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LIEZI (? 450-?) On ne sait pratiquement rien de la vie de Liezi (Lie Yu Kou), si ce n'est les...

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« LIEZI (? 450-?) On ne sait pratiquement rien de la vie de Liezi (Lie Yu Kou), si ce n'est les anecdotes à son sujet qui par­ sèment le livre qui porte son nom (et qui au vme s. recevra le titre officiel de « Le vrai classique du vide parfait») ainsi que celles plus ou moins fantaisistes qui sont dans le Zhuangzi.

Par ailleurs, beaucoup d'anecdotes illustrant des thèmes taoïstes se trouvent à la fois dans le Zhuangzi et dans le Liezi.

Il existe même une tradition selon laquelle il aurait été le maître de Zhuangzi. Comme il n'y a ni mention de son nom ni de son œuvre dans les « Mémoires historiques» de Sima Qian, certains ont même prétendu qu'il s'agit d'un personnage inventé.

Il est probable qu'il fut et resta pauvre et ne chercha jamais à se placer.

Quoi qu'il en soit, une chose demeure : « Le vrai classique du vide parfait» est le troisième des grands textes canoniques du taoïsme philosophique et compté comme tel, peu nous importe ici que ce texte soit contemporain du Laozi et du Zhuangzi ou postérieur de quelques siècles. Cet ouvrage se compose de VIII Livres qui s'éten­ dent sur 33 chapitres.

Il est presque aussi long que le Zhuangzi.

Tout le vn e Livre est, comme nous l'avons déjà vu, consacré à Yang Zhu, et il est presque ce1tain qu'il n'est pas de la même main que le reste de l'ou­ vrage, à moins que « libéral» en diable, et subtil comme pas deux, Liezi, ou quel que soit son nom véri­ table, n'annexe au courant taoïste un penseur singulier dont le ton est déjà taoïste sans que sa pensée le soit véritablement. Le Liezi est original à plus d'un titre et n'est pas qu'une répétition, un peu plus amplifiée sur certains points, du Laozi ou du Zhuangzi.

Il y a dans le Liezi comme une volonté très nette de la part de l'auteur de ratisser large et de faire son miel de toute l'efferves­ cence lettrée de son temps, quitte à « taoïser» ce qui de la pensée d'autres écoles lui semble taoïsable, comme aussi d'accepter avec libéralisme et bonhomie que certains enseignements confucéens viennent cor­ roborer son taoïsme moins soucieux d'être « pur et dur» que subtil et même populaire.

A chevaucher le vent - spécialité du saint dégagé des relativités mon­ daines et accolé au Dao -, on peut se permettre hau­ teur de vues, certes, mais aussi syncrétisme, tolérance et contradictions. Beaucoup moins énigmatique et elliptique que le Laozi, moins lyrique et rutilant que le Zhuangzi, le Liezi est d'un abord plus facile, c'est pourquoi, selon la recommandation d'Etiemble, il serait bon de com­ mencer par lui la lecture des philosophes taoïstes, le Zhuangzi venant en deuxième. Deux anecdotes un peu choisies au hasard nous permettront de faire connaissance avec le texte et sa manière. « long Chou 1 s'adressa à Wen Tche 2 et dit: "Votre art est subtil et j'ai une maladie.

Pouvez-vous la gué­ rir? " Wen Tche dit : "Je suis à votre disposition, mais j'attends que vous m 'indiquiez les signes de votre maladie.

"long Chou s'expliqua : "la louange de mes concitoyens ne me procure pas la satisfaction I et 2.

Personnages dont on ne sait rien, sauf du second qu'il était évidemment «médecin». .. de ! 'honneur et je ne ressens pas de la honte à cause de leur blâme.

Le gain ne me réjouit pas et la perte ne m'afflige pas.

Je considère la vie à l'égal de la mort et la richesse à l'égal de la pauvreté.

Quant aux humains, ils me paraissent valoir autant que des porcs et moi-mêmeje me considère comme les autres. Je vis au sein de ma famille comme un voyageur à l'auberge.

Mon pays natal est pour moi comme l'étranger.

A l'e11contre de ces défauts, dignités et récompenses sont sans effet; blâmes et châtiment ne m 'effi·aient pas; grandeur et décadence, profits et pertes n '.Y feraient rien, non plus que les deuils et les joies.

