des limitations imposées aux campagnes électorales, celles-ci n'en ont pas
été moins animées, mettant en compétition, par exemple, 1 300 candidats pour 237
sièges à pourvoir à l'Assemblée nationale.
Rien ne saurait, en effet, empêcher
de se manifester les solidarités et rivalités qui sont la trame de la vie
sociale et politique et qui s'expriment à travers les "fraternités" (baradari),
ces structures de type clanique, intermédiaires presque obligés entre l'individu
et l'État et hors desquels les partis politiques ne sauraient penser et
développer leur implantation locale.
Si la participation électorale a été
relativement élevée, c'est en réalité d'abord parce que les électeurs ont
retrouvé dans les scrutins les enjeux locaux qui leurs sont familiers: alliances
et antagonismes de clans, approbation ou refus de la suprématie de l'un d'eux.
Le soutien du régime ou la mise en échec de l'opposition n'y ont joué qu'un rôle
secondaire.
Islamisation
Le combat entre le régime et les partis illustre en outre l'opposition de deux
conceptions différentes de la vie politique pakistanaise.
Les partis rassemblent
essentiellement des notables ruraux et des bourgeois, petits et grands, des
villes.
Ils savent leurs intérêts à la fois semblables et divergents.
Seul un
système pluraliste peut garantir la permanence de leur pouvoir, tout en laissant
s'exprimer leurs divergences, soit dans le compromis, soit dans l'alternance.
Pour les militaires au pouvoir depuis 1977, traumatisés par la tragique
sécession de 1971, le libre jeu des divergences régionales, catégorielles et
idéologiques risque de dégénérer en affrontements et constitue une menace pour
une cohésion nationale jugée trop fragile.
Le monopole de la force et de la
violence doit rester à l'État, quitte si besoin est à éliminer les organisations
susceptibles d'en faire usage.
Aux facteurs de différenciation doit se
substituer la seule référence unificatrice, l'islam, un islam à....
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