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Liberté et fatalité La liberté, valeur essentielle dans le drame romantique, s'y heurte fréquemment à la fatalité 1. Celle-ci est...

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« Liberté et fatalité La liberté, valeur essentielle dans le drame romantique, s'y heurte fréquemment à la fatalité 1.

Celle-ci est con�idé­ rée comme ·une force de malheur et de destruction, dont les causes échappent plus ·ou moins radicalement au pou­ voir de l'individu, et ·parfois même à sa compréhension. Ces causes résident dans la sphère divine; ou, plus fré­ quemment, dans les èaractères et les passions, dans les hiérarchies sociales, ou.

dans la permanence malheureuse du passé.

CJtte présence de la fatalité fait du dràme ro' ·. . .-mantique un �rame tr�giqu�. LE COMBAT DE LA LIBERTÉ ET DE LA FATALITÉ Une liberté constamment menacée Dans· le drame romantique, la liberté est indéniablement présentée comme une valeur fondamentale.

Mais elle est ·· difficile à conquérir et à conserver. 1.

Au sens strict du terme, la fatalité désigne le destin malheu­ reux d'un individu ou d'un groupe, destin déterminé àl'avance par une puissance surnaturelle, hors de portée des hommes.

Nous emploierons ce mot, comme le faisaient les Romantiques, dans , un sens plus large.

La fatalité est, dans ce ser:is, une puissance de malheur et de destruction pesant sur un personnage, et contre la­ quelle ce personnage s'avère incapable de lutter efficacement.

.La fatalité peut ainsi provenir d'une puissance extérieure qui n'a rien de surnaturel, comme les conditions sociales par exemple.

Elle peut être également intériorisée par le personnage, quand celui-ci se trouve incapable de réagir victorieusement contre ses propres passions ou pulsions destructrices.

Elle peut être également la conséquence d'un acte (ou d'une décision) du personnage lui­ même.

C'est ce qui arrive quand, malgré les conséquences inévi­ tablement désastreuses de cet acte, le personnage est ou se sent lié définitivement par lui, incapable de revenir en arrière. Hernani vit dans les montagnes, « où l'on n'est que de l'aigle aperçu» (1, 2, v.

133), « Parmi [les] montagnards, libres, pauvres et graves» (v.

135).

Mais cétte vie libre est une· vie de bête traquée:" cette bande de maquisards est poursuivie par les troupes du roi.

La· liberté du brigand Hernani est comme cernée par une fatalité terrible: celle de la condamnation à mort.

Sa vie de révolté est en effet la, conséquence de la mort de son père sur .l'échafaud. Celui-ci a été exécuté par le précédent roi, et son fils a été proscrit.

S'étant mis à la tête des.bandits des montagnes, Hernani, l'homme libre, a toute chance de suivre son père « à l'échafaud» (v.

146). Dans Ruy Blas, l'homme libre par excellence, c'est don César.

Lui aussi aime les grands espaces, et n'appré­ cie guère les palais,.

cette version dorée des prisons. Quand Ruy Blas le rencontre dans le palais royal, il lui de­ mande avec surprise ce qu'il fait là, Don César répond: «J'y passe.

/ Mais je m'en vais.

Je suis oiseau, j'aime' l'espace» (1, 3, v.277-278).

Cette vie libre, c'est la vie du brigand, que le noble don César a adoptée après sa ruine complète.

Sa liberté passe donc par la révolte contre­ l'ordre social.

Elle est en conséquence toujours menacée. De fait, I' « oiseau»· César est vendu éomme esclave par Salluste, chef de la police (1, 3).., La liberté est également menacée par la fatalité sociale et économique de la misère.

Ruy Blas en a fait l'expé­ rience.

Sans ressources, il a dû se faire laquais, ce qui est la négation même de la liberté (1, 3) .. Les affrontements directs Le combat entre liberté et fatalité s'exprime parfois dans un affrontement direct entre deux personnages.

Les dé7 nouements d' Hernani et de Ruy Blas présentent une situa­ tion de ce.

type.

Ruy Gemez dans Hernani, Salluste dans Ruy Blas, sont des représentants actifs de la.

fatalité.