C'est pourquoi je n 'ài aucune aptitude à servir le prince ni à entretenir des rapports normaux avec mes parents et amis, avec ma femme et mes enfants, et je gouverne mal mes domestiques.

De quelle sorte de maladie suis-je affligé et cornm€!nt m'en guérir?" Wen Tchefit tourner Long Chou le dos à la lumière et lui-même se mit derrière son patient pour examiner sa silhouette qui se découpait dans la lumière.

Il dit alors : "Je vois bien votre cœur : c'est un pouce carré de vide! Vous êtes quasiment comme un homme saint.

Six ouvertures de votre cœur sont parfaitement libres et une seule ouverture reste fermée.

Par le temps qui court, on tient la sainte sagesse pour mala­ die.

Sans doute est-ce là votre maladie.

A cela, je ne connais pas de remède.

" » Lie-Tseu, Le vrai classique du vide parfait, trad.

B.

Grynpas, Philosophes taoïstes, Bibliothèque de la Pléiade, 1980, © Ed.

Gallimard, pp.

458-459. D'après la théorie chinoise, le cœur avait sept ouvertures, mais ce n'est que chez le saint qu'elles n'étaient pas obstruées ; chez le commun des mortels, elles étaient bouchées en nombre plus ou moins grand. (note, p.

696.) Désobstruer son cœur, voilà la voie du saint, voilà sa « maladie» aux yeux du monde.

Que ce quasiment saint n'ait désobstrué son cœur qu'aux six-septièmes ajoute au sel de l'anecdote, puisque complètement désobstrué il n'aurait plus posé de question ni parlé de guérison.

Au fond, rien n'est peut-être plus ambigu qu'être un presque saint qui, ignorant le dernier pas à franchir, s'interroge encore et questionne autrui... La deuxième anecdote porte sur le rapport nom / réalité et fait référence aux débats d' époqué sur cette question qui a peu ou prou intéressé et agité toutes les écoles philosophiques chinoises. « Dans la région de l'Est, vivait un homme du nom de Yuan King-mou.

Comme il se rendait en voyage, il faillit mourir de faim en cours de route.

Un brigand de Hou-fou, du nom de K'ieou, le vit et lui apporta à boire et à manger pour le fortifier. Yuan King-mou se fortifia trois fois, et, revenant à lui, il dit: "Qui êtes-vous?" L'autre répondit: "Je suis de Hou-Jou et je m'appelle K'ieou." Yuan King­ mou dit: ''N'es-tu pas un brigand? Quoi! un dépravé m'aurait-il nourri? Mon sens de la justice m'interdit de manger de ta nourriture!" Alors, pen­ ché en avant, les deux mains au sol, il s 'efforçait de tout vomir, mais il n'en sortait qu'un gargouillement. Sur quoi, on le vit s'affaisser et il mourut. Il est vrai que ! 'homme de Hou-fou était un bri­ gand, mais nourrir un voyageur n'est pas un acte de brigandage.

Que le voyageur se soit refusé à assimi­ ler ce que son bienfaiteur lui offrait en le considérant comme le.fruit du brigandage, c'est là un malentendu entre le nom et la chose.

» p.

593 Par cette anecdote, Liezi ne fait pas une théorie systé­ matique sur ce qu'il serait licite ou non d'accepter d'un brigand : du pain certes, mais un bijou? du pain certes, mais sa main ? du pain certes, mais son hospitalité? L'exemple se suffit à lui-même, la conclusion «théo­ rique» donne en quelque sorte le «titre» du tableau. Conclusion En tant qu'inséré dans un Tout (nature dont l'hu­ manité n'est qu'une infime partie), chacun de nous naît sans qu'il y soit pour quelque chose et meurt de toute façon, même s'il y met parfois du sien en préci­ pitant son départ.

C'est comme si du «il n'y a pas» initial au «il n'y a pas » final quelque chose avait lieu, tant dans l'espace que dans le temps, dont le caractère dérisoire est précisément d'avoir lieu, mais dont par ailleurs le caractère suprême est de manifester l'effi­ cace, la «vertu», la spontanéité même du «il n'y a pas».

Tout vient du «il n'y a pas» et y retourne. La vie est donc bonne à prendre pour peu qu'on sache s'accorder à sa spontanéité, à sa vertu (de) en se désencombrant de tout ce qui nous éloigne d'elle (la culture honnie) afin de nous agrandir au mystère même d'où elle provient.

Le saint est celui qui.... »

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