Ils font d'ailleurs leur dernière entrée en scène dans un cos­ tume similaire: vêtus de noir, et masqués (H, V, 1,4; RB, V, 2).. Ce costume symboljse le statut de ces personnages: ils • sont dans ces scènes les agents d'une force obscure et maléfique. y Hernani a été gracié par don Carlos et vient d'épouser dona Sol.

Mais auparavant, don Ruy Gomez avait évité au héros d'être capturé par la justice du roi (111, 6).

En échange, Hernani a juré au vieillard qu'il pourrait exiger sa mort quand il le voudrait (111, 7).

Au dernier acte, .celui-ci exige qu'il meure.

Hernani tente alors de résister: « de toi, démon, je me délivre! / Je n'obéirai pas» (V, 5, v.

2036-2037). Mais don Ruy Gomez lui rappelle qu'il a juré sur la « tête de [son! père» (v.

2039).

Hernani renonce alors à reconquérir sa liberté.

Il boit le poison (ainsi que dona Sol), et don Ruy Gomez commente: « La fatalité s'accomplit» (V, 6, V.

2145). Dans Ruy Blas, don Salluste, aux yeux de la reine et du héros, incarne pleinement la fa'talité.

Sa vengeance contre la reine s'apparente à un piège qui, parfaitement combiné depuis le premier acte, se referme inexorablement au dernier.

Il peut alors dire à la reine: « Vous êtes dans ma main» (V, 3, v.

2128).

Celle-ci est incapable de défendre sa liberté;.«Je suis en son pouvoir», admet-elle (v.

2130). Mais la force de liberté, c'est ici Ruy Blas.

En choisissant de révéler son identité de laquais, et en tuant don Salluste (V, 3), il empêche la victoire complète de la fatalité 1• LA LIBERTÉ, AUXILIAIRE DE LA FATALITÉ Cependant la puissance du tragique réside surtout dans le fait que liberté et fatalité ne se distinguent pas toujours nettement.

Des choix et des actes, libres et dirigés vers le bonheur, peuvent en effet se retourner contre leur auteur et servir la fatalité. L'ironie tragique La fatalité tragique peut être comparée à un piège qui se referme d'autant plus sûrement qu'on fait effort pour s'en 1.

Néanmoins, la mort de Salluste n'empêche pas la mort du héros, bien au contraire.

En outre, si la reine est sauvée, elle retrouvera sa vie de prisonnière au palais royal.

Vie qui ne sera pas moins douloureuse que celle qu'elle y menait auparavant, mais qui sera cependant moins vide: au moins aura-t-elle aimé. libérer.

L:aë:te de liberté ou de libération, l'acte destiné à faire le bonheur (de soi-même ou d'un autre) devient ainsi un acte fatal qui concourt à la tragédie.

C'est ce qu'on ap­ pelle l'ironie tragique. ,. Celle-ci est particulièrement visible dans Les Caprices de Marianne.

Octave tente de faire la conquête de Marianne pour le compte de son ami Cœlio.

Marianne finit par ac­ cepter de donner un rendez 7vo_us nocturne à son futur amant-; mais elle fait comprendre à Octave qu'elle préfére­ rait que ce soit lui qui y vien,ne, plutôt que Cœlio (Il, 3). Octave, qui veut avant tout le bonheur de son ami, se re­ fuse à le trahir (Il, 3 et 4).

L:attitude d'Octave n'est pas dé­ nuée de grandeur d'âme, et il la considère comme une bonne action (Il, 4).

Mais à la faveur de la nuit, Marianne croit qu'elle parle à Octave, et appelle Cœlio du nom de son ami.

Elle lui révèle que son mari a posté des tueurs autour d u jardin.

Cœlio, désormais convaincu que Marianne ne l'aime pas, persuadé à tort de la trahison de', son ami,' va s'offrir lui-même aux coups des assassins. L'acte magnanime d'Octave, destiné à faire le bonheur de l'ami, a fait au contraire son désespoir et sa mort. La fatalité, conséquence d'un acte libre , .. .. .La fatalité qui pèse sur un personnage peut avoir.... »

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